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3,51

sur 4013 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Commençons 2015 en beauté, par ce qui s'annonce déjà comme son roman le plus controversé. Plein d'énergie en ce début d'année, je m'étais fixé une contrainte supplémentaire, un peu audacieuse, à savoir me forger un avis sur ce livre uniquement APRES l'avoir lu. Et au vu des chefs d'accusation qui m'attendaient quelle que soit ma position, ce n'était pas forcément chose facile.

Le récit s'articule autour d'un professeur d'université, spécialisé dans l'oeuvre d'Huysmans, qui nous raconte sa vision des bouleversements politiques en France. Après le deuxième mandat de François Hollande, les partis traditionnels ont définitivement perdus la confiance des électeurs. le second tour met en scène le Front National de Marine le Pen et la Fraternité Musulmane de Mohammed Ben Abbes. Après une campagne acharnée, c'est ce dernier qui l'emporte grâce au soutien du « front républicain ». Les premiers changements se mettent en place : islamisation de l'éducation, légalisation de la polygamie, etc.

Ce roman est, à bien y réfléchir, la suite logique de la carte et le territoire. Dans ce dernier livre, la France avait renoncé à toute ambition sur la scène internationale et se contentait de vendre son patrimoine culturel aux riches touristes étrangers. Dans Soumission, elle a pleinement assimilé le fait qu'elle n'a plus rien à offrir à personne et que ses idéaux ne sont plus que des coquilles vides. N'importe quel système de valeur un peu sûr de soi peut les pousser du pied pour prendre leur place. Ben Abbes est d'ailleurs décrit comme le seul homme politique français à avoir une vision claire, et ambitieuse, de l'avenir qu'il souhaite pour son pays. Les valeurs fortes, qui rassemblent, viennent de l'extérieur ; la France n'a plus les moyens d'en produire.

Si la campagne électorale a mené le pays au bord de la guerre civile, une fois le dénouement connu, c'est plutôt le calme qui règne. Les changements culturels s'effectuent dans l'apathie la plus totale. Comme si, finalement, on était bien content que la farce s'arrête enfin, et soulagé de pouvoir s'installer douillettement dans un système qui a au moins le mérite de savoir où il veut aller. L'élite intellectuelle du pays abandonne toute velléité de critique, et se contente de profiter des avantages que lui offre le nouveau régime. La polygamie, notamment, permet de régler le problème de la misère sexuelle de l'homme moderne, autre thème cher à Houellebecq.

Le narrateur tentera bien un retour aux sources, tout comme son compagnon de route Huysmans, qui s'était (re)converti au catholicisme à la fin de sa vie : visite du petit village historique de Martel, séjour dans le monastère qui a accueilli Huysmans, pèlerinage à Rocamadour, mais la machine semble définitivement grippée.

Houellebecq nous livre comme à son habitude un nouveau roman terriblement pessimiste. Sa description d'une société en pleine décadence se retrouve renforcée par les références à Huysmans. L'ensemble est teinté d'un humour parfois assez grinçant, mais terriblement jouissif.

J'ai un peu de mal à comprendre les polémiques autour de ce livre, qui me semblent à côté de la plaque. Mettons ça sur le compte des fêtes de fin d'années qui ont poussé des rédactions en sous-effectif à recycler quelques articles écrits auparavant. L'islam politique n'est pas présenté comme une invasion sournoise et cachée ; c'est simplement la seule force vivante du pays qui subsiste après l'effondrement de toutes les autres.

Si vous appréciez Houellebecq, laissez-vous tenter par ce livre, qui me semble être une bonne cuvée. Dans le cas contraire, il ne vous réconciliera pas avec l'auteur qui développe à nouveau ses thématiques habituelles.
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Ce livre est dans ma PAL depuis le jour de sa parution, le 7 Janvier 2015.
7 Janvier 2015... première et dernière fois que je me suis effondrée, en larmes, devant une chaîne d'infos. On avait abattu sauvagement des dessinateurs pour le pouvoir subversif de leur trait, la liberté de leurs dessins... leur Liberté... ma Liberté... ma liberté de les aimer ou pas, de les lire ou pas... la Liberté.

