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EAN : 9782264020543
298 pages
10-18 (06/01/1999)
3.95/5   29 notes
Résumé :

Résumé : L'histoire des Saint-Charles s'étend sur plus d'un demi-siècle : c'est celle d'une famille anglo-irlandaise, noble mais ruinée, et de son refus de prendre en compte les réalités de la vie, tout particulièrement la nature de l'argent et de la sexualité.
La narratrice, Aroon Saint-Charles, est la fille de la maison; mal aimée par sa mère, éperdue d'admiration pour son père, elle ne se marie pas. Elle passera toute sa vie à Temple Alice, où les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Amère, directive, catégorique et imbue d'elle-même, voilà les qualificatifs qui ressortent des premières assertions de notre narratrice, mademoiselle Aroon. Suite au décès subit de sa mère et aux reproches cinglants de Rose, elle affirme qu'elle a toujours agi au mieux envers tous ceux qu'elle aimait mais force est de constater que le bonheur leur échappait. Son regard se porte alors en arrière, fouillant le passé si intact dans sa mémoire, pour y déceler les causes des malheurs inhérents aux Saint Charles. Ce retour vers l'enfance d'Aroon ne peut qu'indubitablement excuser son attitude dans ce premier chapitre.

Dans la propriété sans aucun confort de Temple Alice, le couple des St Charles maîtrise parfaitement l'art d'esquiver les responsabilités. La mère s'adonne à sa passion du jardinage et s'isole dans un petit studio pour y peindre immanquablement des horreurs tandis que le père chasse, pêche ou part sur les champs de courses. Entre les lignes, comme pour ironiser sur la préservation des bonnes manières, unique préoccupation de cette famille de la noblesse irlandaise, Molly Keane arrive splendidement à faire comprendre au lecteur que le Major ne se prive pas de faire le joli coeur en chemin. Les enfants, Aroon et Hubert, sont oubliés dans la nursery et madame leur accorde un désintérêt poussé à son paroxysme.
Dans ce noble univers, les garçons ne versent pas de larmes mais doivent s'occuper activement de leurs poneys tout en s'ébattant avec les chiens de chasse dans la campagne. Les effusions sont signes de faiblesse et tout est suggéré plutôt qu'enseigné. Surtout pas de sentimentalité ; les sentiments sont inexprimés et les remerciements magistralement inexistants. Seuls les chiens ont droit à quelques caresses et à de l'attention.

Aroon éveille alors notre pitié avec sa triste volonté de plaire, de faire bonne impression, avec son terrible besoin de gratitude, de reconnaissance. Les rares paroles que la mère adresse à sa fille sont inévitablement noircies d'ironie cinglante, voire de cruauté. Ses remarques sifflent odieusement aux oreilles d'Aroon en la rabaissant, la dénigrant, lui rappelant sans cesse qu'elle est trop grande, trop lourde avec un trop grand appétit, trop couarde. Son père qu'elle perçoit pourtant comme un allié, le seul qui peut parfois faire preuve d'une once de compréhension, l'écarte aussi bien souvent et l'humilie gentiment avec son sentiment de pitié.

Dans cette famille, on s'aperçoit bien vite que notre narratrice n'a eu finalement que sa solitude, ses détresses, son attachement pathétique pour son père. Même le bonheur qu'elle goûte pleinement, l'espace d'un temps de complicité avec son père et son frère puis avec son frère et son ami Richard sont malheureusement emplis de moqueries et de duperies sous-jacentes que l'auteure nous évoque encore une fois en sous-entendus évocateurs. Et pourtant, elle était alors trop heureuse d'être acceptée et, pense-t-elle, enfin aimée. Avec sa gouvernante aussi, elle sent un semblant d'amour et de confiance qui alimente son espoir de ne plus être sans cesse reléguée au second plan.
Sa grande naïveté étend un voile opaque sur tout ce qui l'entoure, sur les véritables comportements du père notamment, sur l'agonie financière qui se fait de plus en plus pressante. Et Aroon se sentira finalement éternellement délaissée et nous dira de façon poignante « C'est uniquement quand j'étais seule que je pouvais me sentir petite et aimée. » À Temple Alice, les seuls chants d'amour seront ceux des merles au printemps.

