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Jusuf Vrioni (Traducteur)
EAN : 9782253054917
211 pages
Le Livre de Poche (02/11/1990)
3.88/5   24 notes
Résumé :
"On comprenait aisément pourquoi la niche où étaient placées les têtes tranchées des vizirs rebelles ou des personnalités de l'Empire tombées en disgrâce avait été construite précisément sur cette place. Nulle part ailleurs, peut-être, l'œil ne pouvait saisir aussi facilement le rapport entre le pesant statisme de la séculaire place impériale et la tête tranchée de celui qui avait voulu le défier. On devinait que l'endroit dans le mur avait été choisi parce que, de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il suffit de lire quelques pages de la Niche de la honte pour se rendre compte à quel point l'empire ottoman a marqué, et marque encore, l'imaginaire des Balkans. Nous voici ici, avec l'écrivain albanais Ismail Kadaré, à Istanbul, sur une petite place animée par le flux constant des passants. Abdullah, chaque jour, garde sur cette place la Niche de la honte et, dans la niche, la tête tranchée et exposée à tous les regards du vizir Bugrahan pacha, condamné pour avoir été vaincu par Ali de Télépène, le gouverneur rebelle d'Albanie.

C'est avec cette tête, et tout ce qu'elle comporte de menaces, qu'est introduite l'Albanie, Arnaoutistan des ottomans et imprononçable Shqipëri des Albanais, province rebelle aux portes de « l'ingrate terre d'Europe », où les minarets rapetissent et commencent à céder la place « au signe de la croix ». Après ce chapitre d'introduction, le chapitre suivant se situe d'ailleurs en Albanie, où Hurshid pacha, par ruse plutôt que par supériorité des armes, vient d'obtenir la tête de cet Ali et donc de préserver – pour un temps – la sienne. Se succèdent ensuite des chapitres alternant entre coeur et confins de l'Empire avec toujours, comme fil conducteur, le messager impérial chargé du transport des têtes tranchées.
Lien : https://passagealest.wordpre..
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L'Albanie sous la domination ottomane.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
De toute évidence, la déclaration du grand vizir était une menace directe à l'adresse de toutes les provinces et pachaliks du grand Etat, surtout des régions qui jouissaient d'une certaine autonomie, comme ç'avait été le cas de l'Albanie jusqu'à la veille. D'un ton dur, le grand vizir déclara que la Sublime Porte ne permettrait désormais aucune fausse interprétation de cette autonomie et encore moins un mauvais usage de cette dernière. L'attention des observateurs étrangers fut attirée particulièrement par le passage du discours du grand vizir où, pour la première fois, au nom du gouvernement et du sultan-empereur, apparaissait une formulation qui jetait un nouveau jour sur la notion d' "autonomie des provinces", dont la propagande d'Etat s'était vantée des années durant, la présentant comme la plus claire expression de l'épanouissement de la liberté des nations au sein de la famille impériale. Indépendamment des images poétiques, avait dit le grand vizir, il faut comprendre une fois pour toutes que cette autonomie est un autonomie limitée. Le pouvoir central l'avait considérée comme telle jusque là et il continuerait de le faire jusqu'à la fin des temps... Il dit que, sans égard au fait que le grand Etat plurinational ottoman se composait de nations aux appellations différentes, en réalité ces nations, avant d'être turque, albanaise, grecque, serbe, bosniaque, tartare, caucasienne, etc... étaient toutes fondamentalement des nations islamiques. L'histoire, ajouta le grand vizir, nous a fourni jusqu'ici maints exemples de la manière dont ont fini ceux qui en avaient jugé différemment, et ce fait que nous avons sous les yeux, conclut-il, en montrant de la main le plat d'argent portant la tête d'Ali pacha, n'en est qu'un exemple de plus.
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Sous ce ciel de poix, dans toutes les villes, tous les bourgs et villages de la province à peine soumise, les crieurs publics lisaient le décret impérial arrivé de la capitale : " Esclaves et raïas du grand padichah, citoyens de la province d'Albanie administrée jusqu'à hier par Ali le Noir, le sultan vous a accordé la grâce. Vous mangerez dans la paix le pain de la servitude, à condition que vous déposiez immédiatement les armes. Il vous est ordonné de dépouiller immédiatement vos vêtements aux couleurs éclatantes et de ne vous vêtir désormais que de grosse laine noire ou grise. Vous ne laisserez pas vos cheveux s'allonger et vous vous couvrirez la tête de fez en peau de buffle. Vous ne monterez plus des chevaux, mais seulement des juments et des mules. Vous boucherez vos cheminées de manière que vous ne soyez plus en rapport direct avec le ciel d'Allah à travers la fumée, mais que celle-ci sorte en flocons de vos fenêtres et de vos portes, après vous avoir tous noircis, avec vos effets, votre bétail et vos enfants. Vous ne serez allégés de toutes ces restrictions que lorsque vous aurez prouvé au sultan par des actes et non par des paroles que vous avez chassé de votre esprit toute idée de rébellion et le souvenir d'Ali le Noir."
