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3,47

sur 940 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'ai un avis mitigé sur ce livre.
D'un côté, j'ai été séduite par l'originalité du sujet. Raconter la construction d'un grand ouvrage d'art, montrer la complexité technique et humaine d'une telle entreprise, c'est un objectif inédit pour un roman, ambitieux, et traditionnellement peu féminin. Mais Maylis de Kérandal réussit son pari : elle arrive à nous en donner une vision qui ne manque ni de force, ni de justesse, ni d'intérêt, ni de poésie parfois. Cela vient de son écriture étrange, fascinante, audacieuse. Elle a une façon étonnante d'associer des mots qui ne vont pas ensemble (« une terre déserte baignée de nuit à engelures… »), d'alterner des phrases lapidaires (« Silence ») avec des phrases interminables entrecoupées d'un labyrinthe de parenthèses, d'oser des comparaisons inattendues (« laïc comme un cocotier »)… Bref, un style rocailleux et inimitable, qui sait rendre les mouvements de masse et la complexité titanesque de l'oeuvre architecturale qui sort peu à peu de terre.
J'aime assez, aussi, la découverte progressive des personnages et de leurs relations brutales et improbables, les imbrications multiples des difficultés rencontrées sur le chantier : les grèves, les accidents, les aléas climatiques…, et la force symbolique du pont.
J'aime surtout beaucoup l'ironie latente qui filtre lorsque l'auteur s'amuse des préoccupations des écologistes, des ambitions du Boa, de l'état des avions d'Aéroflot, ou de la démesure des réalisations urbaines à Dubaï, par exemple. L'ironie transparaît dans les raccourcis et les ellipses : « Mineur car père et mère mineurs, mineur parce que rien d'autre… ». Elle perce dans les interventions inattendues de la narratrice (« Personne ne sait, sauf moi… »). Elle est perceptible aussi quand des expressions argotiques ou familières surgissent tout à coup au milieu d'une phrase au niveau de langue très soutenu (« Ils misaient sur l'ébriété pour avoir des idées de business puisque, putain, ils y étaient, dans la place ») : on passe sans crier gare, et de façon humoristique, du récit objectif aux pensées personnelles et au vocabulaire prosaïque d'un des personnages.

Mais, d'un autre côté, une irritation sourde m'a accompagnée pendant toute ma lecture. Difficile de la résumer en peu de mots. Elle tient à plusieurs éléments sans doute :
D'abord, c'est un livre difficile à lire (même pour les francophones, je rassure les non francophones !!) Il est agaçant de devoir relire 3 fois une phrase pour en saisir le sens ! La multiplication des phrases sans verbe, la suppression systématique des signes de ponctuation propres aux dialogues (ils ont été inventés pour faciliter la compréhension, non ?), tout ceci rend la lecture harassante. Pourquoi supprimer, aussi, les virgules et les pronoms personnels sujets ? N'est-ce pas créer volontairement de l'obscurité ? Que signifie, par exemple, une phrase comme : « La nuit sort dans les rues, marche ou se faufile… » ??? Pourquoi passer soudain du présent de narration au futur ou au passé simple ? Et je ne parle pas de mots tellement pédants qu'ils en deviennent risibles : les roses sont « immarcescibles », les femmes « callipyges », et Diderot est « dipsomane » ! le lecteur se sent pris en faute : je ne dois pas être assez cultivé… pas assez intelligent… !
Et puis, à part quelques anecdotes qui accrochent (l'histoire de Soren par exemple), le roman manque d'intrigue, on éprouve par moment de la lassitude, de l'ennui, il faut s'accrocher pour ne pas poser le livre. Il est décevant, par exemple, à mon goût, que le principal protagoniste, le chef du chantier Georges Diderot (en voilà un nom ironique pour quelqu'un qui n'a rien d'un philosophe !) ne tienne finalement que peu de place dans le récit, son aventure avec Katherine paraissant finalement dérisoire, alors que l'auteure en avait fait un portrait très riche dans le 1er chapitre, et qu'on attendait donc davantage. de même, je trouve que les problématiques des Indiens ou des conflits sociaux ne sont qu'à peine effleurées, c'est dommage, alors que plusieurs chapitres s'égarent dans du « hors sujet »… J'imagine un Zola traitant le thème de ce livre, comment il aurait décrit l'épopée grandiose de la construction de ce pont, comment il en aurait souligné magistralement la symbolique, comment il nous aurait fait palpiter des drames individuels autant que sociaux…

