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EAN : 9782807001251
336 pages
M.E.O Editions (08/05/2017)
3.07/5   7 notes
Résumé :
Nous promenant de Notre-Dame de Paris au carnaval de Venise en passant par les lisières du Sahara, Strasbourg, la Provence, l'oeuvre de Hugo, la Rue des Crocodiles de Bruno Schulz ou le gigantesque ennui dans les sociétés communistes, l'auteur nous fait réfléchir sur la disparition du sacré dans l'architecture contemporaine sans que pour autant l'humain y trouve satisfaction. Philosophe et poète, Drazen Katunaric part de ce constat : le progrès n'est plus un arrache... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Habiter est chose bien ordinaire. Pourtant quand l'écrivain croate Drazen Katunaric pense aux villes européennes du XXe siècle et à leurs périphéries c'est de l'âme de ses habitants qu'il se préoccupe et la présence d'espaces "existentiels" disparus qu'il questionne. le modernisme n'a fait qu'affirmer à ses yeux par son souci d'efficacité et de rationalité sa vision architecturale fonctionnaliste. Vision directement tributaire selon lui de la « machine à habiter » de le Corbusier :

« L'architecture a pour premier devoir, dans une époque de renouvellement, d'opérer la révision des valeurs, la révision des éléments constitutifs de la maison. Il faut créer l'esprit de la série, l'état d'esprit de construire des maisons en série, l'état d'esprit de concevoir des maisons en série. Si l'on arrache de son coeur et de son esprit les concepts immobiles de la maison et qu'on envisage la question d'un point de vue critique et objectif, on arrivera à la maison-outil, maison en série, saine (et moralement aussi) et belle de l'esthétique des outils de travail qui accompagnent notre existence. » (Le Corbusier, Vers une architecture, Paris, 1923).

De le Corbusier je crois pouvoir dire que Drazen K. n'aime que la chapelle de Ronchamp. La maison du déclin est celle de Quasimodo qui s'invite au début de la lecture, Notre-Dame de Paris délabrée, monument architectural et littéraire réinventé au XIXe siècle par Hugo, qui unit encore la terre au ciel dans son élan sacré. Mais la maison du déclin est celle aussi où le sacristain habiterait peut-être au XXe siècle, adaptée à ses besoins de bossu, étroite, basse sous plafond, sans âme. Quelque chose s'est lointainement perdu depuis que Dieu a quitté la scène et qu'un idéal rationaliste et matérialiste lui a succédé suggère encore l'auteur : "Dans la mesure où ce monde est imperceptiblement devenu de moins en moins divin, ce qui s' est perdu c'est la tension fructueuse entre l'aspiration de l'homme au ciel et l'enracinement de son existence terrestre" (p. 90). Après la halte chez Quasimodo plusieurs autres, dont celle plus mystique et surprenante qui le mène chez l'homme mozabite resté le même depuis l'an 1300 dans les oasis berbères du M'Zab. Temps immuable qui lui ouvre les portes de la Renaissance. Si Victor Hugo présageait dans son roman que le progrès puisse être destructeur (« Ceci tuera cela » : le livre imprimé se substituant au « grand livre de l'humanité » qu'étaient selon lui les cathédrales), D. K. à sa suite poursuit la réflexion jusqu'à nos jours.

La forme du périple qui s'achève au milieu du carnaval de Venise désoriente, c'est sa force. L'illusoire linéarité du temps s'estompe, les frontières se brouillent. L'exigence de tradition et le désir de modernité se font face sous la plume de l'écrivain. Deux vieilles cathédrales, les sables du Sahara, le Palais de cristal ou les murs désolément nus et silencieux de la maison de Wittgenstein le conduisent à un terrible constat de vide. Si tout contenu spirituel a déserté l'architecture au XXe siècle lui reste-il un sens à porter ? Les lieux contrastés, monuments sacrés ou édifices profanes du parcours illustrent, en moments symboliques, des changements majeurs intervenus dans la spiritualité européenne. Ils décrivent, selon l'auteur, l'opposition entre foi et raison auxquels les prouesses techniques mises en oeuvre par les ingénieurs et les architectes démiurges d'une modernité sectaire et fanatique auraient mis fin.

L'architecture du XXe siècle est l'héritière d'une rupture spirituelle entamée à la fin du Moyen âge. La laïcisation progressive des esprits et des arts à la Renaissance, entérinée plus tard par la Révolution française puis par la mort philosophique de Dieu, fera le reste. le sous-titre du livre : « le destin du divin dans l'architecture du monde moderne » ne trompe pas sur l'orientation philosophique et métaphysique érudite du propos. Fil conducteur de cet essai l'architecture sert une réflexion plus vaste sur les notions de renouveau et de décadence qui s'appuie sur de nombreuses références aux théories de l'épanouissement ou du déclin des cultures mettant en cause les utopies et le progrès.

