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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Outre-Terre, ainsi l'auteur dénomme-t-il ce territoire, grand comme l'Ile de France, donné aux russes à l'issu de la seconde guerre mondiale comme compensation pour les pertes encourues. Appelée Kaliningrad par Staline, cette enclave russe, séparée de la mère patrie par les Pays baltes, se situait en Prusse Orientale. Königsberg en était la ville principale. C'est là que naquit et vécut Kant. C'est sur ce territoire qu'a eu lieu la bataille d'Eylau le 8 février 1807, choc frontal entre deux armées qui laissèrent enfouis dans la boue des milliers de cadavres. Cette terrible bataille qui sombra dans la mémoire nationale marque le début de la fin pour Napoléon. Cet épisode sanglant fut la matrice du Colonel Chabert de Balzac.
Jean-Paul Kauffmann se rend en famille sur le site d'Eylau pour le 200ème anniversaire de la bataille. Il réussit à rendre l'atmosphère post-communiste de Kaliningrad où le passé prussien se mêle subrepticement à la ville russifiée. A ses réflexions lors de ses déambulations dans la ville et sur le champ de bataille, s'ajoutent des descriptions magistrales de la bataille d'Eylau qu'il parvient à faire revivre sous nos yeux. Dans la plaine envahie par la neige et le brouillard s'affrontent deux immenses armées. Napoléon se tient au pied de l'église, seul édifice bâti sur une colline. de son poste d'observation, il assiste impuissant au désastre imminent. Seule la charge héroïque de Murat sauve l'armée française de la catastrophe. L'arrivée tant attendue de Ney permet à l'empereur de remporter la victoire mais à quel prix. En relatant cet épisode charnière de l'histoire napoléonienne, l'auteur rend hommage à tous ces hommes entassés par brouettées entières dans des charniers anonymes, sacrifiés au bon plaisir des puissants, assoiffés de gloire et de puissance.
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Voilà un défi que Jean Paul Kauffmann a relevé avec brio. Emmener sa famille, au mois de février, dans l'exclave russe de Kaliningrad pour commémorer le bicentenaire de la bataille d'Eylau n'est pas un voyage touristique classique. Le titre « Outre terre » résume le pari : terre prussienne séparée de l'Allemagne en 1919 par le corridor de Dantzig, annexée par Staline ne 1945, isolée de la Russie depuis l'écroulement de L'URSS et l'entrée des pays baltes dans l'Union Européenne, le territoire de Kaliningrad (l'ancienne Königsberg, capitale de la Prusse) conjugue les rigueurs climatiques avec le désordre postsoviétique.
La bataille d'Eylau, qui se déroule le 8 février 1807, n'appartient pas au catalogue des grandes batailles napoléoniennes. Elle a failli être perdue par l'empereur et préfigure le déclin de l'empire français. Le combat a été très rude et les pertes importantes.
Dans un cadre géographique et historique peu porteurs, Jean Paul Kauffmann réussit à piquer l'intérêt du lecteur. Le livre n'est ni un roman ni un livre historique, sa réussite tient à sa construction. L'auteur connaît le site, il l'a parcouru quinze auparavant, il effectue une forme de pèlerinage personnel. Il développe son érudition sur la période, les acteurs et la bataille dont il relate le déroulement. Cette commémoration est surprenante : des français font le voyage dans le froid glacial et une région peu attrayante alors que les russes y célèbrent une victoire.
L'auteur resitue l'évènement dans une approche artistique et littéraire. Il analyse le tableau d'Antoine –Jean Gros (qui figure dans l'ouvrage) « Napoléon Ier sur le champ de bataille d'Eylau" exposé au musée du Louvre. Balzac lui fournit la référence à un ouvrage célèbre, « le colonel Chabert », dont la destinée a des similitudes avec le passé de Jean Paul Kauffmann. L'auteur en saisit le destin commun. L'humanité sourd de ce livre qui pourrait se « limiter » à être savant. Car Jean Paul Kauffmann exprime ses impressions personnelles, il expose avec naturel les remarques bienveillantes de sa famille. Il est conscient que ses proches ont accepté un voyage insolite.
L'alternance entre la restitution de la bataille, les références culturelles, le récit des rencontres et le vécu de l'auteur constitue le socle de ce livre original et intéressant.
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Eylau est le nom d'une de ces batailles livrées par Napoléon contre ses adversaires européens, en l'occurrence l'alliance russo-prussienne en février 1807. Bataille considérée comme victorieuse par les deux camps malgré des milliers de morts de part et d'autre, en tout cas une victoire à la Pyrrhus pour Napoléon, une "boucherie" selon certains généraux. Eylau, maintenant, se nomme Bagrationovsk ; c'est une petite ville située dans l'enclave russe de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie. Preuve que les Russes estiment que la bataille d'Eylau se termina à leur avantage, ils organisèrent en février 2007 une reconstitution commémorative sur les lieux mêmes de l'affrontement. Kauffmann, fervent admirateur de Napoléon et qui avait déjà publié un récit de voyage dans une région proche ("Courlande"), ne pouvait pas manquer ce petit événement. Ce livre est la narration des quelques jours passés avec femme, (grands) enfants et interprète – Julia, qui se parfume avec Mitsouko de Guerlain et qui sait marcher sur le sol enneigé avec des talons aiguilles – dans ce pays où "hiver" et "neige", précisément, ne sont pas des mots vides de sens ; c'est aussi le journal de la bataille, minute par minute pourrait-on dire, autant que le permettent les archives. Au total, c'est une longue et passionnante dissertation à partir de sources historiques, pas toutes concordantes, iconographiques, littéraires, où reviennent comme des leitmotive le tableau du baron Gros (singulièrement l'église et le cimetière en arrière-plan, objets d'une quête obsessionnelle de l'auteur) et le roman De Balzac "Le Colonel Chabert", soldat revenu d'entre les morts comme lui, Jean-Paul Kauffmann, a réintégré la société des hommes après trois années de captivité au Liban.
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J'ai adoré ce livre entre récit de voyage, récit historique, découverte, analyse de la bataille d'Eylau,...
Un personnage est présent tout au long de ce récit; inévitable, fantôme de ce temps oublié, c'est le Colonel Chabert. Ce personnage de la littérature plane au-dessus de chaque page. S'agit-il du Colonel Chabert, mort à Eylau ou d'un autre revenu lui aussi de nulle part ?
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jean-Paul Kauffmann n'a pas fini de nous surprendre. Encore un sujet atypique qui associe un voyage à Kaliningrad (voyage qui serait difficile de faire aujourd'hui) et un retour mémoriel vers la bataille d'Eylau, qui fut la plus sanglante victoire de Napoléon. D'Eylau, nous nous souvenons essentiellement de la toile d'Antoine-Jean Gros, qui est au Louvre. Sinon, elle est un peu oubliée. Pas loin de 20000 morts en une seule bataille, c'était colossal pour ce siècle qui ne connaissait ni l'artillerie lourde, ni les mitrailleuses, ni les tanks... Un livre magnifique.
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"Se souvenir ne consiste pas à battre le rappel incessant du passé, mais à éliminer, en tout cas à opérer un choix, pour que la trace affective soit plus nette." (278)