Quelques jours plus tôt, s'écharpaient dans les médias les représentants de la nouvelle "élite intellectuelle" française, avachie dans son dogme, ancrée dans ses certitudes, braillant ses invectives, au sujet du dernier roman, encore sous presse, de Houellebecq. Certains ont même appelé à son interdiction de paraître.
Interdiction ? Mais qu'est-ce qu'il a, ce bouquin ? Mein Kampf, lui-même, n'a pas été frappé d'interdiction et n'a pas suscité une telle hystérie.
De là à en déduire qu'il est mieux admis de débattre sereinement sur un ouvrage portant sur l'extermination de millions de juifs que sur un roman-fiction traitant l'hypothèse de l'avènement d'un président musulman en France... il n'y a qu'un pas que je franchis sans sourciller.

Finalement, ce qui coince, c'est ce souci du politiquement correct, fléau de notre époque. Le politiquement correct et son lot de tabous. Là est le véritable danger contre lequel nous devrions tous lutter car il empêche toute discussion constructive, toute analyse intelligente, toute élévation du débat, toute réflexion sur les erreurs des uns comme des autres.
Je ne sais pour combien de temps encore mais, aujourd'hui, le sceau du tabou porte sur les mots "musulman" et "islam". Et la plupart des gens n'osent plus émettre ne serait-ce qu'un "oui, mais..." parce qu'ils ne veulent pas "passer pour..." et tiennent à "avoir l'air de..." gens biens, tolérants, ouverts, tout ça, tout ça...
Société du paraître où la pensée est, comme les visages, lissée par un maquillage plâtreux.

Dans une interview parue dans l'Obs du 8 Janvier 2015, Aude Lancelin demandait à Michel Houellebecq : "Comprenez-vous que certains redoutent l'effet délétère que pourrait avoir votre livre ?"
Sa réponse a été : "Non. Je capte une situation, c'est tout. Je parviens à capter parce que je n'ai pas d'a priori, je suis neutre. Je fais comme si le politiquement correct n'avait jamais existé. Je ne suis pas un intellectuel de centre-gauche, quoi (rires). Je n'ai rien d'autre à délivrer qu'une vision du monde ; mais je tiens à la délivrer."

Et à sa question : "Vous faites confiance à l'intelligence des gens, dites-moi..."
Houellebecq répond : "Je fais davantage confiance à l'intelligence de la masse qu'à celle des élites, en tout cas. Je suis tranquille : ce roman suscitera peut-être des polémiques chez ceux qui gagnent leur vie en polémiquant, mais sera perçu par le public comme un livre d'anticipation, sans rapport réel avec la vie."

Voilà. Tout est dit et bien dit.

Une dernière chose : j'ai attendu vingt-et-un mois que l'hystérie médiatique autour de ce livre soit totalement retombée pour l'ouvrir. Et, c'est par le concours d'un challenge-lecture entre copains que l'occasion m'en a été donnée.
Il me fallait valider le poste "dystopie" et j'ai considéré, non sans une certaine ironie, que Soumission était parfaitement approprié. Et j'implore Allah, Bouddha, Dieu et la Fée Clochette pour que ça ne reste que ça.

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Soumission étant sorti la veille des attentats de janvier dernier et présenté comme brûlant voire scandaleux par ceux qui évidemment ne l'avait pas encore lu, en a subi aussitôt les conséquences directes et inverses : ruée furieuse et curieuse de la part de non-lecteurs habituels de Houellebecq (et ils ont été nombreux, à voir les chiffres de ventes assez impressionnants), et bannissement par les bien-pensants manifestants "Tous Charlie" (qui aujourd'hui pour la plupart n'en ont plus rien à battre, se prélassant sur une plage, preuve que la terre tourne encore pas trop mal, c'était prévisible, oui je sais, en écrivant ça je ne vais pas me faire que des amis...et la liberté d'expression alors ?! Vous avez déjà oublié ?).