La tonalité du texte (plutôt prémonitoire sur certains aspects) est assez funèbre. Ecrit en 1992, le livre est sans doute à resituer dans le contexte de la dislocation de l'ex-Yougoslavie et de la guerre d'indépendance de la Croatie si tant est qu'on veuille s'expliquer le pessimisme décliniste aux accents prophétiques dont l'auteur s'excuse d'ailleurs à la marge. Car D. Katunaric joint clairement sous la critique sévère adressée au machinisme, au modernisme triomphant et au post-modernisme architectural à laquelle on peut partiellement souscrire, celle des idéologies mortifères du XXe siècle non étrangères aux utopies nées à la Renaissance (chapitre 13. le marxisme et l'ennui du XXe siècle). Quelques notes plus intimes dans cet ensemble : l'évocation de la disparition de son père mort du cobalt dont il conserve la montre ; un baiser furtif dans la cathédrale de Strasbourg comme introduction au vandalisme révolutionnaire ; un amour de l'art où l'on devine son penchant pour l'esthétique baroque, pour l'arabesque et l'ornement qu'il valorise somptueusement par son écriture (chapitre 15. La chute de l'ornement ou la maison de Wittgenstein), ou pour le génie de Gaudi. Cet essai est retraduit et publié aujourd'hui par les éditions M.E.O. de Bruxelles que je remercie vivement de leur envoi pour cette parenthèse de lecture croate, ainsi que babelio.


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Cet ouvrage a bénéficié d'une aide à la traduction du Ministère croate de la Culture. Il se présente en deux parties, "Le destin du divin dans l'architecture du monde moderne" et "La ville du déclin : Venise". La très belle couverture représente le tableau de l'artiste français Robert Delaunay, la Tour Eiffel (1911).

Au début, l'auteur nous confie que le récit de Victor Hugo sur Quasimodo et sur la décadence du Moyen Âge, ayant pour titre "Ceci tuera cela", est le parfait point de départ pour toute réflexion sur l'architecture.

En effet, Victor Hugo estimait l'architecture comme exceptionnelle : "l'alphabet de la culture", "l'art total". Il a d'ailleurs écrit : "Depuis l'origine des choses jusqu'au quinzième siècle de l'ère chrétienne inclusivement, l'architecture est le grand livre de l'humanité, l'expression principale de l'homme dans ses divers états de développement, soit comme force, soit comme intelligence".

Puis, l'auteur pointe son discernement sur le livre imprimé qui a, par la suite, fait régresser toute forme d'architecture. Et selon Hugo, cette détérioration a pour nom la Renaissance. Selon lui, l'imprimerie a fait perdre le côté sacré du livre, comme par exemple, celui de la Parole de Dieu car tout le monde pouvait désormais se la procurer.

Pendant que l'architecture décline, l'imprimerie progresse, des monuments continuent d'être construits mais l'architecture ne sera plus l'art social, ni collectif, ni dominant connu d'avant. Puis, comment a progressé l'architecture avec la modernisation, les temps modernes, la religion, la science, les idéologies ?

De plus, l'auteur continue ses réflexions en citant des écrivains, des philosophes et des utopistes comme Charles de Foucauld qui a dit "Tout est possible à celui qui croit" ; le théologien Ghazzali Abu Hamid ; Spengler ; Weber ; Jean Starobinski ; l'écrivain polonais Bruno Schulz ; Gaudi ; William Morris etc... On peut retrouver les références en notes en bas de pages. On se rend bien compte du grand travail de recherches de l'auteur.

Avec cet ouvrage l'auteur, Drazen Katunaric, fait comprendre aux lecteurs la relation des hommes avec le patrimoine. Ainsi, l'architecture incarne la démonstration physique des pensées et des agissements des hommes.

J'ai bien apprécié cet essai ayant comme fil conducteur l'architecture. Je trouve la démarche de l'auteur intéressante et sa plume poétique est agréable, ce qui me donne d'ailleurs envie de lire ses poèmes. Un ouvrage qui retient l'attention à découvrir !
Lien : http://larubriquedolivia.ove..
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J'ai eu la chance d'obtenir ce livre grâce à la masse critique. Un enorme merci à Babelio.

Ce livre est assez spécial aux premiers abords au vu du langage employé par l'auteur mais c'est justement ce qui fait son charme.

Dans un essai très poétique, l'auteur nous expose le déclin qu'a subit l'architecture notamment à travers les écrits de Victor Hugo qui nous explique que l'architecture représente l'histoire de l'être humain et l'arrivée d'objets tel que les livres pour justement raconter cette histoire a simplement fait mourir l'architecture en tant qu'art social. Vous vous doutez que des monuments et des bâtiments continuent d'être construit évidemment mais cela n'est plus fait dans un but social.

J'aime beaucoup la manière dont l'auteur nous amène à réfléchir à la manière dont la société s'est transformée et ce que cela a implique pour les hommes, pour notre histoire.
Drazen Katunaric nous amène aussi à réfléchir à notre lien en tant qu'être humain envers notre patrimoine. Il met en avant de nombreux auteurs, philosophes qui ont eu une réflexion sur le sujet. C'est agréable de voir les nombreuses recherches que l'auteur a pu faire.