Chez les Saint Charles, les bonnes manières nappent de leur ombre tentaculaire tous les sentiments, ceux d'amour, de reconnaissance, de peurs, de souffrances, de chagrins, même au plus près d'un deuil. Rien ne doit transparaître de leur absence de bonheur, de leur décrépitude, de leurs infidélités et des factures délibérément ignorées dans un tiroir.

L'écriture de Molly Keane est superbe et ce que j'ai terriblement apprécié est son extraordinaire capacité à faire saisir au lecteur tout se qui se trame dans les coulisses de ce nom de la noblesse sans jamais l'écrire explicitement. le lecteur se trouve alors aux premières loges pour comprendre, bien mieux que la pauvre Aroon, tout ce qui se cache derrière les rideaux poussiéreux de cette maison en perdition. L'auteure, avec un talent fou, se moque de ce mot d'ordre des Saint Charles : en toutes circonstances, pas de manquements aux bonnes manières ! Pour n'y jamais déroger, ils gâchent pitoyablement leurs vies.

La fin, absolument surprenante, clôture magistralement cet excellent roman qui va me pousser à explorer plus avant l'oeuvre de cette talentueuse auteure irlandaise.
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Délicieux, à la fois tendre et paradoxalement plein d'ironie, ce roman des années 1980 emporte le lecteur dans le quotidien d'une famille bientôt désargentée. Leur chute est vue – ou plutôt obstinément niée – par la fille, alors enfant puis adolescente et finalement vieille fille. Aroon est ridicule mais aussi attachante derrière son besoin désespéré d'amour et d'attention, d'espoir et de gentillesse. Ce livre est un régal de mordant et de sentiments, entre Jane Austen et Oscar Wilde (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/07/28/les-st-charles-molly-keane/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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+++ Lu en VO +++

Un livre à l'ouverture surprenante puisque la narratrice Aroon, concocte affectueusement, du moins nous le pensons, un repas pour sa vieille mère invalide et alitée. Ce repas va l'envoyer ad patres en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Un crime parfait.
Après ce premier chapitre fracassant Aroon va raconter le cheminement de vie qui l'a amenée à ce geste, à ce crime parfait. Une enfant délaissée par ses parents, méprisée et souvent moquée par sa mère, un père occupé par la chasse et les femmes, un frère plus jeune qui est le favori. Ajoutez à cela un physique plutôt ingrat et la jeune Aroon a bien du mal à avoir confiance en elle et à s'aimer.
Mais ce qui est le plus intéressant dans ce roman, c'est que Aroon voit tous les dysfonctionnements de cette famille, qu'elle nous les raconte, mais qu'elle ne comprend en vérité rien de ce qui se passe. Alors fausse naïveté ou véritable candeur, on ne sait pas. le doute plane jusqu'à la fin.

Dans la famille d'Aroon, chez les Saint Charles, on et dans le déni le plus total de tout : des dettes accumulées, des rapports que le père entretient avec les domestiques féminines et qui ont parfois des conséquences dramatiques, du monde qui change autour d'eux et qu'ils refusent d'admettre, de l'homosexualité du fils, et de bien d'autres choses encore. Une seule chose compte vraiment, sauver la face, savoir se tenir quoi qu'il advienne.

Aroon est tantôt la victime de cet état de fait, tantôt elle y participe, et cela donne lieu à des scènes cocasses ou émouvantes selon les circonstances. Dans cette famille toutes les apparences restent trompeuses, jusqu'à la fin, ou plutôt au début.

Un très bon roman, incroyablement bien fait. Cette façon qu'a la narratrice de nous faire deviner tout ce qui est profondément dysfonctionnel dans cette famille, sans y rien comprendre elle-même est une petite prouesse littéraire. Les personnages sont intéressants, souvent complexes, en particulier la narratrice, ses parents et aussi la préceptrice des enfants, la seule qui soit en prise directe avec le monde. Une très bonne découverte, Molly Keane, à poursuivre.
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J'ai commencé ce livre sans savoir de quoi il s'agissait, et très peu engagée à le lire du fait de la couverture : un tableau de Meredith Frampton, Portrait of a young Woman ― laquelle jeune femme a l'air pincé, méprisant, coincé.
Bref, j'ai quand même ouvert ce livre, parce que j'étais en vacances à l'étranger, voir Ellen versus Warriors https://www.gabrielle-dubois.com/2019/08/26/ellen-versus-warriors-par-gabrielle-dubois/ et que c'était le seul des livres que j'avais emportés qu'il me restait à lire ! Je dois dire que les premières pages m'ont rebutée ― aucun d'eux n'est sympathique, empathique ou aimable. Ils sont méprisants, suffisants, bornés, inintéressants et je n'avais qu'une seule envie : refermer la porte de leur maison dans laquelle j'étais entrée pour les laisser entre eux, et ne plus jamais les revoir ! Mais quand on n'a qu'un seul livre à livre et qu'on adore lire…. On continue !