Bref, passons...après quelques mois de recul pour garder la tête froide et le laisser vieillir comme un bon vin dans ma bibliothèque, il était temps de le déguster.

Sur l'histoire, disons qu'à la faveur d'une dégradation lente et continue de la situation politique en France, émaillée d'incidents répétés dans les rues, Mohammed Ben Abbès, leader de la Fraternité Musulmane, devient président de la République en 2022 en battant Marine le Pen, bénéficiant d'un front républicain gauche-droite, avec François Bayrou pour (bien pâle) Premier Ministre.

Dès lors, François, le narrateur, environ 45 ans, prof d'université à la Sorbonne et passionné de Joris-Karl Huysmans, va assister aux mutations progressives de la société sous la férule habile du nouveau régime.

Houellebecq confère à nouveau à son personnage principal des tendances bien dépressives, dont l'existence apparaît solitaire, vide et absurde, jalonnée de plans culs qui ne l'excitent même pas et avec une dose de machisme.
Jusque-là, rien d'anormal, sacré Michel, fidèle à lui-même !

Mais l'originalité vient d'une double entrée pour appréhender d'une part les réflexions de son narrateur, à travers la personnalité et l'oeuvre du sujet d'étude de son "héros", Huysmans, et notamment de son rapport à la religion, et d'autre part capter les évolutions en cours autour de lui, au travers de ses échanges avec des connaissances de son milieu universitaire.

Contre toute attente, la société semble se satisfaire du nouveau pouvoir, dans une forme "d'acceptation tacite et languide". Et pour cause, quand on voit par exemple le sort réservé aux intellectuels, qui semble bien tentant...Démissionner et percevoir une retraite immédiate équivalente à son salaire, ou collaborer dans une Sorbonne islamisée pour un salaire triplé, voire même une belle promotion...et évidemment, ce qui tente encore davantage François, la "mise à disposition" de plusieurs jeunes femmes étudiantes bien dévouées.

Mais cette docilité ne sonne-t-elle pas comme un renoncement de toute la société française, et au-delà des sociétés occidentales, de leur culture, construite sur une religion chrétienne dès le départ incapable de guider ses adeptes vers un projet collectif moteur et de donner du sens ?
Ah ! l'amollissement général des consciences né du conformisme et du confort de nos sociétés modernes occidentales...

Cette faiblesse de la chrétienté et du politique provoque chez le bon peuple un désir de croyance renouvelé en ces temps troublés et de pertes de repères...pain béni, si l'on peut dire, pour la dynamique et opportuniste religion musulmane, et son leader Ben Abbès...qui s'avère finalement être un Président modéré, pragmatique, fin stratège pour gérer ses relations avec les puissances financières d'Arabie saoudite ou du Qatar...et qui sait pour l'avenir, suffisamment fort et charismatique, tel Napoléon, pour reformer l'équivalent d'un nouvel empire Romain autour de la Méditerranée ?

François va-t-il accepter après avoir démissionné, de réintégrer l'université et se laisser amadouer par la promesse d'une vie douce, malgré la petite mort intellectuelle qui l'attend, il le sait bien ?

Ce roman est forcément un peu provocant, mais pour qui finalement ? Il sonne juste sur bien des points, comme toujours avec cet auteur à l'intelligence subtile, clairvoyant, observateur attentif de notre société et de ses travers, qu'il ne dénonce même pas vraiment, à quoi bon, il en vit aussi...

On retrouve, le sourire aux lèvres, les obsessions de son héros, les incursions de scènes de sexe dispensables et la manie de descriptions courtes mais d'une précision chirurgicale de produits techniques (automobiles, appareils électroniques...), l'apparition surprise de vedettes des média (David Pujadas, plutôt bien vu), et là pour l'occasion d'hommes politiques actuels (Manuel Valls, François Bayrou, qui se fait démonter en règle...) et dans le style, avec parfois de l'agacement, les adjectifs pauvres et imprécis habituels ("variable", "vaguement"...)...mais c'est peut-être aussi ce qui fait sa force et son audience quasi universelle, avoir un style de bonne tenue générale mais parfaitement accessible.

