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EAN : 9782011310026
138 pages
Hachette Livre BNF (01/12/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
I - Opinion de l’auteur sur la profession de tailleur
II - De quelques préjugés provinciaux touchant le tailleur
III - Tous les tailleurs comprennent-ils la poésie de leur profession
IV - Des tribulations du tailleur 
V - Du caractère, du tempérament et des opinions politiques du tailleur
VI - Du nombre des tailleurs à Paris
VII - Quelques mots sur les spéciaux
VIII - Le chemisier
IX - Le tailleur à la mode
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Futile et superficiel tailleur… Mérite-t-il, ce banal commerçant, qu'on lui consacre une physiologie entière ? Bien évidemment ! Et cela, pour l'honorer dignement, non pour l'humilier comme l'avait fait l'auteur avec ce charlatan de médecin ! « Je le déclare à haute et intelligible voix par l'organe de ma plume, la profession de tailleur est la plus morale, la plus noble, la plus poétique et la plus philanthropique de toutes les professions ».

Une glorification tout à fait justifiée :
Morale : "car était-il rien de plus immorale que le vêtement porté par l'homme avant l'invention du pantalon ! Et, à moins d'être Ecossais, un individu se respectant un peu oserait-il se présenter dans une société quelconque sans cet accessoire aussi chaud que pudique ?!"

Noble : les bourgeois ayant tout fait pour s'anoblir, se sont tout naturellement confondus aux nobles, notamment grâce à un mimétisme vestimentaire, ce qui devait déboucher par suite à l'abolition des privilèges.

Poétique : "Grâce au tailleur, presque tous les mortels deviennent des Antinoüs" (nom latin de l'empereur romain Hadrien, qui était, dit-on « angéliquement beau »)

Philanthropique : il mériterait d'être canonisé : l'évêque de Saint-Martin l'a été pour avoir donné la moitié de son manteau à un enfant grelotant en plein hiver... Eh bien... S'il fallait compter le nombre de fois où le tailleur donne, ou plutôt se fait voler, des habits complets quand il n'est pas payé par ses clients ! ... "à compte là, il n'est pas un tailleur qui ne méritât d'être doublement canonisé"

Si vous vous demandiez pourquoi chaque époque dispose de ses propres talents littéraires si singuliers, si différents d'une époque à une autre, Louis Huart vous apporte la réponse : l'influence du tailleur, de la mode ! Bien évidemment :
« En France quand apparurent tout à la fois Corneille, Molière, Racine, Bossuet et tant d'autres hommes illustres dont le style restera éternellement comme un modèle, Louis XIV donnait aux seigneurs de sa cour des vêtements qui resteront aussi comme un type d'élégance, de richesse et de bon goût.
Tandis que sous le Directoire, lorsqu'on n'eut plus qu'une caricature de gouvernement, on n'eut plus aussi que des caricatures de modes, et aucun ouvrage littéraire de quelques valeur n'a vu le jour à l'époque où brillaient ces ridicules merveilleux. »
Quand nos vêtements sont ridicules, nos oeuvres littéraires le sont tout autant ! C'est là ou se situe le point de repère que nous ignorons tous !

Bien se vêtir selon les usages était surtout une nécessité première pour quiconque ayant des prétentions à Paris. Celui qui négligeait son apparence vestimentaire était délaissé ou méprisé : « Plus d'un pauvre diable n'a pas pu obtenir une place dans un bureau parce que le collet de son habit bâillait d'une manière démesurée. »
Le simple sous-pied (maintenant le pantalon) pouvait être regardé comme un détail de haute importance : « L'article sous-pied doit surtout exciter toute l'attention d'un jeune homme qui tient à faire son chemin dans le monde - plus d'un mariage a été rompu parce que la jeune personne s'est aperçue que le futur qu'on lui destinait ne portait pas de sous-pieds. ».
Aussi, le plus précieux conseil que pouvait donner un bon père à son fils était de choisir avec précaution un bon tailleur !

Pourtant cet honnête et bien utile commerçant souffrait à l'époque d'une réputation désagréable. Les provinciaux en particulier s'imaginaient le tailleur se faisant une fortune rapide et sans efforts compte tenu de leurs prix exorbitants et du nombre ahurissant de tailleurs que comptait Paris : 3.000 tailleurs et 30.000 ouvriers tailleurs pour 800.000 habitants !

