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EAN : 9782914777988
405 pages
Anacharsis (15/05/2013)
4.5/5   7 notes
Résumé :
Traduit de l’anglais par Frédéric Cotton.
Lauréat du Grand Prix des Rendez-vous de l’histoire de Blois 2014.

Le 30 avril 1871, sur le Territoire de l’Arizona, dans le canyon d’Aravaipa, une troupe d’Indiens Tohono O’odham, de Mexicains et d’Américains massacrait dans leur sommeil plus de 140 Apaches. il est demeuré une masse d’informations sur ce drame, qui a permis à Karl Jacoby de proposer une approche inédite de l’événement, connu sous le no... >Voir plus
Que lire après Des ombres à l'aube : Un massacre d'Apaches et la violence de l'histoireVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Les éditions Anacharsis publient avec parcimonie, mais leurs ouvrages, qui portent sur des sujets historiques peu courants, suscitent généralement la curiosité. Traduit en français en 2013 et tout récemment réédité en poche, "Des ombres à l'aube" est ainsi consacré au massacre de Camp Grant, en Arizona : en 1871, un groupe d'habitants de Tucson (alors un gros village d'à peine un millier d'âmes) s'est attaqué par surprise à un campement apache, faisant une centaine de morts dont une majorité de femmes et d'enfants... Un massacre ordinaire, si l'on peut dire, causé par des gens ordinaires, dans le contexte fondamentalement violent de la conquête de l'Ouest et des guerres indiennes. Mettre en lumière un tel drame revient à se pencher sur l'histoire, les mentalités et le mode de vie des différents peuples ayant élu domicile dans les "borderlands" de l'actuel Sud-Ouest des États-Unis... Et c'est passionnant.

Le récit du massacre de 1871 n'occupe en fait que quelques pages dans "Des ombres à l'aube". Karl Jacoby en fait un événement-pivot autour duquel il articule son ouvrage : il y a "l'avant", qu'il fait remonter au 16ème siècle, et "l'après" jusqu'à nos jours. L'historien américain a eu l'excellente idée d'adopter successivement le point de vue des Indiens Papagos, des Hispaniques, des colons anglo-saxons, et enfin des Apaches. À la manière d'un roman choral, nous avons donc une histoire chorale des frictions et des alliances, des échanges fructueux et des incompréhensions, entre les différentes communautés. Ce procédé permet notamment de comprendre qu'il n'existe pas un camp de "gentils" et un autre de "méchants", avec des "coupables" d'un côté et des "victimes" de l'autre. Bien que l'on devine une certaine sympathie de Karl Jacoby envers la "cause indienne", l'honnêteté et l'impartialité de sa démarche démontent l'idée reçue de l'Amérindien pacifique injustement persécuté. Il est clair que la propension à la brutalité, à la cruauté, était partagée de manière équitable ; à l'agression de l'un répondait la vengeance de l'autre, dans un cycle infernal aboutissant au meurtre de femmes et d'enfants dans un canyon de l'Arizona. Sans chercher un seul instant à excuser les auteurs de telles atrocités, on peut néanmoins comprendre, en remontant à la source des faits, comment et pourquoi celles-ci ont pu se produire.

Le prix (14 euros) peut paraître élevé pour un ouvrage au format poche, mais ce surcoût est justifié par la présence de nombreuses photos d'époque, permettant de mieux appréhender les lieux où se sont déroulés les événements et, surtout, de mettre des visages sur les noms des différents protagonistes, qu'il s'agisse d'Américains, d'Hispaniques ou d'Amérindiens. À l'opposé de certains essais historiques laborieux, désincarnés et brassant des concepts abstraits, "Des ombres à l'aube" est une lecture passionnante, un récit bien plus vivant que ne le laisse supposer l'apparente austérité de son sujet, et d'une remarquable honnêteté intellectuelle... Bref, un ouvrage chaudement recommandé pour quiconque s'intéresse à l'histoire de l'Ouest américain.
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Karl Jacoby, professeur d'histoire à l'Université Columbia, enquête sur l'assassinat, pendant leur sommeil, de plus de cent quarante Apaches, en majorité des femmes et des enfants, à l'aube du 30 avril 1871, dans le canyon d'Aravaipa, situé à quatre-vingt-dix kilomètres de Tucson, en Arizona, connu sous le nom de Massacre de Camp Grant. Il juxtapose quatre récits, correspondant aux quatre communautés impliquées, et la mémoire que chacune en a conservée. Confronté à un ensemble de discours interprétatifs différents, il interroge les raisons profondes de la violence dans l'Ouest américain. « L'apparente inéluctabilité de l'histoire de l'Ouest – la Destinée manifeste (Manifest Destiny), l'expansion nationale américaine, la dépossession territoriale et la soumission des indiens – nous ont longtemps désensibilisés à la fois vis-à-vis de la violence et des autres spécificités de la région. Dès lors que l'on commence à penser l'Ouest non plus seulement comme l' « Ouest » – c'est-à-dire la portion du territoire américain située au-delà du Mississippi – mais comme l'extension du Nord du Mexique et la terre natale d'un réseau complexe de communautés indiennes, nous permettons à différents scénarios concernant cet espace d'émerger. »
(...)
Cet ouvrage apporte bien plus qu'un simple témoignage sur un épisode parmi tant d'autres actes de violence commis dans les borderlands. L'approche polyphonique de Karl Jacoby permet de rendre compte de la complexité des relations entre les différentes communautés en présence, loin de toute simplification manichéenne.