Houellebecq, écrivain populaire ? Pourquoi pas, qui a ici en plus le grand mérite de piquer notre curiosité au sujet de Huysmans, grand écrivain en son temps et aujourd'hui quasi oublié, peut-être à cause de son inspiration assez originale et inclassable ?












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Soumission, de Michel Houellebecq

Comme tous les grands romans, la dernière oeuvre de Michel Houellebecq possède plusieurs clés de lecture. Je n'y ai vu ni une incitation à la conversion ni une haine de l'islam. Mais au contraire un discours philosophique sur la fragilité de la démocratie. Comme une jolie femme, la démocratie a besoin qu'on s'occupe d'elle tous les jours. La laisser tomber, c'est prendre le risque qu'elle disparaisse. Et c'est parce que où l'on ne va plus voter, parce que l'on cesse d'être citoyen, parce que les TGV sont sales, qu'un beau jour les partis représentant l'idéal social et libéral français s'effondrent au profit, dans ce roman, d'un parti islamique modéré.
Houellebecq n'est pas un moraliste. C'est un styliste avant tout. Et c'est en tant que tel qu'il faut prendre ses contes et ses fables avec une gymnastique intellectuelle suffisante.
Et surtout pas au premier degré.
Sans doute son meilleur roman avec "Extension du domaine de la lutte", qui lui ressemble étrangement, le livre est fascinant par son thème central: La conversion d'un homme, qui s'ennuie dans sa vie professionnelle, qui connaît une misère affective conjugale et sexuelle, prêt à devenir musulman en échange de quelques prébendes, d'une notoriété professionnelle, et d'une adhésion à la polygamie.
Un roman puissant, extrêmement bien écrit, qui est sans doute le chef-d'oeuvre de Houellebecq , et l'un des grands romans de ce début d'année.
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Je connaissais Michel Houellebecq de nom,bien sûr, qui ne le connait pas? Et je me suis lancée dans ce roman: soumission.Eh bien,à ma grande stupéfaction, j'ai beaucoup aimé, car j'avais de gros à priori concernant cet écrivain .Voilà, à priori non justifiés !
Pour faire court: roman d'anticipation :
Dans un avenir proche( 2024 ,je pense) le parti musulman en nette progression va remporter les élections et la France va être gouvernée par ce parti.Beaucoup de changements en perspective,mais un conseil ,si vous êtes dépressifs( ves) ,à éviter ce genre de lecture: car ,oui M. Houellebecq a du talent mais il est d'un pessimisme noir,d'une mélancolie et d'un fatalisme à vous entraîner dans son sillon; dû aussi à l'écriture ,au style qui sont d'une remarquable finesse.Je me suis " revue" lisant du J.K.Huysmans, du L.Bloy(à rebours,en ménage,les soeurs Vatard etc.....)dont j'étais friandeen terminale littéraire. Ces nombreuses allusions à ces écrivains d'un temps passé feront qu'un jour ,j'ouvrirai a nouveau l'un de ces romans.
L'atmosphère étrange et quelque peu angoissante de ce roman m'a entraîné loin.
A présent,je laisse retomber " la pression" en lisant du " lėger".
J'ai apprécié chez l'auteur ,ce côté visionnaire: la dernière page refermée, beaucoup de questions me sont venues à l'esprit,ce n'est certes pas une lecture détente ,mais je continuerais à lire cet écrivain atypique et je le recommande pour ceux et celles qui aiment la vraie littérature. ⭐⭐⭐⭐⭐
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Pourquoi j'aime lire Houellebecq ? Parce qu'il a de l'humour, le sens de la dérision et parce qu'il décrit de façon impitoyable, presque entomologiste, la fin de civilisation qui s'est emparée de l'Occident pour en dilapider l'héritage, tout particulièrement dans notre pays.
