j'ai emprunté ce livre parce que la quatrième de couv indiquait que l'action se passait en Normandie; mais à part ça je n'en retiendrai pas grand chose
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Sternis ouvre les pages au hasard, hume avec délices l’odeur de l’encre d’imprimerie. Il est comme anesthésié. La bête est toujours là, elle ne se laisse jamais oublier. Il la cerne, la détecte, sent bien qu’elle continue à le grignoter. Mais elle ne peut rien contre ce moment de douce euphorie.
Et ces imbéciles de médecins qui lui conseillent de décrocher ! Sans son journal, où serait sa vie ?
Le cadavre de Sternis ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est le voir déchoir de son vivant. Le voir souffrir encore plus que par sa maladie, comme si on l’écorchait vif, comme si on lui crevait les yeux. Si on le vire de son journal, ce sera ça.
Et une étrange angoisse l’envahissait. Pas celle de se faire prendre, de se faire torturer ou de se faire tuer, non… Mais l’angoisse de ce qu’il redeviendrait lorsqu’il ne serait plus Bayard. Revenir à la case départ, ce serait ça, son destin ? Redevenir le petit instituteur à blouse grise, avec les mioches et les devoirs à corriger. Impossible…
Le pays était devenu un cloaque et ils n’étaient qu’une petite poignée à vouloir le changer. Les autres, l’immensité des autres, se résignaient, se plaignaient et courbaient l’échine, ressemblaient à ces petits vieux qui ne parlent plus que de leur mort ou de leurs maladies. Et lui, il rayonnait, se sentait libre comme il ne l’avait jamais été.
On se met en ordre de bataille et on actionne le cervelet : Franchir ou contourner ? Forcer ou capituler ? Rire ou pleurer ? Ou bien alors, tout laisser tomber, attendre tout bonnement de crever, accueillir l’hyène sans protester, celle qui flaire votre cadavre bien avant que vous ne soyez mort.
Rencontre à la librairie La Galerne avec Philippe Huet pour la parution de "Nuit d'encre".