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sur 4024 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
HOUELLEBECQ, CE ROMANCIER QUE LA PRESSE (FRANÇAISE) ADORE DÉTESTER.


Islamophobe ! le mot était lâché, et, en cette fin d'année 2015, il ne souffrait, bien évidemment, aucune contestation ni excuse possible : Michel Houellebecq, ce salaud, n'était ni plus ni moins qu'un sosie littéraire du journaliste et essayiste plus que controversé - et pour le coup, à juste titre - Eric Zeymmour. Pour un peu, on allait pouvoir le situer dans la ligné de Renaud Camus et de son fameux "grand remplacement", de triste mémoire. Hélas, trois fois hélas, rien de tout cela dans ce livre ayant pourtant déclenché l'ire de la bien-pensance germanopratine. Mais reprenons un peu depuis le début :

Le narrateur, un universitaire parisien ayant passé la quarantaine, spécialiste de l'oeuvre de J.K. Huysmans, prénommé François (c'est à peu près tout ce que l'on saura de lui) est un homme presque sans présent et, de son propre aveux, sans véritable avenir possible. Légèrement alcoolique, relativement obsédé sexuel mais se considérant déjà comme étant probablement un homme sur le retour, voire très proche de la fin de toute vie sexuelle, bien qu'ayant conscience que la société est beaucoup plus intransigeante avec les femmes que les hommes sur le sujet de la sexualité, du "sex-appeal", intello mais pas trop - il avoue ne pas connaitre ni s'intéresser à l'histoire, ne rien comprendre à la littérature médiévale, s'amuser du cirque politique sans sincèrement se préoccuper des idées, n'avoir une connaissance de l'Islam que proche du néant, etc - et dont le seul vrai domaine de compétence tourne autour de la vie et de l'oeuvre de l'auteur du célèbre À Rebours dont le parcours personnel - d'un certain décadentisme fin de siècle, baroque et élégant, vers la redécouverte du christianisme jusqu'à l'oblature - ne sera pas sans rappeler, un peu, celui de notre Professeur, mais très en creux. Car le narrateur est creux, vide presque, et ne s'en fait lui-même pas d'illusion. Il a abandonné tout rêve de réussite intellectuelle sur l'hôtel de ses années de formation (ayant engouffré toute son énergie, tous ses rêves d'une gloire éventuelle dans la réalisation fastidieuse de sa thèse), il ne raffole guère de son métier d'enseignant, peine à supporter les doctorants qu'il conseille, bien que ne sachant rien faire d'autre. Il aime encore moins l'Université et nombre de ses collègues - une ou deux femmes de caractère, et plus âgées que lui, sortent du lot -. Il supporte mal sa solitude mais ne sait ni ne souhaite rien y changer fondamentalement. D'ailleurs, il n'a aucun goût pour le changement pas plus que pour l'immobilisme beauf de son existence inintéressante au possible. Aussi, c'est sans aucune tentative de prise sur le réel qu'il sera notre témoin de la montée fulgurante de l'islamiste modéré Mohammed Ben Abbes, homme politique nouveau sur le devant de la scène mais homme intelligent, fin,roué, bonhomme et, surtout, ayant un véritable projet d'avenir.

Car les élections présidentielles sont en cours. Nous sommes en 2022. Les partis "de gouvernement" sont totalement disqualifiés, avec la fin de ce second mandat de François Hollande, plus insipide, invisible et vain que jamais. La "social-démocratie" à la française semble devoir vivre ses derniers instants tant le système est à bout de souffle, sans projet autre que l'alternance des uns ou des autres ; sans soutien, l'Europe ayant peu à peu tourné le dos à toutes ces valeurs vidées de leur sens mais qu'elle prétend encore siennes. Seuls subsistent, après un premier tour chaotique et violent, Ben Abbes et sa Fraternité Musulmane - à la grande surprise de tous - ainsi que l'inoxydable Marine le Pen et son FN. Contre toute attente, mais parce que c'est leur seule chance de survivre sans paraître trop sembler renier leurs principes, le PS et l'UMP ("LR" n'existait pas encore) se rallient à la Fraternité Musulmane dans une alliance républicaine inédite et conduisent ainsi ce jeune parti à la victoire et ce, malgré une pierre d'achoppement fondamentale entre PS et FM sur le sujet de l'éducation (la disparition quasi annoncée de l'enseignement laïc et public, l'obligation faites aux futurs enseignants, tous masculins, d'être convertis, l'accent mis sur les filières d'enseignement technique, la fin de l'école obligatoire jusqu'à 16 ans, ramené à 12, un enseignement pour les filles presque exclusivement destiné à en faire de bonnes futures épouses, etc, etc, etc). Mais le PS n'en est plus à avaler un boa constrictor prêt et accepte sans trop se faire prier. Mais pas tellement plus que l'UMP, lequel semble se trouver fort bien à devoir travailler avec l'adversaire et ennemi de toujours sur l'échiquier politique renversé...