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Arizona, 1871.
Petit coin de terre aride devenu nouvel État d'Amérique, après avoir été successivement habité par les Indiens, christianisé par les Espagnols, républicanisé par les Mexicains, revendu par le Mexique pour renflouer les caisses, et annexé par les confédérés avant d'être intégré à l'Union...

À Tucson, comme dans le reste de l'état, la population est encore majoritairement "non-américaine", et se partage entre vecinos ("voisins") (anciens mexicains bien décidés à ne pas être confondus avec les péons), descendants espagnols (bien décidés à ne pas être confondus avec les vecinos), agriculteurs indiens Tohono O'odham (un peu paumés depuis que leur territoire est traversé par une frontière, mais bien décidé à ne pas être confondus avec les "autres"), et Anglos (bien décidés à n'être confondus avec personne).
Bien entendu, quelques tensions se font sentir depuis que les Tohono O'odham ont le sentiment d'être envahis par les vecinos, qui ont eux-mêmes le sentiment d'avoir été revendus par les Mexicains et d'être spoliés par les Anglos, qui eux soupçonnent les Mexicains de ne pas respecter la frontière, alors même que les Mexicains soupçonnent les vecinos de voler du bétail mexicain pendant que certains Anglos détournent les cours d'eau qui alimentent les récoltes des Tohono O'odham, soupçonnés de franchir régulièrement la frontière pour rentrer chez eux le soir.
(Quelques siècles plus tard, un fou tentera de mettre un mur dans le désert, pour clarifier la situation)

Et au milieu de tout ça, il y a ceux que les Espagnols appelaient los barbaros, et que les Tohono O'odham ont toujours appelé les "Ennemis" : les Apaches...

