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sur 309 notes
Je parlerai ici exclusivement de la nouvelle principale, à savoir La colonie pénitentiaire.

On ne peut parler d'une oeuvre de Kafka sans parler plus de Kafka que de cette oeuvre. Les livres de Kafka sont comme des rêves: ils sont ouverts à mille interprétations et leurs personnages n'ont pas de passé clair, ils se trouvent dès le début dans une situation étrange et doivent la vivre.

Il s'agit cette fois d'un visiteur d'une colonie pénitentiaire qui découvre la pratique singulière de l'exécution de condamnés par une machine au résultat atrocement accompli. Or, on a besoin de l'avis favorable de ce visiteur pour que cette merveilleuse machine demeure. L'officier chargé des exécutions est le seul qui reste un fervent zélé de cette invention...
Il y a un proverbe qui décrit vraiment toute l'oeuvre de Kafka : " le malheur est parfois hilarant".

Rien n'égal l'atrocité de certains faits décrits et l'extravagance des idées nostalgiques de l'officier, ainsi que l'indécision du visiteur à faire face à cette pratique inhumaine, que la finesse et la précision avec lesquelles Kafka raconte des faits oniriques (avec beaucoup d'humour; surtout le condamné à mort naïf et gauche, et d'exactitude dans la description en détail de la machine...).

Je sais que ce qui nuit le plus à Kafka, c'est le mauvais goût des interprétations stéréotypées. On cherche à mettre le texte (malgré lui) dans le contexte qui nous plaît. Et si Franz ne voulait rien dénoncer, rien ironiser, juste nous produire une nouvelle magnifique comme lui-même aime les lire. Sans autre motif. En bref, cette nouvelle parle d'un système imposé, qui s'avère violent , les gens savent qu'il est inhumain et ne peuvent le changer car il y a toujours des zélateurs qui peuvent le défendre et qu'il est là depuis toujours..

Mais peut-on interpréter un rêve? On est charmé par cette vision et c'est tout.
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Cette lecture m'a fait penser à certaines visites que j'ai pu faire aux musées d'art moderne. Face à certaines oeuvres, j'avoue ne pas avoir saisi ni l'intention ni l'essence du travail de l'auteur.
Il y a clairement un problème d'interprétation face à des écrits aussi complexes que ceux de Kafka. Alors afin de comprendre, soit on fait le bon élève et on fait des recherches soit on se fie à son flair de lecteur et on choisit l'interprétation basée sur le ressenti en extrapolant dans les théories.
J'ai choisi la deuxième option.

Le sentiment d'oppression est à nouveau présent, la description de la machine de torture remplit l'espace nous acculant dans un coin, terrassés par la barbarie et l'inimaginable capacité des hommes à obéir aux ordres sans se poser des questions et sans culpabilité. Les descriptions insoutenables de la souffrance des condamnés nous écrasent comme une chape de plomb.

On pourrait même interpréter cette nouvelle comme étant une oeuvre visionnaire des horreurs qui seront commises bien plus tard pendant les guerres. Les pratiques barbares et la déshumanisation y sont déjà.
D'une écriture sobre et avec beaucoup de distance Kafka sème encore et toujours des interrogations sur la condition humaine.
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Un voyageur de passage est invité à examiner une colonie pénitentiaire, et plus particulièrement une exécution qui va bientôt avoir lieu. L'officier chargé de la visite est très fier d'exposer la machine chargée d'exécuter la peine : elle inscrit dans la chair du condamné le motif de la punition puis provoque la mort après de longues souffrances.

L'officier est pourtant fort inquiet pour l'avenir de ce système : mis au point par l'ancien commandant, il a depuis été remplacé par un nouveau qui n'apprécie guère la machine. Les pièces ne sont plus aussi vite remplacées qu'avant, les incidents se font de plus en plus nombreux, les rangs des détracteurs grossissent. Il supplie le voyageur d'en parler de manière positive pour assurer à la machine l'avenir radieux qu'elle mérite.