Quant au narrateur, sur les conseil de l'époux, fonctionnaire de haut rang à la DGSI, d'une des seules universitaires qu'il apprécie un peu (du moins, pour autre chose que son physique), il va tout simplement fuir les événements pour s'arrêter à quelques encablures de la célèbre Rocamadour, y cherchant, sans vraiment trouver, à mieux comprendre la foi de son maître Huysmans dans la contemplation silencieuse de la Vierge Noire.

Au bout du compte, c'est un genre "post-moderne" d'anti-héros sartrien que nous suivons dans cette farce politico-personnelle : il ne participe à rien des cataclysmes qui l'environne, ne lutte pas pour essayer de retenir la jeune femme dont il est, à sa manière, tombé un peu amoureux, a fait une croix définitive quant à ses illusions d'une éventuelle grande carrière intellectuelle, finit par avoir fait le tour complet de l'écrivain qui lui a permis de se faire un petit nom dans son milieu très cloisonné, s'ennuie de plus en plus du sexe sans amour, vivant ainsi un résumé fulgurant et pathétique des mots du poète "la chair est triste, hélas, et j'ai lu tous les livres", est incapable de comprendre autrement que sous le prisme d'une certaine ironie nostalgique et désabusée les bouleversements de son temps, doublé d'un je-m'en-fichisme abouti, lui faisant tout juste prendre conscience des petits changements insidieux de sa vie quotidienne (les magasins qui ont brutalement disparus, l'absence notable des femmes à l'occasion de cocktail donnés à la Sorbonne, la disparition, aussi, de la petite délinquance aux abords des grandes surfaces, et ainsi de suite) mais il accepte tout cela sans jugement, sans avis, sans réelle inquiétude ni angoisse.

Contre toute attente - la presse en avait tant fait - on ne retrouve pas grand chose de cette fameuse islamophobie tant décriée sous la plume des journalistes en mal de bouc émissaire, au moment de la sortie de ce roman. Mieux : le narrateur semble accepter avec une relative bienveillance l'arrivée et les changements induits par l'accession au pouvoir de Mohammed Ben Abbes. Parce que Houellbecq, toujours aussi dépressif et désabusé qu'à son accoutumée, nous livre avant tout une énorme farce bouffonne, bien plus, en tout cas, que l'ouvrage polémiste et virulent que d'aucuns ont voulu y voir, où ce parti islamique (aux abréviations à la fois proche et tellement différentes d'avec le concurrent principal : FM / FN... Fraternité contre Front et "aime" contre "haine"... Tout un programme !) est avant tout le révélateur - au sens de la technique photographique argentique - de tout ce que notre société, notre civilisation, occidentale a de perdu, de décadent, de fin d'histoire, thématique chère à Michel Houellbecq depuis son Extension du domaine de la lutte, en passant par Les particules élémentaires et ce, jusqu'à La carte et le territoire dont on peut estimer que ce nouvel opus est une sorte de suite logique.
François, dont on devine qu'il va s'acheminer lentement, sans à coups ni sans enthousiasme démesuré - à l'image du personnage - vers une très probable conversion (on ne peut que l'imaginer, les dernières pages étant intégralement au conditionnel), est un avatar de l'écrivain. Il est plus déprimé que réellement critique, désillusionné bien avant que de désapprouver quoi que ce soit, nostalgique de temps plus ou moins fantasmatiques mais dont il perçoit bien qu'ils ne pourront plus jamais être, car vidés de leur substance essentielle, laquelle est, selon lui, ce christianisme triomphant du Moyen-Âge.