« Cette Europe qui était le sommet de la civilisation humaine s'est bel et bien suicidée, en l'espace de quelques décennies (..) Il y a eu dans toute l'Europe les mouvements anarchistes et nihilistes, l'appel à la violence, la négation de toute loi morale. Et puis, quelques années plus tard, tout s'est terminé par cette folie injustifiable de la première guerre mondiale. Freud ne s'y est pas trompé, Thomas Mann pas davantage : si la France et l'Allemagne, les deux nations les plus avancées, les plus civilisées du monde, pouvaient s'abandonner à cette boucherie insensée, alors c'est que l'Europe était morte. »
Les personnages de Soumission se soumettent à un ordre nouveau, chacun s'adapte et, comme toujours, certains mieux et plus vite que d'autres. Ils se soumettent comme, me semble t'il, se soumettent les Français qui, à grand renfort de bougies et marches blanches, finissent par tout accepter, des premiers attentats dans le métro aux meurtres de masse comme un soir de 14 juillet en passant par la décapitation d'un professeur d'histoire qui tentait de faire son métier.
« C'est la soumission, dit doucement Rediger. L'idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur réside dans la soumission la plus absolue. (..) Voyez-vous, poursuivit-il, l'islam accepte le monde, et il l'accepte dans son intégralité, il accepte le monde tel quel, pour parler comme Nietzsche. »
Comment ne pas se reconnaître un peu dans les personnages de Houellebecq, désabusés, sans conviction ni perspective, prêts à tout accepter pour ne pas avoir à faire la guerre qu'on leur a déclarée.
Alors reste à lire Houellebecq pour rester lucide. C'est déjà quelque chose de ne pas se mettre la tête dans le sable.
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Je me faisais une joie de lire le nouveau Houellbecq. Et, comme d'habitude, je n'ai pas été déçu.
Il m'a raconté une histoire, une légère science fiction, dont le témoin, Houellbecq alias un universitaire spécialiste de Huysmans, fait tout le sel.
Tout d'abord j'ai ri, souvent et de bon coeur. Houellebecq a une facilité remarquable à décrire une situation, un concept, un cimetière s'il le fallait, en une phrase ou deux qui me plonge dans l'hilarité. le cynisme de Houellebecq qu'il tourne souvent en autodérision est un gage de non-conformisme sans cesse renouvelé.
Ensuite, toujours en aussi peu de mots, il est capable de remettre en question des fondements sur lesquels un honnête homme athée a bâti la cohérence de sa pensée.
Il fait de plus découvrir un auteur Huymans et certains de ses coreligionnaires dont le parcours de vie est intéressant et l'analyse par l'auteur brillante…
Comme d'habitude, il parle de sexe, de femmes ; beaucoup disent qu'il s'agit de la description d'une misère sexuelle, avis que l'hétéroplouc que je suis ne partage pas.
Là est aussi la force de Houellbecq, de s'adresser au bas-ventre, aux tripes et à l'intellect, sans coup férir, dans une même page voire dans une même phrase.
Quant à l'histoire proprement dite, l'arrivée au pouvoir d'un président musulman, elle est remarquablement cohérente, intelligente. Elle reste une utopie, mais elle décrit bien l'état d'esprit et les conditions qui pourraient amener à un renversement de la logique politique actuelle.

Une dernière chose : je ne parviens pas à comprendre comment on peut qualifier, à la lumière de ce livre, Houellbecq de raciste ou l'accuser de répandre des idées « nauséabondes ». Cela pourrait être anecdotique et j'espère que cela l'est, mais j'en arrive à douter du bon sens des lecteurs français et en particulier de leur Premier Ministre.
Une hypothèse: peut-être ne l'ont-ils pas lu?
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En terminant ce livre, je viens enfin de comprendre le fondement même de la stupidité télévisuelle et journalistique ... qui consiste à descendre en flèche un roman dont on n'a certainement pas dépassé la lecture des 20 premières pages, et ce sous l'unique prétexte que son sujet n'est pas jugé "politiquement correct" car il a eu la malchance de sortir "au mauvais moment" ! Et c'est bien triste...