On peut interpréter le texte de différentes manières : critique des tortures et des exécutions judiciaires, de la passivité des exécutants qui obéissent sans broncher, ... Difficile de savoir précisément ce que voulait transmettre l'auteur. Kafka reste insaisissable !

Six autres nouvelles accompagnent ce texte, dont deux inachevées. J'ai particulièrement apprécié « Le terrier » : l'histoire d'un animal qui bâtit son terrier, met en place des protections, des pièges, répartit ses provisions. Pourtant, au lieu de le rassurer et de le tranquilliser, ces innovations l'angoissent : et si quelqu'un déjouait le piège ? Les provisions sont-elles correctement réparties ? Pourra-t-il se défendre en cas d'agression ? Cette obsession le pousse à sortir du terrier pour observer les alentours, mais le calme des lieux l'oppresse plus qu'une éventuelle présence. Et comment oser rentrer maintenant, au risque de montrer aux ennemis le chemin ?

Kafka a toujours le même effet sur moi : j'ai du mal à lire plus de dix ou quinze pages à la suite, et je suis forcé de prendre des pauses pour digérer ce que je viens de lire. Mais dix minutes plus tard, il faut absolument que j'y retourne, impossible de le laisser de côté trop longtemps !
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LA COLONIE PÉNITENTIAIRE
A la deuxième page de cette nouvelle, on se pose déjà quelques questions et une fois la lecture finie, et que plusieurs horizons se sont offert à nous, on se sent plus que perdu, on se casse la tête, les questions ne font que fulminer... que veut dire l'auteur? Que représente en vrai cette colonie pénitentiaire où il n'est question que d'une machine décrite comme une espèce de guillotine contemporaine? La machine est, elle-même, vouée à tous les éloges par un officier, qui en fait une présentation maniaque au voyageur comme un boucher qui exposerait sur sa façon à lui d'abattre ses animaux. Cet objet cache-t-il une machination politique, idéologique ou judiciaire? Quel genre d'autorité se cache derrière le personnage de l'officier, qui a l'air d'un bourreau, assoiffé du sang, rassasié du sang, perd la tête et fini par y passer? Et le voyageur, est- il Dieu, la conscience, doté d'une impassibilité tout autant maniaque? Et le condamné, un maniaco-naïf, est-il le peuple ou simplement un système? Du moins, ce sont des pratiques inhumaines qui sont au coeur de cette nouvelle émouvante.
Ce n'est pas une lecture vraiment aisée mais on sort de là un peu dérangé, bien qu'il y ait de l'absurde, on se dit, on n'a pas lu du n'importe quoi, et des génies, le monde en a connu!
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Un inspecteur est délégué sur une île dont on ne connaît pas le nom (mais où il est question de Kommandantur) pour faire un rapport sur la manière dont sont traités les prisonniers coupables de manquements, indisciplines ou condamnés. le "bourreau", gardien du lieu, a mis au point, avec le précédent commandant décédé, une machine diabolique qui imprime dans la chair, très progressivement, la condamnation.

Franz Kafka qui donna son nom au terme "kafkaïen", entré dans le langage courant, porte ici toute sa définition : absurde, torturé, compliqué dont on a du mal à définir le sens. L'auteur a imaginé une machine digne des plus grands bourreaux (mais faisons confiance à l'humanité pour faire preuve d'autant d'imagination dans les années qui suivirent) et donne la parole à son concepteur qui prend un plaisir non dissimulé à détailler, dans les moindres détails et avec une sorte de sadisme jubilatoire toute la machinerie et va même jusqu'à demander d'en préserver l'usage au péril de sa propre vie.