Au passage, et pour tous ceux qui ont voulu absolument voir en ce livre un panégyrique des thèses du FN, l'auteur, via son narrateur, déboulonne et disqualifie totalement ce songe creux d'un retour à une supposée antériorité de la civilisation occidentale d'avant décadence, telle que prônée par les partis d'extrême-droite, la substantifique moelle de leurs phantasmes aveugles ayant à jamais échoué et disparu, malgré quelques factices soubresauts ou artifices. Si Frédéric Lordon, au lendemain des attentats de Charlie Hebdo et surtout des manifestations de "Je suis Charlie" qualifiait les manifestants de "catholiques zombies" ce n'est pas pour autant que la possibilité d'un réveil d'une catholicité conquérante soit encore possible. Quoi de plus mort et de destructeur, finalement, qu'un zombie ? Fin de la digression mais qui nous semblait d'importance.

Il ne peut guère plus taxer cette fraternité d'un sexisme outrancier, lui-même considérant les femmes presque exclusivement comme des objets sexuels, qu'elles soient intéressées, consentantes ou tarifées. Cette forme abjecte de machisme veule est-elle plus ou bien moins acceptable que le phallocratisme paternaliste de la religion ? Et même si, dans les deux cas, c'est la moitié du monde qui se retrouve sous la coupe de l'autre moitié - par sexisme purement beauf ou par obligation dogmatique, dans les deux options, la situation des femmes est terrible et sans avenir - L'auteur ne tranche pas. Pas plus qu'il ne tranche quant à cette perspective de changement de société (qui se déroule d'ailleurs dans un calme aussi surprenant qu'imprévu et une passivité de mise en place notoire, une fois les derniers sursauts de la réaction d'extrême droite éteints).

En revanche, il est sans concession et sans excuse à l'égard de l'institution universitaire dont il nous dresse un portrait en tout point calamiteux : des enseignants souvent médiocres et, lorsqu'ils le sont moins, essentiellement intéressés par leur propre carrière, nationale ou internationale, ces universitaires principalement confinés dans leur seul domaine de recherche (aucune transversalité, une curiosité des plus amoindries, des compagnonnages effilochés) se croient pourtant inatteignables, indéboulonnables du haut de leurs chaires, de leur tour d'ivoire, tout en ne sachant rien faire d'autre que de se draper dans leurs certitudes moralisatrices - qui ne sont d'ailleurs que façades tant elles retombent vite, une fois le gros de la tempête passée -, ils ne voient strictement rien venir des changements en cours, que beaucoup, tels le narrateur, finissent par accepter sans la moindre révolte. Les étudiants eux-mêmes se révèlent sans intérêts, quand ils ne sont pas tout simplement muets et ravalés au rang d'enregistreurs de connaissances ou de faire valoir sexuel pour l'année universitaire à venir.

Et si Houellbecq n'aborde que par nécessité la question de notre démocratie, de nos pouvoirs politiques en place, de cette social-démocratie qui serait "un humanisme mou", explique-t-il (tandis que l'expérience communiste serait "un humanisme dur"), de ces médias capable de faire l'impasse sur des informations de premier ordre (l'embrasement des cités), pourvu que cela permette aux élites de se maintenir sans donner au parti du pire la possibilité de trop prendre d'espace, mais que ces mêmes médias, après un court moment d'incertitude, semblent se contenter sans trop rechigner des débats d'un nouveau genre que ce changement de régime impose, pourvu qu'il y ait apparence de débat...

Aigre, désabusé, désenchanté, désillusionné... Les attributs ne manquent pas pour qualifier ce roman crépusculaire (il est souvent fait référence aux nones, ces prières monastique de milieu de soirée), qui juge fort peu, qui n'accueille pas négativement l'arrivée d'un musulman au plus haut échelon de notre République en déshérence avec un projet de vie commun, de société et d'avenir très clair et défini - comparé, même, à l'illustre César Auguste, le premier et peut-être le plus grand de tous les Empereurs romains -, non sans un certain génie car imposant d'autres bases sociales dans ses fondamentaux sans pour autant tout remettre en cause de nos modes de vie, tandis que tout ce qui découle de notre propre civilisation est perçu comme arrivé à son point de non-retour. On est loin, très loin de cette levée de bouclier de nos habituels "chiens de garde" comme l'aurait écrit Paul Nizan, loin d'une polémique en grande partie montée en épingle et pour partie explicable par les hasards malheureux du calendrier, le roman sortant à peu près dans les mêmes moments que les abominables attentats contre Charlie Hebdo.