Pourtant, on n'aime pas ces personnages vils, imbus de leur personne, qui ne savent pas où ils vont et ne cherchent pas à le savoir ; des personnages qui ne supportent pas le bonheur des autres parce qu'ils sont incapables de faire le leur, qui espère que les autres soient malheureux pour qu'ils s'engluent à leur mal-être :
« J'eus la satisfaction de savoir qu'elle était moins heureuse et donc que j'avais plus d'importance. »

Puis, au fur et à mesure de la lecture, comme c'est bien fait et bien écrit, on finit par se laisser aller, bien que les personnages restent encrotté dans leur misérabilisme inactif :
« La raison pour laquelle je me plaît au désastre des autres, c'est parce qu'ils suscitent ma compréhension et ma sympathie comme ne le font jamais leurs réussites. »

Le père de l'héroïne se trouve immobilisé au lit, elle s'occupe de lui. Alors on pense : Ah ! Enfin un peu d'altruisme ! Mais elle pense :
« Tous les jours mon coeur était plus calme et réconforté grâce à l'importance que j'avais prise. »

La mère de l'héroïne doit faire des économie, soit, c'est louable. Sauf quand : « son objectif final était la pénitence pour tous. Elle voulait que tout le monde souffrît. »

Et cette pauvre héroïne que sa mère et elle-même trouvent trop grande et trop grosse. Toujours dans ses mesures d'économie, ― après avoir jeté l'argent par les fenêtres toute sa vie et sans jamais avoir eu aucune idée ni de la valeur de l'argent ni du prix de quoi que ce soit ― la mère décide de ne presque plus chauffer la maison. Je vous signale que l'histoire se passe en Irlande, pays que j'adore mais dont les hivers sont comment dire… humides et frais ! 😊 Aroon, la narratrice, tente de se rebiffer contre sa mère, mais : « À la façon dont ma mère me regardait, je devinais qu'elle mourait d'envie d'ajouter : les gros ne sentent pas le froid. »

Oui, la jeune Aroon a eu des parents qui n'auraient jamais dû être des parents. Oui, elle a un physique qui ne correspond pas aux critères de beauté de son temps. Oui, elle n'a pas été aimée.
Mais elle a ce que nous tous avons : le choix !
Alors qu'elle finit par pouvoir faire le bon choix pour elle : prendre sa liberté ; à mon avis, elle fait le mauvais : maintenir cet idéal idiot de bonne conduite qu'il en coûte sa dignité ou son bonheur :
"Nous avons gardé la tête au-dessus du murmure, étouffés en criant de désespoir seulement par l'exercice de la bonne conduite."

Pour moi, ce choix-là est un renoncement à la vie par faiblesse. Et j'ai beaucoup de mal à accepter un tel comportement, je vais vous dire pourquoi :
Une personne qui se refuse à voir la réalité en face et à affronter sa vie ne fait pas que se rendre malheureuse elle-même. Elle met aussi dans la souffrance les personnes autour d'elle. Soit on, par amour, on se sent obligé de l'aider à gérer sa vie, soit la façon qu'elle a de gérer sa vie impacte négativement sur son entourage.
Donc, non, définitivement, non, je n'ai pas aimé les personnages de Molly Keane, dont la jeune Aroon. Je n'ai du plaisir qu'à lire des histoires, vraies ou de fiction, sur des personnages qui s'élèvent et m'élèvent avec eux.

Alors, pourquoi ai-je finalement et malgré tout aimé ce livre ? La faute en revient au grand écrivain Molly Keane : son écriture est une merveille de subtilités distillées, de réflexions en apparence anodines mais qui en disent si long. Ah ! Si seulement l'éditeur français avait gardé le titre original Good Behaviour ! On aurait tout de suite su à quoi s'en tenir !
Et quand je vous dirai que c'est très facile à lire, vous n'aurez plus aucune excuse pour ne pas lire ce livre !©
Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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Je connaissais déjà Molly Keane à travers son magnifique roman Et La vague les emporta. J'aime son style, ses intrigues, ses personnages. Elle critique la bonne société anglaise et irlandaise du début du 20ème siècle avec beaucoup d'objectivité et de cruauté. Dans son roman Les St. Charles, elle ne déroge pas à la règle.