De nouveau immergé en terre incertaine, Jean-Paul Kauffmann maîtrise le flou en Russie avec plus d'habileté qu'en Courlande. Il est moins volatile. La "gravité atmosphérique" de Kaliningrad, peut-être, qui ancre les mots dans la neige. Ou le sujet lui-même qui se prête à la lourdeur même s'il s'inscrit dans un de ces "lieux qui n'entretiennent aucune illusion" que Jean-Paul Kauffmann affectionne. J'étais curieuse de découvrir comment il allait s'y prendre pour m'intéresser, m'enchanter avec pour point de départ Napoléon Bonaparte et la bataille d'Eylau – évocations mornement rébarbatives en mon esprit.

"Malgré toutes les phosphorescences du souvenir et les ensorcellements de la littérature, l'articulation entre le passé et le présent restera toujours une illusion. On peut inventer des images, en combiner de nouvelles, l'emboîtement de l'imagination à ce qui fut ne s'ajustera jamais vraiment." (92)

Je crois que la magie de ses écrits est fille de son grand esprit de synthèse, de mise en relation. de faits en images, de perceptions en connaissances, il crée un réseau de sens. Il sait tout à la fois suivre ses folies et construire des analyses en maintenant les deux en leur juste équilibre, ce qui est un tour de force. S'en dégage une place, où que l'on soit dans le monde, où se tenir sur ses pieds la colonne vertébrale droite et le regard conscient. En homme qui est allé au-delà de son identité, il tire de son environnement un faisceau d'existence.

