Plateforme

Michel, célibataire désabusé, sans enfant, fonctionnaire au ministère de la culture, part pour un circuit organisé par Nouvelles Frontières en Thaïlande. le quadragénaire semble être plus en quête des plaisirs tarifés prodigués par les mains expertes des salons de massage thaï que désireux de découvrir les sites touristiques prescrits par le guide du routard. Durant le séjour et contre toute attente, il y fait la rencontre d'une jeune et séduisante cadre de Nouvelles Frontières avec qui, de retour à Paris, il entreprend une brûlante liaison et collabore à la création d'un produit touristique d'une nature bien particulière pour répondre à la demande croissante des touristes occidentaux.

L'humour caustique et le cynisme politiquement incorrect de Michel Houellebecq trouve un terrain d'expression propice dans ce roman sur l'industrie des loisirs et les plaisirs troubles du tourisme sexuel. le texte fit polémique car quelques esprit chagrin y voyaient l'apologie de la marchandisation des corps dans une sexualité mondialisé. le texte est riche en passages sexuellement explicites et en considérations xénophobes sans qu'il soit aisé de faire la part entre fiction et idées partagées par son auteur. Un bon roman, parfois drôle, parfois dérangeant, qui aura le mérite de ne laisser personne indifférent.

Avec son troisième roman, Michel HOUELLEBECQ poursuit sa réflexion sur la société libérale qui gouverne le monde et met l'accent sur la mondialisation de toutes ses composantes, y compris la sexualité devenue une marchandise comme une autre. Cela explique le développement du tourisme sexuel et de son corollaire, celui des réseaux de prostitution. C'est en tout cas le constat que fait le personnage principal du roman qui convainc sa compagne et son collègue qu'il est vain de se voiler la face en ce domaine et qu'il est bien plus urgent d'en profiter pour accéder aux deux seules formes de bonheur possible : l'argent et le sexe. C'est ainsi que naissent les clubs Aphrodite, sous l'égide d'un puissant groupe hôtelier, le plus prestigieux d'entre eux étant bien entendu créé en Thaïlande.

Une telle présentation peut laisser croire que Plateforme n'est que crudité et cynisme. S'il y en a bel et bien, il serait toutefois dommage de réduire ce roman à cela. Il est peut-être même plus adapté de parler de lucidité en ce qui concerne le personnage principal, en tout cas dans la vision qu'il a du monde dans lequel il vit et de la cruauté de ses congénères. Car c'est bel et bien d'amour dont il est en quête, et qu'il vit d'ailleurs avec sa compagne. Les deux tentent simplement de s'adapter aux règles d'une société qui perd peu à peu son humanité et sur lesquelles ils n'ont aucune prise. Toute la question est de savoir s'ils réussiront à échapper à la violence de ce monde, ou s'ils seront inexorablement happés par elle, à l'instar du commun des mortels.

Telle est finalement l'intrigue de Plateforme, laquelle est bien plus subtile qu'il n'y parait de prime abord. Il y a également la prose de Michel HOUELLEBECQ, toujours érudite et plaisante, et capable de s'adapter à tous les tons, que ce soit celui de l'humour (au second degré), ou du drame.