Pour ma part, je n'ai jamais été fan de Houellebecq, bien au contraire ! J'en ai lu trois ou quatre dans ma vie, et jusqu'au bout ! Ce qui est un exploit, puisque je n'ai jamais été transportée par les sujets abordés dans ses romans… (Je n'étais probablement pas née à la bonne époque pour les apprécier). Cela dit, la plume de l'auteur ferait lire n'importe quoi à n'importe qui ! C'est ce qui m'a fait tenir à chaque fois, je pense… ^^

J'ai, en revanche, été complètement saisie par ce roman-là ! (Étais-je née à la bonne époque cette fois-ci ?!). Et je n'y ai vu strictement aucun rapport avec la polémique qui en a découlé... Bref. C'est presque une fable, éventuellement d'anticipation, dans laquelle François, prof à la Sorbonne, évolue au sein d'une société marquée par un second tour des présidentielles « Frères Musulmans vs Marine le Pen » ! « Bien sûr », les Frères Musulmans gagnent. Sinon le roman aurait été traité de pro-FN (oups, ce fut entre autre le cas !). Pourtant, aucun prosélytisme dans sa manière d'aborder ce sujet sensible… le héros finit même par s'inclure lui aussi dans ce nouveau système, lentement mais sûrement, sans jugement aucun !

C'était une lecture vraiment plaisante. Il faut dire que Houellebecq écrit divinement bien, et ce indépendamment du fond. La forme est d'un génie sans nom, ça se boit comme du petit lait ! Retrouvera-t-on un jour un jeune auteur qui l'égale stylistiquement parlant ? J'en doute fort ! En tout cas, c'est bien le seul auteur dont j'arrive à terminer les romans avec plaisir, même si je déteste les thèmes abordés ! (le tourisme sexuel par exemple, ce n'est pas ma came ^^). C'est une écriture jouissive (ça tombe bien) qui transmet une palette très élargie d'émotions fortes que l'on ne retrouve malheureusement plus dans les romans aujourd'hui...

Du grand Houellebecq… !
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Tout le monde a pu lire ou entendre un résumé détaillé de ce livre, étant donné le buzz qu'il a créé. Donc, je ne vais pas rentrer dans les détails. Schématiquement, il y a 2 parties:
1ère partie: l'affliction. le narrateur, prof de fac, déprime, n'a plus le goût de vivre. Il a eu tout ce qu'il pouvait rêver d'avoir, il n'a plus d'envies ou presque. Parallèlement, la société française dans laquelle il vit (celle de François Hollande) va aussi bien que lui, donc pas mieux: agonie de la social-démocratie, président de la république inexistant, FN en forte progression etc..
2ème partie: la rédemption. La France est dirigée par un nouveau président. Etat de grâce, réformes profondes, baisse des violences dans les quartiers. La vie politique semble reprendre. Parallèlement, notre héros de prof, retrouve lui aussi le moral: sollicité par la Pleïade, courtisé par l'université. Bref une nouvelle vie s'ouvre à lui. Fin.

Le titre du livre rappelle la signification du mot Islam, "soumission à Dieu" (devenue religion officielle en France dans la deuxième partie) ainsi que la soumission des femmes dans les sociétés musulmanes. Mais il y a une autre soumission, celle qui a dû amuser Houellebecq et horrifier certains lecteurs : la soumission nécessaire des universitaires. Après l'élection du nouveau président, tous les universitaires qui veulent garder leur poste doivent devenir musulman. Et il ne semble pas que cela gêne beaucoup de monde parmi les enseignants.