Restera un roman pas forcément essentiel de cet auteur, prolixe et d'une lecture rapide et facile, mais à envisager comme une vaste bouffonnerie salutaire, parfois fort drôle, même si le rire y est souvent jaune ; une oeuvre de satiriste affligé traînant sa mélancolie nostalgique comme on traîne une chaîne interminable, le suicide lui étant à jamais une impossible porte de sortie ; un objet littéraire terriblement inscrit dans son temps, dont il serait une sorte de reflet exagéré, une caricature raisonnable.
Dès lors... La chrétienté de l'an mille n'est et ne sera jamais plus, vive l'islam conquérant pacifiquement ! (Ou tout autre chose mais, de toute façon, rien qui n'ait déjà été...)
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Je suis un lecteur assez inconditionnel de Michel Houellebecq, le romancier plus que le poète et le photographe. J'avoue que la polémique du mois de janvier dernier m'a fait reculer quant à la lecture de son dernier ouvrage. le thème, l'hystérie qui a accompagné la sortie de "Soumission" et peut être, de manière totalement irraisonnée et idiote, l'image de clodo intello qu'il affiche, ont fait que je ne me suis pas précipité pour acheter ce roman. Et puis, une fois retombée le bazar médiatique, je n'ai pu résister. Je me suis plongé dans ce qui a éclipsé tant de parutions de ce début 2015 et, je l'avoue, j'ai été conquis. Bien plus prenant que "La carte et le territoire" ou "La possibilité d'une île", on retrouve le Houellebecq d' "Extension du domaine de la lutte" et des "particules élémentaires" , celui qui propose une vision sans fard de nos sociétés.
Je le dis d'emblée, lire Houellebecq renvoie dans les cordes un nombre incalculable d'écrivains connus. Car en plus d'écrire magnifiquement, il a des idées (qui plaisent ou pas, mais qu'importe) et surtout il sait trousser un roman mêlant une intrigue avec un personnage central assez mou voire nihiliste, une vision très pointue de notre société et une évocation de Joris-Karl Huysmans sans jamais ennuyer le lecteur et je dirai même plus, en l'incitant à ne jamais lâcher son livre.
Oui, "Soumission" a été pour moi un vrai "tourne pages", un réel plaisir de lecture. Sous des airs faciles, c'est terriblement stimulant à lire car composé de différentes strates qui offrent plusieurs niveaux de lecture.
Il y a d"abord le narrateur, François, prof à la Sorbonne, spécialiste de Huysmans. Il subit sa vie plus qu'il ne la prend à bras le corps. Célibataire, ayant quelques aventures avec des étudiantes, il va bien vite se retrouver totalement seul et à la retraite à quarante quatre ans depuis que le partie islamiste d'un dénommé Ben Abbes est au pouvoir et a privatisé l'éminente faculté. N'ayant pas voulu devenir musulman et profitant de conditions financières exceptionnelles, il va vivre une vie de retraité prématuré entre maladies gênantes, coïts tarifés et sans envie avec quelques escorts girls trouvées sur le net et questionnements sur une possible foi. Ce personnage central se trouve pris dans une fable politique assez mordante dont le propos est l'islamisation d'une France totalement endormie par des élites et des médias s'inclinant devant ce pouvoir inédit.
Mais le roman, malgré tout ce que l'on en a dit ne se résume pas non plus qu'à cette politique/fiction sensationnelle. C'est aussi, une biographie de Huysmans, auteur pointu et exigeant qui, se tourna vers la religion catholique dans la dernière partie de sa vie. Cette évocation n'est pas un hasard car le cheminement de l'écrivain et du prof de fac, leurs interrogations aussi, sont similaires à un siècle de distance. Ce propos qui peut sembler ardu, Houellebecq arrive à le placer au fil du récit de façon naturelle, passionnante, sans jamais ralentir l'action.
La fin sur le blog
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J'ai essayé. J'ai vraiment essayé. Et pourtant, je n'ai pas vu en quoi l'oeuvre de Houellebecq faisait de lui un islamophobe. Il n'a pas insulté la foi. Ni le prophète. Ni remis en cause les principes de la religion musulman. Il a fait de la France un pays avec à sa tête un président de confession musulman, un homme vu comme adroit, très intelligent, musulman pratiquant et modéré. le type de modèle dont la religion islamique pourrait tirer une grande fierté dans sa modernité, son honneur et sa malice.