J'ai lu les derniers romans de Michel Houellebecq qui chaque fois m'ont dérangé. C'est bien évidemment le but de l'auteur: nous montrer le monde avec ses misères, souvent les misères dues aux élites égoïstes, au système libéral, quand ce n'est pas dû aux religions et à leurs méfaits. J'ai souhaité découvrir ses oeuvres plus anciennes et j'ai découvert en bibliothèque édition Flammarions un livre, 1473 pages qui s'intitule Houellebecq 2001-2010. On y trouve ce qu'il a publié sur cette période: Plateforme, La possibilité d'une île, Interventions, et La carte et le territoire, pour ce dernier titre, livre que j'ai lu lors de l'attribution du Prix Goncourt.
Je termine Plateforme. C'est déjà ou toujours un Houellebecq "poil à gratter" si j'ose cette image. Les lecteurs qui souhaitent lire pour se distraire et recharger les batteries ne vont pas aimer... D'ailleurs je me suis interrogé, à propos du titre: pourquoi Plateforme. Je pense qu'il faut comprendre plateforme comme lieu d'observations, une sorte de hauteur pour observer notre société, ses concitoyens français et plus généralement la misère du monde. On peut aussi se demander avec la ruse de l'auteur s'il ne faut pas aussi décomposer le terme et comprendre plate forme en deux mots soit forme plate et par là mauvaise forme des personnages et notamment de Michel (lui aussi), le narrateur. Et peut-être en jouant sur l'ambiguïté, les 2 idées voire une toute autre intention ?
Le sujet traité est relatif aux solutions recherchées par les êtres sexuellement frustrés. Comme la prostitution est jugée avilissante voire une sorte d'esclavage déguisé, nos frustrés s'orientent vers le tourisme sexuel... L'auteur ne prend pas position, il nous décrit des personnages, souvent malheureux et pour certains qui essaient de sortir de leur galère. J'ai entendu une interview de l'auteur, interrogé qui répondait: "Ce n'est pas parce ce qu'un sujet est dérangeant que je ne vais pas le traiter ! ". Je pense que pour le lecteur, ce doit être aussi le cas. le sujet est dérangeant, mais avant de juger, suivons la vie des personnages et ce que le destin leur réserve...

j'ai découvert Houellebecq tardivement, et j'ai dépassé l'image négative que j'en avais eu lors de ses interviews TV. J'ai lu Soumission, la possibilité d'une ile, la carte et le territoire, .... un grand écrivain témoin désillusionné de son époque.
Plateforme est à la hauteur de ses autres romans, mais là, du sexe, du sexe, encore du sexe. En veux-tu en voilà, et même si l'on en veut pas on en a, beaucoup. Pourtant, rien de racoleur, tout illustre le propos de Houellebecq sur l'évolution de la société, sur la récupération, voir le détournement marketing de nos instincts biologiques, l'asservissement de l'achat et la vente du sexe. Triste tropique.

On retrouve le Houellebecq déprimé et pessimiste jetant un regard froid sur une société occidentale ne réfléchissant plus et cherchant à consommer coute que coute que ce soit des objets ou du sexe. Mais surtout du sexe, ce qu'il y a de plus naturel.
Ces descriptions ou réflexions mettent parfois mal à l'aise. Outrées, elles permettent de s'en distancier tout en nous montrant que ce n'est pas tout à fait faux.

Entre deux coups de vents … ça c'est pas trop grave, en Bretagne on y est habitué … entre deux journées de crachin prononcé, plus ennuyeux pour le moral !
Un rayon de soleil tapant sur mes vitres, je me décide … un Houellebecq qui trainait depuis fort longtemps dans mon mouton à lire … pourvu que l'éclaircie dure !

Lire un livre de Houellebecq c'est remonter dans le temps,
Se souvenir de « Nouvelles Frontières » … entreprise emblématique des années 70, garant de voyager autrement … maintenant intégré à un groupe qui représente la plus grande flotte de vacances du monde TUI (1),
Une autre grande réussite « le guide du routard » … fait par « Des connards humanitaires protestants, voila ce qu'ils étaient, eux et toute la chouette bande de copains qui les avaient aidés pour ce livre », une réussite qui continue sa légende aujourd'hui.