Elle situe son roman en Irlande, dans une famille noble, les St. Charles. La famille occupe une vaste maison où les domestiques s'activent toute la journée. le père est major dans l'armée. Il passe son temps à cheval pour chasser, pour parier. La mère est quand à elle toujours occupée par son jardin ou ses horribles peintures. Il y a enfin les deux enfants: Hubert et Aroon, la fille de la maison.

Aroon est la narratrice du roman. Elle apparaît comme une jeune femme peu sûre d'elle, renfermée, timide. En outre, elle est ronde, reproche à demi-voilé répété inlassablement par sa mère qui la condamne d'office à rester vieille fille. Comment s'affirmer dans cette famille avec un père plus préoccupé par ses chevaux que par sa femme et un fils beau, intelligent, ambitieux?

A travers ce roman, Molly Keane peint le quotidien d'une famille noble mais complètement désargentée et au bord de la ruine. Seule Aroon semble prendre conscience de la décrépitude qui guette sa famille. Ses parents font comme si de rien n'était: bals, dépenses fastueuses, gages des domestiques, rien n'arrête leur train de vie. Sa mère passe son temps à cacher les factures dans un tiroir pour ne pas voir la réalité des choses. La guerre de 14-18 va alors tout changer. le père d'Aroon est mobilisé et reviendra avec une jambe amputée. le faste de la famille semble alors s'écrouler.

J'aime particulièrement la façon dont Molly Keane dépeint l'envers du décor. Sous le vernis des bonnes manières, il y a la tromperie, le mépris, le déni. Et que dire des sentiments qui doivent être tus en toute circonstance? Dans la famille d'Aroon, il est malvenu de montrer son chagrin et ses larmes. Quand Aroon apprend le décès de son frère, les seuls mots de son père qui lit le télégramme seront: "je crois qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle". Aucun mot, aucune geste ne viendra réconforter Aroon. Seules les apparences comptent. Et que dire de cette mère volatile, à côté de la plaque qui méprise profondément sa fille, qui se réjouit de l'infidélité de son mari et qui préfère parler à ses plantes?

Aroon va alors se construire une vie, s'inventer des amours et un avenir. Sa candeur, ses espoirs m'ont profondément émue car au fond, le lecteur sait parfaitement qu'elle se leurre et qu'elle finira seule, comme ses parents l'ont décidé. C'est un personnage fragile qui va se révéler au fil des pages. Si son innocence et sa méconnaissance des choses de la vie peuvent faire sourire, elle n'apparaît pas moins comme une femme qui va gagner son indépendance et sa liberté.

A travers ce roman, Molly Keane dépeint le destin d'une famille sur le déclin: magnifique, magistral.
Lien : http://carolivre.wordpress.c..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Dans l'entrée glaciale, grande créature au chagrin sans bornes, je me fis peur. J'ôtais mes souliers avant de monter. Pas à pas, silencieuse, je passai furtivement devant la porte de Maman. Au-dessus de ma tête, le dôme en forme de citron moulait à la perfection l'air hivernal, comme il avait moulé la lumière et l'haleine des soirs d'été. Dans ce creux de froid et de vérité, je renonçais à mes rêves, leur cœur de vérité, leurs ailes d'espoir se recroquevillant jusqu'à l'absurdité ; je savais que je resterais ainsi à jamais, inchangée, fille véritablement mal aimée.
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– Madame est bien mieux où elle est. Elle était fatiguée de vous ; fatiguée à mourir. C’est bien qu’elle soit morte. Vous nous tuez tous, et c’est dommage que vous ne soyez pas étendue à sa place, déja toute raide pour la tombe. On n’entendrait plsu parler de vous, Dieu vous maudisse !
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La raison pour laquelle je me plaît au désastre des autres, c’est parce qu’ils suscitent ma compréhension et ma sympathie comme ne le font jamais leurs réussites.
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J’eus la satisfaction de savoir qu’elle était moins heureuse et donc que j’avais plus d’importance.
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