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EAN : 9782290334485
92 pages
Librio (06/07/2006)
3.62/5   310 notes
Résumé :
MICHEL HOUELLBECQ

LE SENS DU COMBAT

" Un poète mort n'écrit plus. D'où l'importance de rester vivant. " Toute démarche poétique consistant, cependant, à retrouver et à exalter la souffrance originelle enfouie au fond de chacun de nous, ce raisonnement évident n'est pas si facile à tenir... Rester vivant. Sans craindre les espaces déserts d'une solitude assumée, ni les vérités scandaleuses qui jaillissent d'un regard impartial sur le mon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Malgré les airs de petite brute blasée qu'il aimerait se donner, Michel Houellebecq est comme la fleur qui cherche à s'épanouir : il aspire aux faveurs ensoleillées du ciel et n'hésiterait pas à laisser de côté son cynisme désillusionné pour une minute de sérénité et d'amour. Mais le chemin est long, qui lui permettrait de mettre de côté ses pensées négatives et son instinct solitaire pour éprouver le contentement simple et imbécile de sentir que l'on appartient au monde. Long, certes, mais à condition de ne pas rebrousser chemin, il sera peut-être possible d'aboutir… Cette hypothèse fait l'objet de la réflexion de Houellebecq, esprit méthodique et pragmatique dont une des charmantes caractéristiques est celle de savoir s'imbiber de poésie. La mixture qui en résulte est désillusionnée, car le romantisme ne résiste pas aux analyses froides et méthodiques des mécanismes sous-jacents qui régissent les rapports humains ; car les valeurs éthérées ne résistent pas aux pulsions animales du corps ; et car le rêve d'une harmonie totale ne peut pas s'allier au mode de vie solitaire d'un homme qui sent ne pas correspondre aux critères de réussite sociale.


« Nous voulons retourner dans l'ancienne demeure
Où nos pères ont vécu sous l'aile d'un archange,
Nous voulons retrouver cette morale étrange
Qui sanctifiait la vie jusqu'à la dernière heure.

Nous voulons quelque chose comme une fidélité,
Comme un enlacement de douces dépendances,
Quelque chose qui dépasse et contienne l'existence
Nous ne pouvons plus vivre loin de l'éternité. »


En raison de ces caractéristiques, la poésie de Michel Houellebecq ressemble à un foetus malformé, un peu monstrueux, qui aurait laissé se développer à outrance son circuit neuronal au détriment de tout le reste. Houellebecq analyse et décortique, fait preuve d'une lucidité cruelle, bien loin de toute naïveté primaire, en même temps que son corps semble incapable de réagir et de d'imprimer sa marque sur le monde. On retrouve certaines formes classiques, sous forme d'octosyllabe et d'alexandrin, mais aussi des formes plus libres et de la prose. Les thèmes abordés, s'ils sont classiques eux aussi puisqu'ils traitent du mal-être, de la solitude ou encore de la téléologie, deviennent soudainement plus pragmatiques lorsque leur forme est évoquée. Oui, la poésie est grande et belle lorsqu'elle s'inscrit dans le champ lexical de la nature, des espaces ouverts et des sentiments ou lorsqu'elle s'exprime en termes nobles et en concepts abstraits ; mais quid de la poésie qui fait figurer sur le mode de l'alexandrin le Monoprix du quartier ? les films pornos ? les clubs échangistes ? Serait-ce ce à quoi devrait ressembler toute poésie sincère du XXIe siècle ? Il est bien loin le temps où les mélancoliques allaient éprouver leur misère au contact des vastes plaines ; aujourd'hui, le paysage est saturé d'hypermarchés et de publicités, et l'horizon ne va pas plus loin.


« le samedi c'est bien,
On va au Monoprix
Et on compare les prix
Des enfants et des chiens,
Le samedi c'est bien.

Mais il y a les dimanches,
La durée qui se traîne
La peur qui se déclenche,
Un mouvement de haine
Il y a les dimanches ;
Lentement, je débranche. »


Une poésie aussi amère et sincère a de quoi faire tourner les têtes ! La lecture surprend et enchante par son audace, par cette fantaisie qui arrive à transcender le désespoir de Michel Houellebecq. Souvent, on rit : ce mélange de désenchantement brut et primaire jure avec la forme de la poésie et donne l'impression d'une hérésie littéraire jouissive. Oui, il est possible de se nourrir du malheur des autres, en l'occurrence de celui de Michel Houellebecq. Nous sommes pardonnables : lui-même semble prendre un malin plaisir à étaler ses vices et ses humiliations à la face du monde –même, on pressent quelle tristesse serait la sienne s'il ne pouvait pas le faire. Houellebecq avait l'oeil lucide d'un visionnaire : il avait prévu le succès de Facebook avant l'heure, étalant les détails de sa vie privée, racontant ses échecs amoureux, ses tristes branlettes et sa terreur des supermarchés.