En vérité, à voir les critiques acerbes contre cet ouvrage, je m'attendais à une oeuvre acide, cynique et sombre, à la limite d'une France en pleine Apocalypse. Nous en sommes loin. Pour ma part, je la trouve presque consensuelle...

En fait, c'est probablement envers Hollande durant un fictif second mandat, que Houellebecq est le plus critique, décrivant discrètement la France comme au bord de la guerre civile, couvre-feu et musellement de la presse pour amplifier le tableau. Mais du moment où Abbas arrive au pouvoir, les troubles cessent. Un effet Obama à la musulman. Et les choses changent.

Bien sûr, la France ne devient pas un pays de rêves pour certaines franges de la population, mais en tous cas un pays fidèle aux principes du Coran. Prières, mosquées, patriarcat, polygamie. Les féministes n'apprécieront pas toujours, voire même les femmes en général d'ailleurs, mais l'islam n'est pas diabolisé par Houellebecq, il fait preuve, à mon sens, d'une étonnante retenue. Particulièrement dans la conclusion de son roman.

Je n'ai d'ailleurs eu qu'un regret, que son propos n'aille pas plus loin dans le temps. Qu'il nous laisse curieux de voir jusqu'où pourrait aller ce gouvernement. Car c'est sur la durée qu'aurait pu se vérifier l'éventuelle compatibilité de l'islam avec une société judéo-chrétienne.

Un livre à lire pour réfléchir, s'interroger et songer à l'avenir. Evidemment, le patriarcat serait un grand pas en arrière. Mais on peut toujours imaginer soi-même comment notre société est susceptible d'évoluer avec sagesse, dans le respect de ses valeurs.

La plume de Houellebecq fait toujours autant mouche.
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Avec Soumission, le dernier roman de Michel Houellebecq, je découvre cet auteur. Je suis longtemps resté à l'écart par peur de lire des choses trop complexes et trop incompréhensibles. L'auteur est adulé ou très fortement décrié. En tout cas, il suscite souvent la controverse et des discussions enflammées.

Son dernier ouvrage a déchainé les passions et va continuer à faire parler je n'en doute pas. "C'est un ouvrage polémique, c'est du n'importe quoi, c'est une prophétie, islamophobe, ..." Que n'a t on pas entendu lors de sa sortie très savamment orchestré par les éditions Flammarion.

Personnellement, étant engagé politiquement, le sujet ne pouvait que m'attirer et j'ai donc sauté le pas en me procurant le roman. J'ai retardé sa lecture pour que mon ressenti ne soit pas faussé par les attentats de début Janvier.

En refermant le livre que j'ai lu à ma grande surprise très rapidement (environ 5h), je peux affirmer que j'ai apprécié et cela pour diverses raisons:

- le roman en lui-même (et j'insiste bien sur le terme roman) est bien articulé et joliment écrit. 5 parties se succèdent sans anicroches en 300 pages. Les chapitres sont courts ce qui permet un dynamisme certain. L'auteur alterne entre les états d'âmes de François, le narrateur protagoniste principal du livre, des faits (genre chronologie journalistique), des réflexions philosophiques ou de longues conversations. Rien ne donne envie de s'arrêter en route.

- le style de Houellebecq: chapeau! Il n'est pas aussi ampoulé ou prétentieux que je le lis ou entends si souvent. Certes c'est mon premier roman de l'auteur donc je ne pourrais juger définitivement. Il n'empêche que j'ai trouvé Soumission très bien écrit. Les phrases sont souvent longues, mais elles ne sont pas difficiles à lire et elles utilisent de très jolis mots. Je reste assez subjugué par cette facilité d'écriture, cet art de conter et la rhétorique utilisée par l'auteur.
Comme quoi, rien ne vaut le jugement par soi-même!