Ce roman est une belle satire sociale, d'autant plus amusante que l'on connait bien les personnages. Houellebecq glisse, ici un commentaire vachard sur F. Hollande, là une pointe sur Manuel Valls.. Bayrou est déguisé en Justin Bridoux et la Marine en Merckell. Satire et parfois farce également: ses propos sur la polygamie, les fantasmes masculins, les scènes érotiques, ressemblent plus à des provocations de sale gosse qu'à une volonté moralisatrice. Si l'on veut trouver un moraliste dans ce livre, ce serait plutôt, selon moi, dans la peinture narquoise des grandes et petites lâchetés de ses comtemporains.
Quant à la fiction politique proposée - une France musulmane - elle est d'abord très originale puisque personne n'y avait pensé auparavant. Elle dérange certes, elle déstabilise nos convictions car l'auteur est habile. Mais n'est-ce pas la fonction même d'une oeuvre littéraire que de jeter le doute dans nos esprits? nous interroger?

J'ai entendu Patrick Cohen interviewer Houellebecq. Cela ressemblait à un procès en inquisition. Houellebecq avait tué la République, avait installé un régime islamique extréme..comme si ce qui est raconté allait réellement arriver et que Houellebecq en serait responsable.. Bigre! c'est une fiction monsieur Cohen. Ne craignez rien, tout va bien.. Avez vous pensé à interroger Orwell, Huxley, Burgess de la même façon, en leur temps ? Quant à Manuel Valls, j'ai lu qu'il aurait déclaré: "la France, ça n'est pas Michel Houellebecq, ça n'est pas l'intolérance". Voilà Houellebecq excommunié maintenant ! J'ai envie de reprendre une question récente de Régis Debray, même si elle n'avait pas de rapport avec ce roman: "Est-ce que nos ministres peuvent ouvrir un livre ?". Je doute que Manuel Valls ait lu ce livre, car on y trouve d'abord l'éloge de la littérature qui peut seule "vous permettre d'entrer en contact avec un autre esprit". le narrateur soutient que l'homme a besoin de spiritualité et Il montre beaucoup d'humanité pour des personnages secondaires, habituellement transparents: le gardien de la Sorbonne, le chauffeur de taxi, le moine.. Ah, c'est vrai, il critique drôlement les socialistes et cela c'est peut-être insupportable même quand on a un grand sens de l'humour. En tous cas, nulle part je n'ai vu d'intolérance, de racisme, ni d'intention politique sournoise. Et puis, comme dit l'auteur: aucun roman n'a jamais modifié une
intention de vote..

J'ajouterai pour ma part: Un gars qui est né à la Réunion et qui écrit si bien, peut-il être vraiment un mauvais bougre ? Je vous le demande.
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Je l'avoue, je me suis régalée !!! D'abord parce qu'il a de solides références, le don de tout dire sans se la jouer, Michel Houellebecq, et qu'on l'aime ou pas, qu'on soit d'accord ou pas, il faut reconnaître qu'il sait nous interpeller là où ça questionne et là où ça fait mal. Sans tabou ni trompette.
Je comprends maintenant les frictions que cette fiction a pu engendrer à l'époque de sa sortie en librairie, mais aujourd'hui, il faut avouer que c'est bien vu, bien analysé et plus que jamais d'actualité même si c'est très dérangeant.
Pourtant, même si nos libertés se réduisent de jour en jour par des effets de mode, d'influence, d'opportunisme politique, religieux ou intellectuel (Le même qui conseille à l'autre de donner sa chemise retourne sa veste sans complexe), aucun système ni aucune religion ne viendront à bout d'une femme ou d'un homme qui a des convictions. Car la religion, c'est avant tout la manifestation d'une foi.
J'espère que le prochain opus de Michel Houellebecq aura pour titre, Résistance, ça nous changera de son pessimisme coutumier.
Et pour finir sur une note humaniste, oui à la diversité... tant qu'on pourra se régaler de mezze, de petits pâtés chauds arrosés de vin de Meursault, de brouiats et de baklavas aux pistaches.
Mmmmh !! Je m'en vais de ce pas consulter les recettes sur internet....
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