"J'ai mis longtemps à comprendre que le passé n'était pas un refuge. Il ne me console aucunement de la médiocrité d'aujourd'hui. C'est la mise en absence qui m'émeut, le signe irrémédiable qu'il manquera toujours quelque chose. Seuls des personnages de roman comme le colonel Chabert parviennent à combler le vide." (122)

Et bien soit, allons voir Chabert maintenant !


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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« J'ai un faible – plus qu'un faible -, une complaisance pour les lieux qui n'entretiennent aucune illusion. Aller voir quand il n'y a rien à voir. »
Depuis des années Jean-Paul Kauffmann cultive ce goût pour le « nulle part » : les îles de Kerguelen, Longwood, la Marne. Il se glisse dans les failles, les paysages ingrats, les « lieux de désolation », dont la fréquentation lui inspire des textes remarquables, mais qui requièrent de la part du lecteur cette même faculté de dissolution de soi.

On le sait et il le répète lui-même, Jean-Paul Kauffmann a été otage au Liban pendant trois ans. Cette « confiscation de son existence » explique son attrait pour les lieux porteurs d'imaginaire.

C'est avec toute sa famille, comme pour en éprouver la cohésion, que Jean-Paul Kauffmann débarque le 7 février 2007 à Kaliningrad, sur les lieux de la bataille d'Eylau dont on célèbre les deux cents ans par une grande reconstitution historique.

Eylau c'est un « coin perdu de la Russie » que Kauffmann avait déjà découvert en 1991 avant la chute de l'URSS et qui appartenait alors à la Prusse-Orientale. C'est une « Outre-Terre », une enclave, un pays étrange.

Le nom même d'Eylau aux sonorités mélancoliques suffit à susciter la rêverie.

C'est donc en mini-bus, à pied et accompagnée de Julia l'interprète sophistiquée que la tribu Kauffmann découvre ces lieux avec plus ou moins d'enthousiasme. Les vitres sont couvertes de buée, les pieds glacés et le brouillard givrant.

Kauffmann décrit longuement et parfois de manière fastidieuse la bataille d'Eylau qui fut « le premier grand accident du règne de Napoléon, la fracture occulte de l 'Empire, l'entaille secrète », « un épisode souvent escamoté des manuels d'histoire. »
« Eylau me donne la chair de poule. Quelque chose va finir, un autre âge commence. »

Mais Eylau c'est aussi le « Colonel Chabert » de Balzac qui raconte le retour du héros donné pour mort lors de la bataille, un peu comme Kauffmann lui-même qui s'est longtemps senti comme « une personne déplacée » et qui se déclare « hanté par les maladies du souvenir, l'effacement, la radiation. »

Eylau c'est encore la peinture du baron Gros sur laquelle Kauffmann rêvait enfant.

Ce voyage est pour lui « un acte de fidélité à l'enfance. Une manifestation de loyauté envers la vignette de Gros présente dans mon Larousse (…) Envers Chabert. »

Toutes ces lectures possibles font de « Outre-Terre » un texte riche et douloureux qui mêle l'Histoire et l'histoire de soi.


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La bataille d'Eylau en 1807 a été terriblement sanglante. Pour Jean-Paul Kauffmann, cette hécatombe vient en prélude aux tragédies que va connaître l'Europe. L'ancien otage au Liban a-t-il quelque chose à voir avec le colonel Chabert, revenu vivant de cette bataille quand tous le croyaient mort?. Dans les méandres de la conscience humaine et de la mémoire si souvent infidèle, l'auteur se fait conteur, tantôt docte ou amusant . Quel agréable compagnon de voyage !
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200 ans après la bataille, retour de l'auteur à Eylau, voyage dans le temps et dans l'espace.
L'occasion ici de revivre l'événement, pour autant que c'est possible, car, qu'en reste-t-il sinon les écrits de quelques survivants et une plaine glaciale autrefois prussienne, désormais russe.
J'ai du mal à comprendre l'admiration implicite de l'auteur pour Napoléon, vu l'humanité qu'il exprime vis à vis des humbles qui y ont laissé leur vie (voir la citation)
Comme le colonel Chabert qui hante toutes ces pages, Kauffmann est lui aussi un revenant du royaume des ombres.
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