(La poésie n’est pas faite de pensée ou de rêveries vagues. Elle est faite d’expériences qui transforment nos corps et nos esprits, momentanément ou pour de bon . »)
Comment l’eau a commencé à jouer
L’eau voulait vivre
Elle alla voir le soleil et revint en pleurant
L’eau voulait vivre
Elle alla voir les arbres ils brûlèrent
Ils pourrirent elle revint en pleurant
L’eau voulait vivre
Elle alla vers les fleurs elles fanèrent elle revint en pleurant (...)
Jusqu’à n’avoir plus de larmes
Gisant au profond de toutes les choses
Entièrement épuisée entièrement claire
How water began to play
Water wanted to live
It went to the sun it came weeping back
Water wanted to live
It went to the trees they burned it came weeping back
They rotted it came weeping back
Water wanted to live
It went to the flowers they crumpled it came weeping back (...)
Till it had no weeping left
It lay at the bottom of all things
Utterly worn out utterly clear
Nature morte
La pierre qui affleure est avare
Avec le vent. Elle accumule ses riens,
Le laisse courir entre ses doigts :
Elle veut faire croire que le manque l’a tuée.
Même sa grimace est vide,
Verrues des cailloux de quartz issus des entrailles de la mer.
Elle croit que son loyer n'est pas payé,
Elle si large dans les calculs d’été du soleil.
Sous la pluie, son exultation noire miroite
Comme si elle percevait des intérêts.
De même, elle tolère parfaitement la neige.
Peu échappe à cette borne vigilante
De la danse de mouche des planètes,
Du paysage qui se meut dans son sommeil,
Elle compte bien assister au dénouement de l'histoire.
Inconsciente de cette autre, cette campanule,
Qui tremble comme sous des menaces de mort,
Dans la chaleur croissante de la tourbe en été,
Et dans laquelle – emplissant des veines
Que tout nom connu de bleu meurtrirait
Jusqu'à l'anéantissement – dort, retrouvant ses esprits,
Le créateur de la mer.
(p. 116-117)
Grives
Terrifiantes sont les grives élégantes et attentives sur la pelouse,
Plus d'acier enroulé que vivant - un
œil sombre et mortel, ces jambes délicates
Déclenchées par des agitations au-delà du sens - avec un sursaut, un rebond,
un coup de poignard
Dépassez l'instant et traînez quelque chose qui se tord.
Pas de procrastinations indolentes et pas d'états de bâillement,
Pas de soupirs ou de grattements de tête. Rien que rebondir et poignarder
Et une seconde vorace.
Est-ce leurs crânes de la taille d'un seul esprit, ou un
corps entraîné, ou un génie, ou un nid de gosses
Donne à leurs jours cette balle et ce
but automatique ? Le cerveau de Mozart l'avait, et la gueule du requin
qui affame l'odeur du sang jusqu'à sa propre fuite
Côté et dévorant d'elle-même : efficacité qui
frappe trop carénée pour qu'aucun doute puisse l'arracher
ou détourner l'obstruction.
Avec un homme, il en va autrement. Héroïsmes à cheval,
Devançant son journal de bureau sur un large bureau,
Sculptant sur un minuscule ornement d'ivoire
Pendant des années : son acte s'adore - tandis que pour lui,
Bien qu'il se penche pour être fondu dans la prière, combien fort et
au-dessus de quoi
Furieux espaces de feu font les démons distrayants
Orgie et hosannah, sous quel désert
Des eaux noires et silencieuses pleurent.
Avec Marielle Macé, Clémence Azincourt, Jacques Bonnaffé, Léon Bonnaffé & le petit Paulo
Et en duplex : Valérie Rouzeau, Régis Lefort & Béatrice Bonhomme
« Ce qui se fait entendre est aussi la poésie de Valérie Rouzeau,, entre nos récepteurs et son espièglerie, à nous de l'attraper. C'est simple comme Carême (Maurice…), savant comme Roubaud et fouillé comme Desnos, sans fin sans fond comme qui vous voudrez. Par la mouvement les souffles, son ombre persistante. » »
Jacques Bonnaffé
Voilà près de trente ans que Valérie Rouzeau (née en 1967) a décidé de vivre en poésie, de ses révoltes et de sa plume. Elle a attiré l'attention des lecteurs après la publication en 1999 de Pas revoir, son recueil de deuil. Depuis, parallèlement à ses ouvrages de poésie, elle traduit notamment des poèmes de Sylvia Plath, de Ted Hughes et de William Carlos Williams. Lauréate du prix Apollinaire en 2012, elle compte parmi les voix contemporaines les plus attachantes.
Le revue Nu(e) lui consacre un numéro complet à l'occasion de la sortie de Éphéméride aux éditions de la Table Ronde.
À lire – Valérie Rouzeau, Éphéméride, La Table Ronde, 2020 – Revue NU(e), Valérie Rouzeau, n°70, coordonné par Régis Lefort, avec la collaboration de Béatrice Bonhomme et Danielle Pastor, 2020. Disponible en ligne sur Poezibao.
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