- le réalisme qui se dégage du livre. Certes encore une fois c'est un roman et non un essai politique comme pourtant on pourrait le croire puisqu'on connait quasiment tous les protagonistes (il cite pèle mêle François Hollande, Manuel Valls, Marine le Pen, Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Jean François Copé, ChristopheBarbier, David Pujadas, ...), mais l'enchainement des événements, la facilité avec laquelle l'auteur arrive à ses fins sont étonnantes. Les analyses de Houellebecq dans ce livre sont cyniques, pessimistes mais pour moi font mouches de part leur finesse.

- Huysmans, Peggy, Bloy, Nietzsche, Dieu... Houellebecq cite beaucoup, s'appuie beaucoup sur les écrits de Huysmans pour étayer ses thèses, réflexions, doutes... C'est très appréciable et cela donne envie d'en savoir plus sur Huysmans. Ce dernier s'est converti au catholicisme dans la dernière partie de sa vie, François lui se convertit "naturellement" à l'islam...

Soyons objectif (ou du moins essayons...) il y a aussi des choses dérangeantes:
- le cynisme et le machisme de l'auteur dans ce livre. Jeu ou réalité? Disons que cela revient fréquemment...
- le rôle de la femme: soumise, à la maison, objet sexuel ou de "plaisir", ...
- Sont mélangés dans un même ouvrage sexe, alcoolisme, tabac, religion, croyance, littérature, philosophie... c'est parfois du grand n'importe quoi!
- le portrait de la société tel que le dresse l'auteur et l'absence de réaction de la population... blasée qui se "soumet" à l'islam et au nouveau régime. Ça fait froid dans le dos.
- le provocateur! Houellebecq adore cela et on le sent souvent dans la lecture. Dans une même page, voire une même ligne! Surement volontaire, mais souvent cela met mal à l'aise.

Pour moi, ce livre est un beau roman bien rédigé et bien documenté. Il m'a donné envie de lire d'autres romans de l'auteur.
Après est ce une fable ? une prophétie? la fin de la laïcité à la française avec le retour du religieux ? Un appel à l'insoumission? Je vous laisse juge!
Je ne peux que recommander la lecture de ce roman pour en avoir sa propre opinion.
Je l'ai lu, je peux en parler de moi même et c'est bien la le plus important pour moi.

4/5



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Comme tout le monde j'ai bien sûr entendu tout et son contraire sur ce livre, provocation, incitation à la haine etc... C'est évident qu'il est paru au plus mauvais moment, mais trés franchement, aprés sa lecture, je cherche toujours ce qui a pu lui valoir un tel déchaînement médiatique.

Plus qu'un provocateur, Michel Houellebecq a un don pour révéler les travers de notre société et tout ce qui va mal. Dans ce roman, il s'agit bien d'une fable, il imagine notre pays dans une dizaine d'année, juste au lendemain de l'élection présidentielle remportée par la Fraternité Musulmane associée au PS, contre le FN et Marine le Pen, la société française en pleine décadence a perdu tous ses repères, toutes ses valeurs. Un gouvernement mené par François Bayrou (choisi parce que selon Houellebecq c'est le moins compétent... ce qui donne une idée de l'opinion de Houellebecq sur la classe politique en général), et finalement une Fraternité Musulmane trés modérée au regard de ce qu'on vit en ce moment, dont la première action sera de renvoyer les femmes à la maison.

Dans ce roman, nous suivons le personnage principal, chercheur et universitaire éminent, auteur de nombreux ouvrages sur Huysmann.

Toujours les mêmes démons habituels présents chez Houellebecq, le personnage plutôt solitaire, ne parvient pas à nouer de relations amoureuses autres que sexuelles, fume et boit plus que de raison, et il assiste en observateur à la montée du parti musulman. Je n'ai pas trouvé, dans ce livre ce dont on accuse Houellebecq, ni provocation, ni racisme. J'ai trouvé finalement qu'il s'agissait plutôt d'une critique assez virulente du milieu des intellectuels universitaires qui, aprés la prise de pouvoir, n'hésitent pas à se convertir à l'Islam et d'en adopter les théses économiques ou sociales afin de continuer à bénéficier des trés nombreux avantages que leur offre la Fraternité Musulmane. le personnage lui-même finira par se convertir plus par fatalisme et lassitude, à quoi bon lutter alors qu'on lui offre une vie confortable et un poste bien rémunéré, que par conviction personnelle.

