Avec l'histoire de ces deux faux-frères (le père de l'un a épousé la mère de l'autre) nés pendant la révolution culturelle, c'est la Chine de Mao, d'abord, puis la Chine contemporaine que l'on découvre avec bonheur au gré des truculences de l'auteur.
Brothers, c'est un pavé de plus de 900 pages à la fin duquel on aura un peu découvert et compris la mentalité chinoise. Car évidemment, pour comprendre un tant soit peu la Chine actuelle, il faut d'abord décrypter l'anéantissement des valeurs et l'"aculturation" dans lesquels la Chine a été plongée pendant toutes les années Mao, jusqu'à l'aube du 21e siècle. Mais loin d'un roman "intellectuel",
Brothers se pose comme une saga picaresque et truculente, pleine d'humour et de réalisme, un réalisme à la chinoise où les petits garçons dont les parents sont accusés d'être des ennemis capitalistes, en sont réduits à avaler leur salive pour déjeuner... Dans une langue très crue,
Yu Hua décrit la vie de villageois ordinaires au cours des 40 années qui ont bouleversé et transformé la Chine quand il a fallu des siècles en Europe pour sublir les mêmes transformations. Et c'est aussi de la solidarité qui unit ses frères chinois que
Yu Hua nous parle, des liens d'amour fraternel, filial ou conjugal qui unit ses héros, de sexe et d'argent, de pragmatisme et d'opportunisme. Dans les destins tragiques et burlesques de ces deux frères, c'est une Chine très politiquement incorrecte que nous découvrons ébahis et réjouis !