« Retournerai-je en discothèque ?
Cela me paraît peu probable ;
A quoi bon de nouveaux échecs ?
Je préfère pisser sur le sable.

Et tendre ma petite quéquette
Dans le vent frais de la Tunisie,
Il y a des Hongroises à lunettes
Et je me branle par courtoisie. »


Mais le chemin est long, long… et qui, de Houellebecq ou de son lecteur, finira par se lasser le premier ? La complaisance du poète pour son malheur crée malheureusement un détachement qui va s'amplifiant. Les audaces d'écriture finissent par révéler leurs ruses et lorsque, pour la quinzième fois, on voit surgir le mot « bite » à la fin d'un alexandrin, on ne trouve même plus ça drôle.


La dernière partie du chemin s'intitule « Renaissance ». Revirement soudain du vieux dépressif qui essaie en dernier lieu de tirer du bon nectar de l'existence qu'il s'est pourtant évertuée à rabaisser. Besoin de se soumettre aux exigences classiques de tout bon cheminement de maturité ? L'ouverture progressive de Michel Houellebecq à autrui, les nouveaux sentiments de plénitude qu'il dit éprouver, semblent alors grossiers que la misère qu'il avait précédemment décrite –la facticité en plus. On tombe alors dans le complaisant, avec l'impression que Michel Houellebecq se livre à une profession de foi bien terne, à laquelle il ne croirait pas vraiment… Si c'est ainsi qu'il imagine le bonheur, on comprend aisément pourquoi ce triste sire préfère patauger encore un peu dans son auge.


Lien : http://colimasson.over-blog...
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Ce livre est un recueil de textes écrits et publiés entre 1991 et 1998 pour les Inrockuptibles entre autres. Les lire nous ramène pour certains dans l'actualité des années 90, ses présidents, ses manifs, sa société: bain de jouvence.
Houellebecq y dissèque le mal-être inhérent - à ses yeux- à la condition humaine, certains étant plus chanceux que d'autres, mais la souffrance morale étant un bonne source d'inspiration pour le poète. Il y porte également un regard lucide et critique des moeurs actuelles, les effets de groupes, ceux de la pornographie, etc...
Chacun des textes m'a apporté personnellement un regard nouveau et décalé sur le monde dans lequel je vis, et que j'ai apprécié. On peut aimer ou non Houellebecq mais il parle du monde d'une manière qui lui est originale et qui percute. Il observe et tente de comprendre les personnes présentes autour de lui, dissèque leurs attitudes, les analyse. Ces essais sont une bonne porte d'entrée à ses romans en fait.
Je pense, après cette lecture, me replonger un de ces quatre dans les derniers romans de l'auteur.
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On acclame souvent Houellebecq pour son regard aiguisé sur notre monde, la clairvoyance de sa critique. Il me semble pourtant que non seulement Houellebecq n'est pas un anti-moderne, mais que c'est surtout par son sens de l'humour qu'il se distingue. Le texte initial, Rester vivant, n'est pas si drôle (les suivants le sont beaucoup plus). C'est justement le moins bon du recueil, car il manque du recul qui caractérise les autres textes.

Je m'explique : Houellebecq décrit les affres de la modernité avec un pessimisme et un désabusement absolus. Rien n'est à garder dans la vie moderne, tout est laid, artificiel, idiot. Ces remarques s'appliquent d'ailleurs de façon indifférenciée à la vie elle-même et à la modernité (phénomène tout à fait caractéristique de Houellebecq, je m'en explique plus bas).

Pourtant, on sent bien que la désillusion de l'auteur est plus grosse que lui. Sa critique est elle-même moderne, elle est elle-même artificielle, caricaturale, et il le sait (du moins on peut oser le croire). C'est ce qui rend Houellebecq si ambigu et sans doute si populaire : il critique la vie moderne non pas du point de vue d'un ancien, d'un historien, d'un conservateur, voire d'un mort, il la critique du point de vue d'un moderne. Ce qui affleure souvent à la surface de ses personnages : leur cynisme ne vient pas d'un rejet de la modernité mais au contraire de la frustration "de ne pas en être".

Un exemple : ses critiques sont majoritairement des critiques "de la fin". La séduction est désespérante car bien souvent elle n'offre pas l'objet convoité. La vie ne peut être que malheureuse car l'on vieillira seuls. La ville est laide, puisqu'on finira par la quitter. L'amour est inutile parce que périssable, etc. Ainsi le plaisir pervers de Houellebecq à décrire les fins, fins qui semblent toujours artificiellement tristes : retours à la maison, fins de vacances, fins de journée, fins de conversation, etc.

Inutile de dire que la limitation philosophique de cette approche est énorme, puisqu'elle ne consiste en gros qu'à dénoncer la mortalité de l'homme et la finitude de ses expériences (chose dont tout un chacun est a priori au courant) sans considération pour les processus et le vécu eux-mêmes, qui constituent pourtant la matière de notre vie.