Je dois avouer que durant toute ma lecture j'ai senti le malaise monté, l'horreur de la situation, dans cette salle de tortures, écoutant avec le futur torturé qui n'a pas l'air de comprendre le sort qui lui ai réservé,  les explications fournies sur le déroulement de la sentence. J'ai tenté de déceler dans le récit l'arrière-pensée de l'auteur : une interprétation personnelle de l'usage fait de la torture et du plaisir que peut ressentir ceux qui la pratiquent, un délire sadomasochiste qui se voudrait absurde mais on sait que quand il est question de tortures les hommes, depuis la nuit des temps ont fait preuve d'imagination ? 

C'est un texte marquant (excusez-moi pour l'analogie sur la machine), qui m'a profondément troublée sans que j'en connaisse exactement la raison mais sans pouvoir lâcher ma lecture pour autant ou l'abandonner par dégoût. Je voulais savoir pourquoi, quel était le but de cet écrit. Et si finalement c'était simplement une fable sur les capacités de l'homme à faire du mal, à pousser la torture jusqu'à son paroxysme avec un bourreau presque en état second, convaincu des bienfaits de sa machine et préférant demander un faux témoignage de peur de la voir disparaître. Et puis la fascination du bourreau pour son commandant disparu, perpétuant sa volonté, ses souhaits au-delà de sa disparition, ..... Prémonitoire de ce que les hommes sont capables de faire au nom d'un idéal.

Le recueil comportait d'autres nouvelles, mais je dois avouer que je n'en saisissais pas le sens pour la plupart et ai abandonné le recueil. Il s'agissait plus de courts récits, de petites chroniques, tenant parfois en quelques lignes, certains textes comme des ébauches d'écriture, de notes sur des scènes vues, mais comme j'étais encore sous le coup de mon voyage dans la colonie disciplinaire, j'avais beaucoup de mal à y trouver un intérêt ou du sens.

Une expérience de lecture troublante et en plus un visage et des yeux sur la couverture qui à chaque fois que je prenais le livre me donnait l'impression de plonger au plus profond de moi, de me sonder, de chercher à trouver les failles et dont je ressentais à la fois toute la noirceur mais également une sorte de résignation à ne déceler que le négatif.