Lire un livre de Houellebecq c'est se perdre dans des considérations économiques très pointues décrivant l'acte d'achat selon des théories plus ou moins fumeuses pour qui ne se passionne pas pour le sujet … « le modèle de Marshall, l'acheteur est un individu rationnel cherchant à maximiser sa satisfaction compte tenu du prix » (2) … « le modèle de Veblen, par contre, analyse l'influence du groupe sur le processus d'achat (suivant que l'individu veut s'y identifier, ou au contraire s'y soustraire) »(3) … le modèle de Copeland … ou le modèle de Baudrillard-Becker …

Lire un livre de Houellebecq c'est trouver …
Des analyses très fines … qui n'a jamais éprouvé cette sensation, « Prendre l'avion aujourd'hui, quelle que soit la compagnie, quelle que soit la destination, équivaut à être traité comme une merde pendant toute la durée du vol. » …
Des considérations philosophiques sur des questions très importantes comme pourquoi les Occidentaux n'arrivent plus à coucher ensemble ? … avec des réponses proposées pas dénuées d'intérêt … « c'est peut-être lié au narcissisme, au sentiment d'individualité, au culte de la performance, peu importe. Toujours est-il qu'à partir de vingt-cinq ou trente ans, les gens ont beaucoup de mal à faire des rencontres sexuelles nouvelles; et pourtant ils en éprouvent toujours le besoin, c'est un besoin qui ne se dissipe que très lentement. »

Lire un livre de Houellebecq c'est naviguer en eaux troubles … érotisme ? … vulgarité ?

Lire ce livre de Houellebecq c'est aller jusqu'au bout de la démonstration de ce à quoi mène notre recherche éperdue de la satisfaction de nos désirs … le tourisme sexuel a t'il encore un avenir ?

(1)
TUI Group, acronyme de « Trusted » (fiable), « Unique » et « Inspiring » (inspirant), est une société de voyage et tourisme multinationale dont le siège est à Hanovre, en Allemagne. C'est le plus grand groupe et leader de tourisme du monde et le premier voyagiste français.

(2)
Pour Alfred Marshall, le prix d'un bien dépend du coût des facteurs de production et de la valeur que le consommateur est prêt à lui accorder, et il ne faut pas privilégier une approche plutôt qu'une autre. Pour résoudre ce dilemme, il a introduit la notion de temps dans l'analyse des mécanismes économiques :
* Sur le court terme, l'utilité l'emporte dans le phénomène de fixation du prix, par la recherche de l'équilibre entre l'offre et la demande, lequel s'établit à un prix qui exprime la « valeur-utilité ». Lors de l'introduction d'un produit sur le marché, l'entreprise adapte ses prix en fonction de la demande.
* Mais, sur le long terme, les coûts de production deviennent déterminants, car l'entreprise est obligée d'en tenir compte, et un prix d'équilibre qui se situe entre ce que le marché est prêt à payer au maximum et le prix auquel l'entreprise doit vendre son produit au minimum, va correspondre au « prix naturel » tel qu'il a été défini par les économistes classiques en se fondant sur la valeur-travail.

(3)
L'effet Veblen, ou effet de snobisme, a été mis en évidence par l'économiste et sociologue Thorstein Veblen. Dans le domaine des biens de luxe ou du moins ceux qui permettent une certaine distinction sociale, la baisse de prix de ces produits se traduit par une baisse de l'intérêt qu'ils présentent aux yeux de leurs acheteurs potentiels. de manière inverse, la hausse du prix d'un produit peut le rendre davantage désirable et le faire entrer dans la catégorie des biens dont la possession traduit un rang social élevé. de manière générale, l'effet Veblen se matérialise par le fait que les individus ont tendance à désirer des biens dont le prix élevé fait toute la valeur, en dépit d'une valeur pratique éventuellement faible.

Vous savez quoi ? Michel est heureux. le personnage principal, Droopy contemporain, sans relief et sans ambition fonctionne pour le ministère de la culture au service d'artistes qui occupent l'espace de créations inutiles. Touriste célibataire à la recherche de sexe, il finira par trouver l'amour par inadvertance et atteindre un niveau d'harmonie personnelle qui lui semblera déroutant.