Bon, c'est sûr que si vous n'aimez pas Houellebecq, il y a de fortes chances que vous n'aimiez pas ce livre, mais si vous voulez essayer, je trouve que ce livre est assez intéressant et novateur dans son écriture, avec un entremêlage avec notre actualité quotidienne, on y retrouve journalistes connus et politiques du moment. Un peu provocateur peut-être, avec toujours une pointe d'humour ou de cynisme envers les travers de notre société et des intellectuels, mais l'auteur fait montre de beaucoup d'érudition, on y apprend notamment pas mal de choses sur Huysmans et sur le symbolisme à la fin du dix-neuvième siècle.










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Spécialiste de Huysmans, François est un universitaire reconnu dans la France de 2022, France dans laquelle le pouvoir pourrait bien basculer. Les élections de mai 2022 laissent le choix entre le Front National et la « Fraternité Musulmane ». On entre dès lors dans un roman de politique-fiction.
Tout au long du roman, notre héros se pose des questions métaphysiques sur lui et le monde, ses relations avec les autres, et notamment son amie juive qui part avec ses parents en Israël, fuyant un régime qui leur est apriori hostile et qui est une des solutions possibles. Car le narrateur est un homme solitaire, brillant mais seul et nous retrouvons ce thème cher à Houellebecq de l'ultra moderne solitude. Ses relations avec les femmes sont plus qu'éphémères, étudiantes qui admirent le grand maître. Mais elles mûrissent et :
« À l'issue des vacances d'été, au début donc de la nouvelle année universitaire, la relation prenait fin, presque toujours à l'initiative des filles. Elles avaient « vécu quelque chose » au cours de l'été, telle était l'explication qu'elles me donnaient, le plus souvent sans précision complémentaire ; certaines, moins soucieuses sans doute de me ménager, me précisaient qu'elles avaient « rencontré quelqu'un ». Oui, et alors ? Moi aussi j'étais « quelqu'un ».
Tout ça pour montrer que les femmes étant un problème, elles partent ou le quittent, le régime à venir va y mettre bon ordre. Car les idées exprimées sont ce qu'il est convenu d'appeler ultra réactionnaires : tout en en vantant les mérites, le narrateur expose le régime proposé par le nouveau Président de la République : il est autoritaire vis-à-vis des femmes qui sont les premières à subir la soumission : voiles, confinement au foyer avec interdiction de travailler, mariages arrangés avec des hommes ayant plusieurs épouses. François se pose des questions lorsqu'il s'agit pour de réintégrer le système : soit il reste en retraite avec un traitement confortable, soit il continue à la Sorbonne à dispenser ses cours mais en se convertissant à l'Islam avec un salaire trois fois plus élevé et permission d'avoir trois épouses. Pour un grand solitaire dépressif, c'est tentant. On ne dira pas la fin mais le mode utilisé par l'auteur élargit le champ des possibles.
Avec Houellebecq, c'est un peu comme avec Céline : la tentation est grande de confondre auteur et narrateur. Pour ma part, le fait que Houellebecq, frappé par la mort de son ami Bernard Maris ait refusé de faire la promo de son livre, ne me laisse pas de doutes. En revanche, l'auteur est un grand sujet de discussions et de polémiques au sein même du cercle de famille. Encore une fois, il faudrait préciser que c'est une fiction. Certes on sent très bien par exemple, dans les films de Clint Eastwood que l'homme est un vieux républicain de l'auto-défense. À la fin du livre, l'auteur remercie l'aide qu'une amie lui a apporté sur les arcanes du milieu universitaire qu'il n'a jamais fréquenté. Si besoin était, voilà un avertissement.
Quant au style, c'est un bon style narratif quand il s'agit de raconter les aventures et pensées du héros avec juste ce qu'il faut de quotidien et de sexe mais les démonstrations sociologiques de l'ami des services secrets, sont parfois indigestes, ami qui reconnait dans le roman lui-même, d'avoir parlé « un peu longtemps.» Les démonstrations politiques et sociétales sont en général, assez lourdes et, Dieu merci (si j'ose dire), peu convaincantes pour le lecteur. Un assez bon cru néanmoins.
Plus intéressants sont les informations et parallèles avec Huysmans et notamment le fameux « À rebours » que le narrateur spécialiste insèrent puisqu'il a l'air de l'avoir choisi pour mentor au-delà du temps et ce qui lui permet de comparer deux époques bien distinctes et d'insérer quelques visions poétiques.