La faillite frappait cependant bon nombre d'entre eux. En plus d'une réputation difficile à acquérir, il fallait encore se méfier de ses propres clients. le paiement comptant était rare, il fallait d'abord livrer les vêtements après mesure et confection, puis adresser quelques prières pour espérer un règlement, et plus le client était riche et renommé et moins il était assidu : « un usage reçu depuis longtemps dans la meilleure société exige qu'on ne songe à payer un habit que lorsqu'il est entièrement usé »
Parfois le tailleur prenait son courage et son mémoire à deux mains et demandait quelques acomptes sur une note monstre en s'efforçant de conserver une inaltérable amabilité et une politesse des plus exemplaires : « Il se voit obligé de les supporter en gardant toujours sur les lèvres un éternel sourire, tout comme s'il avait son apprentissage à l'école diplomatique de M. de Talleyrand ».

Faute d'une grande renommée, les tailleurs se spécialisaient à outrance pour se distinguer : l'un ne vend que des gilets, un autre que des pantalons, voire que des robes de chambres… Chacun défendait avec passion la supériorité de sa paroisse, où sa spécialité était la plus indispensable de toute : « Le giletier vous assurera qu'on peut avoir un pantalon vulgaire pourvu que l'on ait 15 ou 18 gilets dans sa commode, attendu que le gilet c'est l'homme ! » (…) « Le pantalonier au contraire vous jurera ses grands dieux que l'habit et le gilet ne signifient absolument rien, et que le pantalon seul est la véritable pierre de touche qui sert à faire reconnaître l'élégant véritable de tous les dandys de contrebande ; ce qui fait qu'on ne saurait payer trop cher un pantalon bien fait »
Le tout avec aplomb et arrogance, pour flatter la prétention et chatouiller l'orgueil du client : « On ne saurait payer trop cher une chemise bien faite, il n'y a plus que la chemise qui serve aujourd'hui a distinguer l'homme comme il faut du manant : « La chemise c'est l'homme » » et si on lui demande : « ah ça ! Elles sont donc bien merveilleuses, vos chemises ? » On obtient le discours le plus vaniteux et présomptueux qui soit : « Si elles sont merveilleuses ?… C'est à dire qu'avant moi on ne se doutait pas de ce que c'était qu'une chemise ! C'était un paletot blanc et voilà tout : on ne peut pas se figurer ce qu'il m'a fallu dispenser de génie et de calicot pour arriver à la coupe de la véritable chemise française… Car je suis le seul inventeur de la spécialité »

Ajoutons qu'en plus de sa spécialité, le tailleur tiendra encore à personnaliser le plus possible la chemise vendue :
« Monsieur désire-t-il une chemise d'été ou une chemise d'hiver ?
Monsieur aime-t-il à être serré dans ses vêtements ?
Lorsque Monsieur se promène avec les dames, donne-t-il le bras droit ou le bras gauche ?
Monsieur éternue-t-il souvent ? »
A chaque question, la note du client est augmentée alors même qu'il s'était aventuré dans la boutique car la devanture affichait des prix fixes… Fixe oui, mais sans compter les nombreux suppléments !

Le 19ème comptait aussi ses propres modes fluctuantes, mais on changeait les accessoires, plus rarement le principal. L'auteur ironise sur ces « prétendues modes nouvelles » pouvant varier en seulement quelques mois : « après six heures de migraines, le tailleurs se décide à découdre les petits boutons pour recoudre les gros - voilà ce que les poètes appellent les caprices de la mode »

Du reste, le brave tailleur n'est pas un personnage bien complexe, ses opinions politiques sont très prévisibles : « du moment où de simples ouvriers ils passent maîtres de maison, ils changent de manière de voir, et tendent à l'aristocratie, attendu qu'ils comprennent parfaitement qu'ils ne vivent que du luxe de certaines classes de la société »

Encore une physiologie pleine de bêtises excessives de Louis Huart qui se moque affectueusement des tailleurs tout en anoblissant la profession.
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