Partant du principe que le partage du plaisir sexuel reste le dernier lien véritablement humain qui unit encore les individus dans le monde, toutes classes confondues, mieux que le commerce ou la religion, Michel, entre deux organisations d'expositions, conseille un binôme de professionnels du tourisme qui doit développer de nouvelles offres pour un nouveau réseau de clubs de vacances.

De sa plume enlevée et pertinente, Houellebecq illustre une nouvelle fois la vacuité des existences, l'égoïsme et la solitude affective dans nos sociétés où l'abondance matérielle n'a vocation qu'a faire circuler l'argent. L'histoire de Michel s'inscrit aussi dans un contexte de montée de violence urbaine et terroriste et même si la fin est amère comme souvent dans ses romans, le récit est maillé de fulgurances hilarantes.

Je n'ai jamais pris Houellebecq au sérieux, et je n'aime pas son côté sociologue en carton qui tente de bâtir des théories fumeuses sur le devenir du monde. Et dans le même temps, j'adore le Houellebecq irrévérencieux, politiquement incorrect qui tire à boulet rouge sur tous et qui n'a pas son pareil pour mettre en lumière tout le ridicule de l'homo occidentalis dans son comportement au quotidien. Il atteint dans ce roman des sommets dans l'humour, le cynisme et la dérision. Et puis nouveauté pour lui ici, il nous parle d'amour et semble y croire ! Michel, tu es sur la bonne voie pour retrouver goût à la vie …

Il a une Plate forme Houllebecq... Un livre coup de poing? Ou un coup d'épée dans l'eau?
Une vision sombre, cynique. Un témoignage d'une époque? Un peu de tout ça... C'est une soupe en fait. Un kaléidoscope d'une société qui se vit à travers le corps, en recherche permanente de plaisir. L'hédonisme factuel sous la forme d'un récit à la première personne.
Littérairement parlant, il ne tient pas la route, on part en tête à queue sans arrêt. D'ailleurs le sous-titre aurait pu être (excusez moi du terme, mais c'est le sujet qui le veut) l'histoire d'une queue...
Il reste intéressant d'écouter ce genre de propos, ne serais-ce pour en prendre conscience. pourquoi 4 étoiles? Parce que ce genre de livre reste un marqueur de notre époque. Une sorte de radioscopie d'une génération. D'une classe sociale...
"Pattaya Beach" de Franck Poupart est une critique sociale on ne peut plus conséquente et aussi osé qui n'a pas eu autant d'écho (dommage pour Poupart).
Un peu décousu comme critique. J'suis en plate forme, du coup j'ai la houlle qui me clou le bec...

Michel, bureaucrate entre deux âges, part en voyage organisé en Thaïlande. Il y découvre les amours tarifées dans les salons de massage et surtout fait connaissance de Valérie, une jeune femme travaillant dans le milieu du tourisme. Il en tombe éperdument amoureux, mais la tragédie n'est pas loin.
Livre écrit avec tout l'art de Houellebecq : fluidité, ton décalé, le style inimitable d'un écrivain de très grande classe. le lecteur est captivé dès le début et ne lâche plus le bouquin qui se lit avec une grande facilité. La première partie peut être considérée comme un simple récit de voyage, mais on passe très vite aux choses sérieuses : la recherche du bonheur, de l'amour et de la sensualité. Bien sûr, certains pourront trouver que l'auteur en fait une tonne dans des scènes de sexe relevant de la pure et simple pornographie. Mais il me semble tout de même que tout ceci renvoie à la vision matérialiste et désenchantée du monde occidental tel que le conçoit Houellebecq. On est d'accord avec lui ou pas. On arrive à ses conclusions ou à d'autres. En tous cas, il ne laisse personne indifférent, signe qu'il a frappé juste : là où ça fait mal. C'est à cela qu'on reconnaît aussi les grands écrivains et les grands penseurs.
Les pages sur l'Islam qui ont tellement révulsé les bien-pensants et les fanatiques en font partie bien entendu. Comme quoi un livre sur un sujet en apparence assez banal peut amener à une réflexion profonde.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/