Le monde selon Garp /
John Irving
Du sang, du sexe et des larmes.
Après une préface très intéressante de l'auteur écrite en 1998 soit 20 ans après la publication du livre en 1978 donc, et une présentation de
Pierre Yves Petillon de ce « roman mythique vision d'un monde chaotique, grotesque et pétri de violence » qui a traversé déjà quatre décennies sans une ride et qui reste de nos jours d'une brûlante actualité, commence le récit, une histoire qui démarre sur les chapeaux de roues pour parler un peu trivialement. On fait connaissance alors avec Jenny Fields, une jeune infirmière célibataire qui ne se laisse pas faire sous la jupe par un trublion venu perturber sa séance de cinéma. Jenny d'une manière générale n'a rien à faire des hommes, elle éprouve même une viscérale répulsion pout les mâles et la concupiscence qui leur colle à la peau. Une louve solitaire écrira plus tard son fils. Travailler et vivre seule, c'est le credo de Jenny, ce qui va la rendre sexuellement parlant, suspecte. Elle a compris que dans ce monde pourri, comme elle dit, une femme ne saurait être que l'épouse ou la putain d'un homme !
Jenny est cependant la mère de Garp, lequel a été conçu de façon assez rocambolesque car elle avait décidé de longue date d'avoir un jour un bébé mais sans avoir de mari. Jenny trouve un poste d'infirmière à la Steering School là où son fils étudiera plus tard, ce qui lui permet de parvenir à ses fins.
On comprend vite au fil des chapitres que le thème essentiel du roman est la concupiscence. Elle joue le rôle primordial avec une circonstance aggravante, le discours férocement répressif tenu tout au long du récit. L'autre thème est la dangerosité et l'insécurité du monde pour un être comme Garp et sa descendance. La vigilance est de rigueur, nécessaire mais pas toujours suffisante. Comme le dit l'auteur, tout dans ce roman, jusqu'au moindre détail, est l'expression de la peur, jusqu'à la paranoïa.
Une histoire tragique certes mais aussi par certains côtés, burlesque, ne serait-ce par la quasi immaculée conception de Garp.
Garp est un garçon est d'une honnêteté scrupuleuse alliée à une totale absence d'humour, sans parler de ses dons de lutteur et ses talents d'écrivain, lui qui veut gagner sa vie par sa plume. le départ vers l'Europe avec sa mère lui fait découvrir Vienne où ils s'installent et trouvent l'inspiration. Puis ce sera le retour à la maison et le mariage avec Helen son amour d'enfance. La suite est rocambolesque avec le couple ami, les Fletcher dont le mari Harrison est tombé amoureux fou d'une de ses étudiantes et auquel une thérapie très particulière est administrée par les trois autres comparses : l'échangisme en guise de traitement longue durée.
Une construction habile du roman fait que le narrateur fait souvent référence aux écrits autobiographiques de Jenny et aux écrits divers de Garp, tour à tour essayiste, romancier et nouvelliste. On découvre au fil des chapitres l'histoire tragique de Garp, un homme aux prises avec ses rôles de père, d'amant et d'époux. Une multitude de péripéties pour un roman que l'on peut qualifier de baroque, où le réalisme le dispute au burlesque pour ne pas dire au loufoque, avec une multitude de thèmes abordés, le désir, la transsexualité, le droit des femmes, l'art d'écrire, le tout avec une pointe d'humour.
le seul reproche à ce roman, c'est d'une part l'inclusion répétée et peu intéressante à mon sens, sinon pour observer l'évolution de sa technique narrative, des écrits de Garp et d'autre part les longueurs surtout dans la seconde moitié de l'ouvrage, qui peuvent user le lecteur, surtout quand le style n'a rien à offrir de spécial, un style plat et univoque qui convient cependant parfaitement à ce genre de roman.