Époustouflant ! Dans ce tome 4, ça barde sur la barricade de la Chanvrerie, ce 6 juin 1832. Les insurgés veulent abolir la Royauté. le père Mabeuf, désespéré, ayant vendu tous ses biens pour payer son loyer, récupère le drapeau rouge au mépris des balles, et tombe en criant :
"Vive la République !"
La barricade, commandée par Enjolras, le
Saint-Just de 1832, est presque prise, mais arrive Marius désespéré de ne pouvoir rejoindre Cosette en Angleterre, Marius, sauvé par Eponine qui se jette entre un fusil et lui, Marius qui menace la troupe de tout faire sauter, lui avec, un baril de poudre sous le pied.
Enfin, Jean Valjean, grâce au message découvert sur le buvard de Cosette, se rend lui aussi sur cette barricade....
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"Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère", a déclamé
Victor Hugo le 9 juillet 1849, du haut de la tribune de l'Assemblée Nationale de la seconde république française.
C'est un engagement, c'est l'engagement philosophique et politique de toute sa vie, depuis "
Le dernier jour d'un condamné" en 1830 jusqu'à "
Quatre-vingt-treize" en 1876, en passant par l'énorme déception qu'a provoqué l'homme en qui il avait mis sa confiance, "
Napoléon le petit" en 1852, et l'oeuvre monumentale "
Les misérables" en 1862.
La fin des Misérables est très émouvante.
L'auteur fait passer son "message", non seulement par ses envolées lyriques sur l'analyse de la foule, des barricades, de l'utopie et du progrès, d'
Homère et d'innombrables héros que je ne connais pas en pleine insurrection ; envolées également sur l'inspecteur Javert et la notion de "devoir", sur l'enlisement dans les égouts de
Paris, sur ces mêmes égouts qui charrient la fange vers la Seine, au lieu d'en nourrir les champs alentour comme engrais, sur le bonheur, mais aussi sur le carnaval.
Toutes ces envolées lyriques, relativement courtes, ne nuisent en aucune façon à la qualité du récit, dont l'élaboration et les rebondissements me surprennent à chaque instant.
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Il me faut maintenant parler des personnages.
Misérables, avec 5 enfants, les parents Thénardier sont la figure traditionnelle des méchants pauvres. le père, avide et jaloux, semble entraîner toute sa famille dans des combines réfléchies, planifiées, vicieuses et louches. C'est un personnage intéressant pour pimenter l'intrigue.
En parallèle, nous avons l'inspecteur Javert, borné, pour qui la "loi" est écriture sacrée. Il ne réfléchit qu'à la fin du livre, et non habitué à cet exercice, ça lui complique singulièrement la vie ! C'est pour
Victor Hugo un exemple que la loi appliquée à la lettre, n'est pas forcément la bonne solution.
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Mais "
Les misérables" est un plaidoyer pour sauver les pauvres.
Victor Hugo démontre que
les misérables ne sont pas toujours méchants, ni la lie du peuple.
Misérable, le père Mabeuf, un innocent, gentil et cultivé, mais qui n'a plus le sou.
Misérables, les cinq enfants Thénardier : Eponine, 17 ans et en loques, amoureuse de Marius, ne fait que de bonnes actions qui vont jusqu'au sacrifice de sa vie ;
Gavroche, abandonné par ses parents, qui fait de bonnes actions pour Mabeuf, les petits, Eponine, ou aide un cavalier tombé.
Misérable, Cosette qui a trimé chez les Thénardier, et est devenue une belle jeune fille éduquée au contact de Jean Valjean.
Misérable enfin, Jean Valjean qui emporte dans son "inséparable" valise les chandeliers de l'évêque Bienvenu pour lui rappeler l'exemple du "Bien". Il lui a juré de faire dorénavant le "Bien".
le Bien se réfléchit.
Il réfléchit à chaque fois, débats cornéliens, et tient sa promesse et sauvant de nombreuses personnes dans la discrétion. Il peut être assimilé, à mon avis, à un Ange..
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Enfin, dernier personnage marquant et hors normes, le grand-père Gillenormand qui m'a bien fait rire lors de ses tirades extravagantes !
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La solution à la misère pour
Victor Hugo, est l'instruction gratuite et obligatoire pour tous.
Jules Ferry a peut être pensé à lui, vingt ans plus tard.
Mais pour moi, ce n'est pas suffisant : l'éducation est beaucoup plus importante que l'instruction. La preuve, puisque le problème n'est toujours pas résolu :
nous avons toujours des SDF... et des riches qui préfèrent donner des millions pour Notre-Dame ( de la pierre ) plutôt que pour des humains, et des chefs d'état qui rient des "sans-dents"...