Quand un historien retrace l'un des (nombreux) massacres de l'histoire américaine en s'attachant au point de vue de chaque communauté participante, coupable ou victime, et en restitue "les" histoires, en reprenant la chronologie, la mémoire et la conception du monde de chaque groupe, le résultat est un formidable document sur les mécanismes de la haine et de la violence, qui déjoue avec virtuosité le manichéisme comme les manigances de l'histoire officielle, et interroge sur la difficulté d'écrire "une" histoire, pour finalement réussir à exhumer la vraie menace : la monstrueuse inhumanité des gens ordinaires...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En 1736, les prospecteurs espagnols découvrirent un riche gisement de minerai d'argent dans un lieu situé en amont de la rivière Santa Cruz. Ce lieu, qui fut appelé le Réal de l'Arizónac – un nom apparemment dérivé de l'expression o'odham 'Al Sonag, ou "Lieu de la Petite Source" –, entraîna vers la Pimería Alta une véritable ruée de migrants originaires du centre du Mexique pour qui l'Arizónac représentait l'espoir d'une fortune rapidement acquise.
Ces nouveaux venus représentaient pour la domination coloniale à la fois des avantages et des inconvénients. Reflétant la mixité ethnique qui s'était développée en Nouvelle-Espagne, les nouveaux arrivants étaient issus d'une grande diversité de milieux – "différentes castas, mestizos, coyotes, mulatos et quelques Espagnols" selon un missionnaire. Même s'ils étaient souvent méprisés tant par les prêtres que par les représentants de la Couronne comme des "vagabonds" déracinés, l'acclimatation de ces individus à la société espagnole et leur relative loyauté envers la Couronne entraîna leur acceptation progressive le long des marges septentrionales de la Nouvelle-Espagne en tant que gente de razón (gens de raison) – un statut qui les élevait au-dessus des Indiens locaux qui demeuraient des gente sin razón (gens sans raison).
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Ce genre d'événements troublants confrontait les Américains au dilemme que posent toutes les interactions coloniales : comment ceux qui s'imaginent être les représentants de la civilisation doivent-ils se conduire face à ce qu'ils considèrent comme la sauvagerie de l'autre ? Peut-on répondre à la sauvagerie par la sauvagerie sous prétexte que les peuples primitifs ne comprennent pas d'autre manière de faire ? L'usage de la violence, quels que soient la nature de l'adversaire ou les mérites de l'objectif visé, ne sape-t-il pas les prétentions à la supériorité morale si essentielle quand il s'agit de justifier l'occupation de la terre d'autrui ? Si les Américains considéraient leur "civilisation" comme une évidence et la "sauvagerie" de leurs adversaires apaches comme allant également de soi, ils divergeaient néanmoins bien souvent sur les réponses à apporter à ces interrogations. En conséquence, les relations entre Apaches et Américains étaient inévitablement influencées non seulement par les tensions entre les deux groupes mais aussi par celles qui divisaient la population américaine elle-même.
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Si l'histoire devait respecter strictement les frontières nationales, le scénario américain de notre sujet ne commencerait pas avant le 25 avril 1854, date à laquelle le Sénat américain ratifia ce qu'il appela le traité Gadsden, qui abandonnait quelque 78 000 kilomètres carrés du Sonora aux États-Unis en un ultime ajustement des frontières continentales américaines après un demi-siècle d'expansion territoriale ininterrompue. Pourtant, isoler ainsi un moment spécifique du temps confère un caractère déterminé mais trompeur à un ensemble plus vaste et plus complexe d'interactions entre ceux qui se qualifiaient eux-mêmes d'Américains et les autres habitants des borderlands. De même que la frontière mexicano-américaine n'avait jamais totalement confiné les différentes communautés du Sud-Ouest d'un côté ou de l'autre d'une ligne de démarcation, les ères "mexicaine" et "américaine" de cette région ne se succédèrent pas en fonction d'un moment précis inscrit dans le temps mais déteignirent l'une sur l'autre, construisant mutuellement les borderlands du XIXe siècle – et même après.
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L’apparente inéluctabilité de l’histoire de l’Ouest – la Destinée manifeste (Manifest Destiny), l’expansion nationale américaine, la dépossession territoriale et la soumission des indiens – nous ont longtemps désensibilisés à la fois vis-à-vis de la violence et des autres spécificités de la région. Dès lors que l’on commence à penser l’Ouest non plus seulement comme l’ « Ouest » – c’est-à-dire la portion du territoire américain située au-delà du Mississippi – mais comme l’extension du Nord du Mexique et la terre natale d’un réseau complexe de communautés indiennes, nous permettons à différents scénarios concernant cet espace d’émerger.
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Il n'existe pas d'archives concernant ces premières campagnes électorales, rendant ainsi impossible de juger de la mesure dans laquelle le massacre de Camp Grant avait pu peser sur leur déroulement. Mais il est assez clair, d'après les documents qui nous sont parvenus, que les Tucsoniens n'ont que très rarement considéré la participation au massacre comme une tache sur la réputation d'un individu – et pourraient même l'avoir considérée comme un atout pour occuper un poste officiel. Les journaux de l'Arizona évoquaient régulièrement les participants au massacre dans les termes les plus élogieux. Selon un correspondant de l'Arizona Miner qui connaissait certains des participants à l'expédition, les meurtriers étaient des "citoyens bons et humains, des hommes au cœur généreux". En 1870, l'Arizona Daily Citizen célébrait Etchells comme "l'un des meilleurs et des plus fiables citoyens de Tucson". Quelques années plus tard, on devait se souvenir d'Oury comme d'un homme "courageux, généreux et intelligent", quelqu'un qui ne "s'était jamais livré à un acte répréhensible" ; DeLong serait qualifié "d'homme honnête et sympathique" et Lee serait loué pour son "grand cœur".
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Videos de Karl Jacoby (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Karl Jacoby
Rencontre avec Pekka Hämäläinen et Karl Jacoby à l'occasion de la sortie de leur livre respectif "L'empire comanche" et "L'esclave qui devint millionnaire : les vies extraordinaires de William Ellis", parus chez Anacharsis Éditions.
Retrouvez les livres : https://www.mollat.com/livres/1750740/pekka-j-hamalainen-l-empire-comanche
https://www.mollat.com/livres/2240340/karl-jacoby-l-esclave-qui-devint-millionnaire-les-vies-extraordinaires-de-william-ellis
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