Mais soyons juste. Si je compare Maylis de Kérangal à Zola, c'est déjà bon signe ! Signe que nous sommes dans la cour des grands ! de ceux qui marquent leur époque !
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Coca, ville (imaginaire) californienne de peu d'importance, écrasée par San Francisco, sa célèbre voisine. A sa tête, l'ambitieux John Johnson, dit le Boa. Après un voyage à Dubaï, pays de la démesure, chantier permanent, l'édile rêve en grand. Il veut sortir sa ville de l'ombre, montrer à la face du monde que Coca a de l'envergure. Pour cela, il lui faut un projet à la hauteur de sa mégalomanie. Ce sera un pont suspendu. Ouvrage d'art, monstre fabuleux, preuve indéniable de sa capacité à emmener la ville vers la gloire. Dès l'annonce de ce chantier colossal, entreprises du BTP, ouvriers spécialisés et simples manoeuvres convergent vers Coca, tous réunis par un même but : construire un pont.

En lisant pour la première fois Maylis de Kerangal, on ne peut qu'être ébloui par son écriture incisive, nerveuse, parfois lyrique et par sa capacité à camper ses personnages en quelques phrases qui nous les rendent familiers instantanément. Mais si ce style si particulier fait des merveilles quand il s'agit d'évoquer les greffes d'organes (Réparer les vivants), il est moins évident lorsqu'elle parle de la construction d'un pont. Alors que l'on vibrait avec les malades, les médecins, les parents du donneur, on s'ennuie un peu avec les bétonneurs, les grutiers, les ouvriers. Et surtout, on a l'impression de lire le même livre ! Thème et enjeux différents, style et constructions du récit identiques. D'où une légère déception. L'auteure ne se renouvelle pas, applique le même schéma, utilise les mêmes ficelles. Cela reste un bon livre mais cela ne donne pas envie d'explorer plus avant son oeuvre. Dommage.
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Maylis de Kerangal imagine la construction d'un pont gigantesque dans une ville fictive des Etats - Unis , en 2007 . de tous les coins du monde arrivent des hommes et des femmes en quête de travail , ceux qui veulent participer à cette grande aventure , tous les métiers de la construction , cela va du chef de chantier , à la jeune ingénieur française qui sera responsable du béton au grutier jusqu'aux ouvriers du bâtiment mais aussi les cuisiniers , les prostituées , les dentistes ,les coiffeurs , les opérateurs mobiles ..... , enfin tous ceux qui gravitent autour de cet évènement exceptionnel .
Nous rencontrons Diderot , Katherine , Diamentis , John Johnson dit le Boa, Shakira . L'auteur fait une critique du monde actuel où règne la mégalomanie , l'appât du gain , où la nidification des oiseaux est plus importante que le sort des minorités indiennes , où on est bien obligé de penser à l' 'écologie pour se faire bien voir , Coca jumelée avec Dubaï , devient Coca ville verte , productrice de Bio - Ethanol .
Ce livre est un puzzle , toutes les pièces finissent par s'imbriquer l'une dans l'autre , mais un puzzle ardu .
Une écriture déroutante , une lecture difficile mais qui a une certaine magie tout de même . , une auteur que je lirai encore .
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Nous pouvons tous imaginer ce qu'il faut pour faire un pont.
Il faut un projet, une volonté publique.
Il faut toute une palette de corps de métiers : des architectes, des ingénieurs, des géologues, des grutiers, des ouvriers spécialistes des différents domaines de la construction.
Tout cela, nous le concevons facilement.
Maylis de Kerangal nous emmène plus loin : elle nous emmène voir l'envers du décor et, derrière les fonctions, nous montre les hommes.

Les préparatifs et la volonté des uns et des autres de faire partie de ce chantier qui s'annonce hors norme. La construction durant laquelle chacun s'active comme dans une immense ruche. Les difficultés qui ne manquent pas de survenir.
Eh oui, construire un pont est bien plus complexe que ce que l'on imagine de prime abord.

L'idée de départ est séduisante et de plus, j'ai aimé retrouver dans cette lecture le style que j'apprécie, ces longues phrases rythmées et animées d'un souffle puissant.
Mais certains aspects du roman m'ont déçue.
Certains personnages sont seulement esquissés alors que j'aurais aimé les voir plus fouillés ; certaines réflexions, pertinentes au demeurant, ne sont qu'amorcées alors que j'aurais aimé qu'elles soient plus poussées.
Tout ceci fait que cette lecture m'a laissé un goût d'inachevé, et ne m'a pas autant régalée que d'autres titres de l'auteur, dont le meilleur parmi ceux que j'ai lus à ce jour reste Réparer les vivants, nettement plus intense et prenant.