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Mon premier Houellebecq. Une uchronie du futur (sic ! J'espère) plutôt spéciale car potentiellement réaliste. Je ne l'ai pas vu comme une ode ou une critique de l'extrême droite. Je l'ai lu comme un roman, une fiction mais qui fait réfléchir. A lire avec du recul et sans a priori.
Quant au style de l'auteur que j'ai découvert ici est proportionnellement inverse à son image : très propre, fluide et compréhensible. J'en lirai d'autres !
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Je n'ai toujours aucune affinité avec l'auteur-homme, mais je dois reconnaître une nouvelle fois son indéniable talent de romancier, cette fois dans la politique-fiction, un genre suffisamment rare pour en souligner sa qualité. Une brillante idée de roman, mais dont je ne comprends pas l'ampleur de la polémique dont il est à l'origine. Les éléments politiques du roman me semblent un peu exagérés, mais néanmoins plausibles, sans toutefois exploiter jusqu'au bout toutes les possibilités qu'il lance (de quoi envisager une suite). Bref, lecture vivement conseillée.
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Enfin, un livre de Houellebecq que j'ai aimé ! Sans remettre en cause sa plume et son talent, La possibilité d'une île et La carte et le territoire ne m'avaient pas enthousiasmé. La lecture de celui-ci capta mon attention tout du long et j'ai dévoré les pages pour aller au bout de son roman de prospective ou d'anticipation politique, c'est selon la perspective qu'on lui accorde. Sûrement que les thèmes évoqués dans Soumission correspondent plus à mes centres d'intérêt ou à mes propres questionnements sur l'avenir de la France dans une période troublée qui n'est pas sans rappeler un passé récent qui compte les moments les plus noirs de la civilisation occidentale. Les traits de caractère dont l'auteur habille d'ordinaire ses personnages sont présents, les aficionados ne seront pas déçus. du cynisme, du désabusement, du renoncement, de la dépression, du sexe parce que l'amour lui semble toujours sans issues et la lucidité de celui qui analyse sa vie et les évènements qui la jalonnent avec le recul de l'observateur ou de l'acteur malgré lui.
Houellebecq nous dessine une société où la quête de spiritualité de l'être humain, ce qui, peut-être, donne du sens à son existence et lui fait accepter sa fin, loin de diminuer concomitamment à l'essor du progrès et du savoir est un cheval de Troie exploité par la dernière des religions du livre, l'islam. Un islam de France qui affirme son ambition politique et dont l'un des coreligionnaires, formé à l'école de la République accède au pouvoir. Entre-temps, François Hollande a effectué un deuxième mandat, le FN est devenu le premier parti de France, et au deuxième tour des élections de 2022, Marine perd face à une union sacrée entre la droite, la gauche, le centre et le leader musulman. le narrateur de nous décrire ce nouvel ordre qui se met en place et les renoncements des élites pour conserver leurs privilèges, quitte à se convertir. La fameuse phrase d'Henri IV : « Paris vaut bien une messe ! » prend toute sa pertinence. Si l'argent n'a pas d'odeur, le pouvoir n'a de religion que celle du dominant, l'accepter demeure la seule manière de rester aux affaires. Une réflexion sur la tendance de l'être humain à s'aliéner au plus offrant ou au plus fort ? le héros de Houellebecq finira par rejoindre les convertis et accepter une soumission douce au regard d'une polygamie qui comblerait et sa libido et ses nécessités ménagères...
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"Si l'islam n'est pas politique, il.n'est rien"
A l'approche des nouvelles élections présidentielles, il ne fait plus de doute que le second tour opposera deux forces politiques bien différentes. D'une part le partie des Frères musulmans, d'autre part le Front national.
François est un universitaire, enseignant à Paris-Sorbonne qui va voir sa vie bouleversée par cette élection.
A l'heure des choix politiques et moraux, on le suit errant et hésitant entre suivre Myriam fuyant la France pour la Terre Sainte, choisir la vie de reclus dans un monastère ou accepter purement et simplement la nouvelle société qui se met en place dans une douce révolution.
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