Un livre vraiment superbe pour la réflexion, pour les références. le langage peut faire peur mais une fois dedans, vous adorerez continuer.
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Oeuvre littéraire qui vous promène dans plusieurs villes européennes dont Paris, Venise...
Cet auteur apporte sa vision des choses sur l évolution de notre planète, de nos âmes.
Nous voyageons à travers lui mais surtout côté religieux.

Il a su faire de ses écrits un monde de réflexion pour le lecteur qui le lit. Bravo.

Notre monde change par sa diversité., ses nouvelles, technologies mais est ce un bien pour l Homme ?

J aime bien le côté psychologique de ses écrits mais moi qui suis pas fan de religion, j ai trouvé qu'il en parlait trop.

De part sa couverture, on imagine bien, tout se qui traverse son esprit pour arriver à nous faire prendre conscience et à réfléchir sur de biens lourds sujets.

Je ne serais pas bonne critique cette fois ci car j ai été obnubilé par le côté religieux qui pour moi a pris trop de place pour que je puisse l apprécier.
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Cet essai portant sur l'évolution de l''architecture tente de démontrer que depuis le Moyen Age on constate la disparition de la notion de sacré. En effet l'architecture devient un instrument nécessaire à la construction de lieux à habiter plutôt qu'à vivre de par leurs formes et les matériaux utilisés.
C'est en cela qu'elle relève du déclin car elle n'est plus, comme le disait Victor Hugo, comme le "grand livre de l'humanité"
Essai très intéressant qu'il faut prendre le temps afin d'assimiler la mécanique de l'architecture et comprendre le pourquoi de ce déclin.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Être moderne signifie entretenir un certain rapport au temps. Les juges, sévères et exigeants, qui surveillent l'accès à la modernité, sont des juges éternellement jeunes. Une formule, parmi d'autres, en ouvre les portes. Il faut, comme disent les Anglo-saxons, être YAVIS (young, attractive, verbal, intelligent, successful). Il faut, pour vivre correctement et être en phase avec l'esprit du temps, vouloir rejeter les anciens préjugés. Il faut regarder tout ce qui précède comme mineur, improvisé, retardé, inconscient, immature. Il faut lui trouver comme un air rustique, une sorte de couleur sépia.
"Le mot "moderne" exprime la conscience d'une vie nouvelle, meilleure que l'ancienne, et impose l'exigence d'être à la hauteur de son temps. Pour "l'homme moderne", ne pas être moderne signifie tomber au-dessous du niveau historique existant." *

9 - Modernité - Monde, p. 74

* J. Ortega y Gasset : Pobuna masa, 1988. La Révolte des masses, Stock, 1937
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Les architectes connaissent parfaitement nos désirs nutritionnels, rationnels, sexuels, artistiques, physiques et spirituels, biologiques et inorganiques ; leur devoir est de les convertir en langage binaire, en fonctions d'habitation. Physiologie, péristaltisme, récréation, tout est prévu. Mouvement, sommeil, cuisine, lavage, séchage, s'asseoir, se lever, pivoter autour de son axe. On sait combien de place il nous faut pour chaque mouvement : aujourd'hui, 80 cm suffisent pour entrer par la porte principale, 60 cm seulement pour la salle de bains, alors que, auparavant, il fallait 150 cm. On dirait que nous avons rétréci de moitié depuis le siècle dernier ou que nous avons développé à la perfection l'habileté à nous faufiler avec élégance. A certains endroits, on a économisé jusqu'à un mètre, presque deux coudées au-dessus de la tête. Les plafonds ont baissé de 3,5 m à 2,5 m. C'est la hauteur dont nous avons besoin, autrement dit, nous nous sommes abaissés d'autant.

8 - Cimenttyrannie, (p. 68 - 69)
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L'imprimerie a tué le sacré du livre, sa rareté, son caractère précieux, l'effort de sa fabrication ; par la multiplication mécanique des mots en milliers d'exemplaires, elle a affaibli la puissance de l'original.

1. La face de Quasimodo, p. 11
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Nous ne pouvons plus, comme le faisaient nos ancêtres, parler des centaines et des milliers d'années qui seraient devant nous. Plus aucune année n'est sûre. Il nous suffit d'imaginer l'existence d'un fou, d'un allumeur de mèches, pour que se dessine la perspective de la fin de l'histoire du monde en tant qu'incarnation de la bête apocalyptique.

10. Café "Apokalypsis", (p. 91)
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Ainsi, au fil des siècles, l'homme demeure obsédé, d'une manière ou d'une autre, par le thème de l'inévitable fin du monde. S'il ne s'agit pas d'un enthousiasme prophétique ou d'une science occulte des chiffres sous influence astrale (G. Widengren), le point de départ de la pensée de l'Apocalypse est toujours le déclin du monde ou l'interprétation des indices considérés comme significatifs pour en d'annoncer l'effondrement. Ainsi, à travers la perversion et la décadence de toutes choses, le monde parle et témoigne de ce que nous approchons de notre fin, qu'il n'a plus ni la même force, ni la même vitalité que jadis.
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