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Pendant ses heures de service, lorsqu'il se lassait de contempler le café de loin, Abdullah tournait ses regards vers les lances des deux sentinelles qui montaient la garde jour et nuit devant la niche. Mais c'était un spectacle fort monotone, et il n'y accordait d'attention qu'aux moments où la place était déserte. En revanche, lorsque celle-ci se remplissait de monde, il trouvait intéressant de suivre des yeux le mouvement des prunelles des badauds ou des touristes confrontés pour la première fois avec la tête. Il savait bien que la vision d'une tête tranchée n'était pas un spectacle habituel pour personne, et pourtant, lui semblait-il, la terreur et l'émoi qui se lisaient sur les visages des spectateurs dépassaient les limites de l'imaginable. Il avait le sentiment que ce qui les impressionnait le plus, c'étaient les yeux et cela non pas tant parce que c'était des yeux de mort, mais parce que comme tout le monde, ils avaient l'habitude de ne voir les yeux d'un homme que comme une partie de son corps. Et c'était peut-être précisément cette absence de corps, se disait Abdullah, qui faisait paraître les yeux de la tête tranchée plus grands et plus importants qu'ils ne l'étaient en réalité.
A la vérité, il était convaincu qu'en général, les gens avaient eux aussi, moins d'importance qu'ils ne s'en attribuaient.
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Incipit :
Ses yeux rencontraient constamment les regards des passants et des touristes qui affluaient de toutes parts vers la place. Ces regards, comme ceux de toute foule mouvante, étaient distraits, un peu perdus, mais dès qu'ils l'apercevaient, ils se figeaient. Les prunelles, prises au dépourvu, cherchaient, semble-t-il, à se réfugier dans les profondeurs des crânes, mais, n'y parvenant pas, restaient à leur place et soutenait le spectacle qu'elle leur offrait. La plupart des spectateurs pâlissaient, d'autres étaient pris de nausées, et seuls très peu d'entre eux gardaient leurs regards fixés sur ses yeux. C'étaient des yeux dédaigneux, dont on ne pouvait dire s'il étaient bleus, gris, ou blancs, des yeux auxquels il était en fait difficile d'attribuer une couleur, car plus qu'une teinte, ils avaient le lointain reflet du vide.
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Vidéo de Ismaïl Kadaré
http://www.club-livre.ch#Bessa_Myftiu Interview de Bessa Myftiu réalisée par le Club du Livre en partenariat avec Reportage Suisse Romande
Bessa Myftiu, née à Tirana, est une romancière, poète, conteuse, essayiste, traductrice, critique littéraire, journaliste, scénariste et actrice établie à Genève, en Suisse romande, de nationalité suisse et albanaise. Pour commander un ouvrage de Bessa Myftiu : En SUISSE : https://www.payot.ch/Dynamics/Result?acs=¤££¤58REPORTAGE SUISSE ROMANDE36¤££¤1&c=0&rawSearch=bessa%20myftiu En FRANCE : https://www.fnac.com/SearchResult/ResultList.aspx?SCat=0%211&Search=bessa+myftiu&sft=1&sa=0
Fille de l'écrivain dissident Mehmet Myftiu, Bessa Myftiu fait des études de lettres à l'université de Tirana et par la suite elle enseigne la littérature à l'université Aleksandër Xhuvani d'Elbasan. Elle devient ensuite journaliste pour le magazine littéraire et artistique albanais La scène et l'écran. Elle émigre en Suisse en 1991 et s'établit à Genève dès 1992, passant son doctorat et devenant enseignante à l'université de Genève en faculté des Sciences de l'éducation, tout en poursuivant en parallèle ses activités dans les domaines de l'écriture et du cinéma. Depuis 2013, elle enseigne à la Haute École Pédagogique de Lausanne. Elle est par ailleurs membre de la Société Genevoise des Écrivains BIOGRAPHIE 1994 : Des amis perdus, poèmes en deux langues, Éditions Marin Barleti [archive], Tirana 1998 : Ma légende, roman, préface d'Ismail Kadaré, L'Harmattan, Paris (ISBN 2-7384-6657-5) 2001 : A toi, si jamais?, peintures de Serge Giakonoff, Éditions de l'Envol, Forcalquier (ISBN 2-909907-72-4) 2004 : Nietzsche et Dostoïevski : éducateurs!, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-05-6) 2006 : Dialogues et récits d?éducation sur la différence, en collaboration avec Mireille Cifali, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-09-4) 2007 : Confessions des lieux disparus, préface d'Amélie Nothomb, Éditions de l'Aube, La Tour-d'Aigues (ISBN 978-2-7526-0511-5), sorti en 2008 en livre de poche (ISBN 2752605110) et réédité en 2010 par les Éditions Ovadia (ISBN 978-2-915741-97-1), prix Pittard de l'Andelyn en 2008. 2008 : An verschwundenen Orten, traduction de Katja Meintel, Éditions Limmat Verlag [archive], Zürich (ISBN 978-3-85791-597-0) 2008 : le courage, notre destin, récits d'éducation, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 9782915741087) 2008 : Littérature & savoir, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-915741-39-1) 2011 : Amours au temps du communisme, Fayard, Paris (ISBN 978-2-213-65581-9) 2016 : Vers l'impossible, Éditions Ovadia, Nice (ISBN 978-2-36392-202-1) 2017 : Dix-sept ans de mensonge, BSN Press, (ISBN 978-2-940516-74-2)
CLUB DU LIVRE : http://www.club-livre.ch#bessa_myftiu REPORTAGE SUISSE ROMANDE : http://reportage-suisse-romande.ch/
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