Maikan signifie loup dans la langue Innue.
Mais un loup n'a pas le sadisme de la meute de loups cachés sous les soutanes !
Dans le pensionnat Fort George, à plus d'un millier de kilomètres des vastes territoires où vivaient ces indiens, au rythme de la nature, se retrouvent les enfants Innus.
Ils sont arrachés à leur famille, placés dans un environnement violent, dans le but de les assimiler de force.
Il vont perdre leur nom, se voir attribuer un numéro, doivent se plier à l'autorité catholique : tout est prétexte à subir des coups, des humiliations, des abus physiques,
moraux et abus sexuels.
Ils doivent oublier leur vie à parcourir les forêts, les bras et la tendresse de leur
Kukum mais doivent tenir une lame de rasoir sur leur langue pour avoir oser parler leur langue première.
Tout est bon pour "tuer l'indien dans l'enfant" oublier leur langue maternelle.
C'est une lecture douloureuse qui fait mal, révolte.
J'ai lu le coeur serré, remplie de dégoût et révoltée face à cette cruauté. Car cette violence là, ces sévices sont infligés à des enfants, à la fragilité de l'enfance, à leur vulnérabilité !
On leur vole l'enfance, on efface leur passé rempli d'amour, de beauté et on les violente, les traite de sauvages, on empêche leurs mots, efface leur culture !
Même leurs rêves, la nuit, sont saccagés, violés !
Un véritable génocide culturel !
C'est ce que raconte ce roman, une réalité révoltante, insupportable : Un CRI d'indignation !
Audrey Duval est avocate spécialisée dans le droit des affaires. En parallèle elle se consacre à des missions bénévoles dont la recherche de trois Innus retirés à leurs familles lorsqu'ils étaient enfants. Ils devraient être indemnisés par le gouvernement canadien pour les violences subies.
Le récit alterne entre le regard des enfants dans leur environnement violent et celui d'Audrey partie à la recherche de trois vies anéanties.
Et c'est un soulagement pour le lecteur à chaque changement de chapitre !
L'auteur crée un lien entre les deux périodes 1930 d'une part et 2010 d'autre part.
C'est l'histoire de trois enfants qui furent arrachés à leur famille en 1936.
Virginie et Marie deux amies de toujours, deux inséparables, deux caractères différents la première courageuse, impétueuse, la deuxième plus craintive
Et émotive. Elles se soutiennent. L'une réconforte l'autre.
Le troisième Charles jeune garçon brave, débrouillard :
L'image du courage et de la bonté dans un monde qui en contient si peu. Entre Charles et Virginie un amour pur, immense : il adoucira les représailles d'une extrême violence qu'elle eut à subir.
Cet amour si puissant les portera vers une résistance, effaçant la peur du risque.
Ces trois enfants vont démontrer que dans l'enfer où rien ne leur est épargné, il persiste une lumière :
la fraternité, l'amour, la résistance.
Les phrases sont courtes, la plume d'une grande sensibilité : le pathos larmoyant n'a pas sa place
dans ce récit bouleversant. le texte demeure tout en retenue. C'est beau, fort et éternel !
Ce grand roman porte la puissance de l'amitié, de l'amour il porte la voix de ces 150 000 enfants !
Cette voix s'élève aussi haut que les chants de ce peuple pour se souvenir toujours et graver l'injustice dans les mémoires :
L'histoire de l'extinction d'un peuple.