Houellebecq est donc une sorte d'utilitariste absolu : ce n'est pas l'utilitarisme de la société moderne qu'il dénonce, mais bien le manque d'utilité de la vie en général, qui ne semble pas vouloir se conformer aux injonctions de la modernité. Et ses critiques ne sont pas tant politiques ou sociales que métaphysiques. A chacun d'en penser ce qu'il veut. Au moins, c'est drôle.
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"Rester vivant" est la recommandation que donne Michel Houellebecq à l'apprenti poète : puisque la souffrance est éternelle et inévitable, il faut l'utiliser au moins comme outil de création ; car :
L'acte poétique seul peut ramener la souffrance à un niveau tolérable. Une souffrance tolérable permet de rester en vie et il faut rester en vie pour continuer à créer. C'est un cercle vertueux.
Le vie n'a pas de sens, seul l'art peut la justifier.
"Le poète est un parasite sacré ".

J'ai hâte de voir le film "rester vivant, méthode" avec Pop Iggy, que j'ai raté en mai !
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Un talent poétique désabusé qui suscite l'admiration. On devrait apprendre certains de ces poèmes à l'école. Deux euros bien investis.
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Citations et extraits (144) Voir plus Ajouter une citation
Je suis comme un enfant qui n'a plus droit aux larmes,
Conduis-moi au pays où vivent les braves gens
Conduis-moi dans la nuit, entoure-moi d'un charme,
Je voudrais rencontrer des êtres différents.
.
Je porte au fond de moi une ancienne espérance
Comme ces vieillards noirs, princes dans leur pays,
Qui balaient le métro avec indifférence ;
Comme moi ils sont seuls, comme moi ils sourient.

(p.206)
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A mesure que vous approchez de la vérité, votre solitude augmente. Le bâtiment est splendide, mais désert. Vous marchez dans des salles vides, qui vous renvoient l'écho de vos pas. L'atmosphère est limpide et invariable ; les objets semblent statufiés. Parfois vous vous mettez à pleurer, tant la netteté de la vision est cruelle. Vous aimeriez retourner en arrière, dans les brumes de l'inconnaissance ; mais au fond vous savez qu'il est déjà trop tard.
Continuez. N'ayez pas peur. Le pire est déjà passé. Bien sûr, la vie vous déchirera encore ; mais, de votre côté, vous n'avez plus tellement à faire avec elle. Souvenez-vous-en : fondamentalement, vous êtes déjà mort. Vous êtes maintenant en tête à tête avec l'éternité.
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Le jour monte et grandit, retombe sur la ville
Nous avons traversé la nuit sans délivrance
J'entends les autobus et la rumeur subtile
Des échanges sociaux. J'accède à la présence.

Aujourd'hui aura lieu. La surface invisible
Délimitant dans l'air nos êtres de souffrance
Se forme et se durcit à une vitesse terrible ;
Le corps, le corps pourtant, est une appartenance.

Nous avons traversé fatigues et désirs
Sans retrouver le goût des rêves de l'enfance
Il n'y a plus grand-chose au fond de nos sourires,
Nous sommes prisonniers de notre transparence.
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Tant de coeurs ont battu, déjà, sur cette terre
Et les petits objets blottis dans leurs armoires
Racontent la sinistre et lamentable histoire
De ceux qui n'ont pas eu d'amour sur cette terre.

La petite vaisselle des vieux célibataires,
Les couverts ébréchés de la veuve de guerre
Mon dieu ! Et les mouchoirs des vieilles demoiselles
L'intérieur des armoires, que la vie est cruelle !

Les objets bien rangés et la vie toute vide
Et les courses du soir, restes d'épicerie
Télé sans regarder, repas sans appétit

Enfin la maladie, qui rend tout plus sordide,
Et le corps fatigué qui se mêle à la terre,
Le corps jamais aimé qui s'éteint sans mystère.
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Est-il vrai qu'en un lieu au-delà de la mort
Quelqu'un nous aime et nous attend tels que nous sommes ?
Des vagues d'air glacé se succèdent sur mon corps ;
J'ai besoin d'une clé pour retrouver les hommes.

Est-il vrai que parfois les êtres humains s'entraident
Et qu'on peut être heureux au-delà de treize ans ?
Certaines solitudes me semblent sans remède ;
Je parle de l'amour, je n'y crois plus vraiment.

Quand la nuit se précise au centre de la ville
Je sors de mon studio, le regard implorant ;
Les boulevards charrient des coulées d'or mobile
Personne ne me regarde, je suis inexistant.

Plus tard je me blottis près de mon téléphone
Je fais des numéros, mais je raccroche à temps.
Une forme est tapie derrière l'électrophone ;
Elle sourit dans le noir, car elle a tout son temps.
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Qui est aujourd'hui l'écrivain français le plus traduit dans le monde ? Son roman le plus célèbre, au parfum de science-fiction, a fait l'effet d'une bombe lors de sa parution…
« Les particules élémentaires », de Michel Houellebecq, c'est à lire en poche chez J'ai lu.
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