Je n'ose pas dire que j'ai aimé et pourtant oui j'ai aimé car cette lecture va rester en moi pour longtemps. Je ne sais pas si je lirai à nouveau Franz Kafka. Je ne suis pas sûre d'apprécier son univers, ses pensées et même de comprendre ce qu'il veut transmettre mais je suis ravie d'avoir participer à ce challenge Mai en nouvelles qui m'a permis de comprendre pourquoi Kafka a laissé son empreinte dans notre langage à travers un texte aux multiples interprétations.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Déception dans l'ensemble. "La colonie pénitentiaire" mérite d'être lue, mais je suis beaucoup moins conquise par les quatre autres textes parus sous le titre "Un champion de jeûne" (sauf le chapitre éponyme) qui sont d'une écriture confuse, tortueuse, alambiquée, ressemblant à un parcours psychologique compliqué. Je serais plus attirée par les deux derniers textes du recueil, "Le terrier" et "La taupe géante" mais suis arrêtée dans mon élan et excessivement frustrée car ces deux textes sont inachevés par l'auteur... Je ne vois d'ailleurs pas très bien l'intérêt de les publier et de les livrer aux lecteurs ainsi tronqués.
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Conte philosophique, plaidoyer contre la cruauté de l'homme, chef-d'oeuvre de l'art, sont autant de noms qu'on pourrait donner à ce livre. J'y retrouve tout ce qui m'a plu dans le Meilleur des Mondes, d'Aldous Huxley : une réflexion puissante sur ce dont est capable l'homme, des idées, des pensées… Une nouvelle d'une rare efficacité, qui pousse à réfléchir sur l'homme et la tyrannie.
Ecrit avant même les grandes dictatures du XXème siècle, un texte visionnaire qui ne laisse pas indifférent.
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Huit récits. L'univers Kafkaïen se déploie. Les corps sous emprise. Sous l'emprise de systèmes, de disciplines, de lois, de rôles, de regards, sous l‘emprise de soi, des autres. Enfer-mement.
La nouvelle la plus emblématique de ce recueil : La colonie pénitentiaire ; Cette nouvelle écrite en 1914, est à la fois la fin d'un règne et l'annonce d'un nouvel ordre. La description de la « machine » à punir, à tuer, est à la limite du soutenable.
« La machine » marque, tatoue, écrit, sa sentence inique sur la peau et dans la peau et à travers la peau des condamnés une sentence moralisatrice prêt-établie, prêt à porter, dictée par un système arbitraire, fou, totalitaire. Inventée par un fou, construit par des fous, entretenue par des fous, adulée par des fous.
Mais son grand horloger, le vieux commandant fou est mort….Le système est condamné. La machine se détraque.. Oui, mais …. dans la ville une taverne protège son tombeau…
Et l'on comprend le caractère prophétique que l'auteur dresse à travers ce récit : Prenons garde à la résurrection possibles des démons à qui nous confions notre commandement. Les dieux comme les diables ne meurent jamais.
Autre nouvelle que je retiendrai : le terrier . Enfer-mement du dedans et du dehors. Observant, observé...et à jamais terré, jusqu'au tombeau. L' univers Kafkaïen est une machine à penser.
Astrid Shriqui Garain
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Dans la vallée de l'ombre de la mort, un voyageur se rend sur le lieu d'une exécution, imminente. Un officier, partisan de la peine de mort, lui explique le fonctionnement de la machine qui n'est pas une guillotine - la mort serait trop rapide - mais un instrument de torture, qui inscrit la sentence, la loi qu'il faut respecter, sur le corps, à l'aide d'un système d'aiguilles fixées sur une herse. On ne se contente pas de tatouer le condamné, la mort étant programmée, la douleur étant recherchée. Le condamné, installé sur la machine, ne peut pas lire l'inscription mais il la ressent, aussi la lecture de la sentence se fait-elle au niveau du corps, parce qu'il la sent dans sa chair qu'on déchiquète morceau par morceau, aussi l'assimile-t-il, corps et esprit.

Le regard extérieur du voyageur est essentiel étant donné qu'il est le spectateur sans lequel la peine de mort n'aurait pas lieu d'être parce qu'elle est conçue pour être une représentation de la mort, un spectacle ; il est aussi comme le lecteur celui qui doit émettre un jugement non pas quant à la culpabilité du condamné mais quant à la justice elle-même, sur ses procédures. Le voyageur a comme mission de mettre à mort la peine de mort ; Kafka la fait revivre, en l'inscrivant dans la chair de son lecteur.
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Mon cerveau est parti en mode panique, alors que j'écoutais « la colonie pénitentiaire » (version audio*) en marchant dans le parc, près de chez moi.
A l'époque, j'avais trouvé des mots** pour décrire cette lecture, en lisant un essai sur Kafka, de Deleuze et Guattari.
Des images revenaient aussi, provenant du roman de Mo Yan, le Supplice du santal.

Mais finalement, c'est un autre texte qui me pousse à écrire ce commentaire. L'auteure écrit de sa cellule, alors qu'elle est victime d'expériences de coupures sensorielles, menées sur les prisonniers.
Dans son texte, elle fait explicitement et tragiquement référence à « La Colonie pénitentiaire » de Kafka. On la retrouva un jour pendue dans sa cellule…
Ça s'est passé dans une prison allemande entre 1972 et 1976. On peut trouver le texte sur babelio sous la forme d'une citation signée Ulrike Meinhof. (citée par blanchenoir).

Références :
*livre audio :
https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/kafka-franz-a-la-colonie-penitentiaire.html

**extrait du livre de Deleuze et Guattari :
« … le désir que quelqu'un a pour le pouvoir, c'est seulement sa fascination devant ces rouages, son envie de faire marcher certains de ces rouages, d'être lui-même un de ces rouages – ou, faute de mieux, d'être du matériel traité par ces rouages… »
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