Malgré cette petite déception, Naissance d'un pont n'est pas dénué d'intérêt. Je ne regarderai plus un pont, ou plus généralement un grand ouvrage, de la même façon : je ne me contenterai plus d'admirer la technique ou l'esthétique de la construction, j'aurai une pensée pour tous ceux qui en ont permis la réalisation.
Je penserai que derrière les professionnels qui ont oeuvré sur le chantier il y avait des êtres humains.
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Le roman raconte l'histoire de la construction d'un pont suspendu dans la ville de Coca. Nous avons d'abord Diderot, le chef du chantier, qui est agressé par Jacob, qui travaille dans la réserve d'Indiens de l'autre côté de la ville. Il est secouru par Catherine Thoreau, avec qui il a une aventure, bien qu'elle soit mariée. Un groupe terroriste fait chanter Soren Cry, qui a tué sa précédente petite amie en l'enfermant dans leur maison avec un ours. Il tente de saboter le pont aux explosifs mais échoue et on le retrouve mort. Histoire de Sanche, le grutier, qui refuse de parler à ses parents et a une liaison avec la belle Shakira, venue se perdre à Coca, Russe mystérieuse, de Summer Diamantis, la spécialiste du béton qui en allant se promener de l'autre côté, retrouve l'agresseur qui a blessé Diderot, à qui il donne une simple accolade ; des cascadeurs qui se jettent dans le vide et, surpris par Diderot, se font licencier. de la grève sur le chantier résolue par Diderot tout seul, de son statut particulier, de la ville de Coca enfin, son histoire, son maire John Johnson dit le "boa ».
Roman polyphonique au style indirect très libre, avec changement de focalisation, voire focalisation incertaine. du coup, mélange des styles de registres de langue mais on y gagne en légèreté et rapidité. Moins de conjonction, pas de dialogue. L'onomastique est difficile à déchiffrer : Diderot et Thoreau (rencontre des lumières et de la wilderness?), John Johnson (la politique pléonasmitique, redondante et creuse?) Shakira (la femme russe, blonde, mondialisée?) le rêve américain du roman est devenu cosmopolite mais aussi cupide : amasser un maximum d'argent d'où qu'il vienne.
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Coca, quelque part en Amérique du Sud. Un futur projet pharaonique, un pont voulu par le maire de la ville, pour flatter son image va se construire.

Une flopée de personnages vont converger vers ce chantier, des quatre coins du monde. Ils fuient pour certains, ils veulent se mettre en danger pour d'autres ou encore se prouver qu'ils sont grands et puissants. Beaucoup d'adrénaline dans ce livre. L'ambiance est brute, macho, même les femmes présentes sont des rocs.

Ce roman est une aventure de pionniers dans un pays capitaliste qui laisse à la marge les indiens de la forêt primaire toute proche.

Mais tous n'y trouveront pas leur compte dans ce chantier colossal. Des passés refont surface, des changements de vie se dessinent. Ce pont qui relie, va diviser, ou unir ou aimanter des personnages entre eux.

Un très bon roman bien documenté, qui emmène dans une ambiance puissante, animale.






Lien : https://aucoeurdesmots.fr/in..
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J'ai travaillé 25 ans dans un grand groupe affilié aux Travaux Publics et une de mes amies m'avait signalé récemment ce livre. Il est vrai que cela débute fort. Le personnage central (Georges Diderot) a été dans la Yakoutie du Nord pour travailler dans une mine de diamant. Il a été chef de chantier à Dubaï, s'est occupé de la construction d'un stade de foot à Cheng-du, puis l'annexe de port gazier à Cumana, la mosquée de Casablanca, un pipeline à Bakou, une station d'épuration mobile au nord de Saïgon, un complexe hôtelier pour salariés blancs à Djerba, des studios de cinéma à Bombay, le centre spatial à Baïkonour, le tunnel sous la Manche, un barrage à Lagos, une galerie marchande à Beyrouth, un aéroport à Reykjavik et une cité lacustre au coeur de la jungle. .Et évidemment quand on lui propose de manager la construction d'un pont dans la ville de Coca, il accepte le chantier. Vient une description des principaux intervenants à cette construction : Summer Diamantis, la fille en charge des bétons, Sanche Cameron, le grutier, Katherine Thoreau, Shakira Ourga, une russe, Soren Cry, Duane Fisher, Buddy Loo, Seamus et Mo et les Indiens. Et il y a Jacob qui vit dans un village d'Indiens de longues périodes quand il ne travaille pas comme professeur à Berkeley. Il apprend fortuitement la construction du pont autoroutier par-dessus le fleuve et cela le met en rage. Après bien des péripéties, tout se terminera on ne peut mieux à la satisfaction de John Johnson, dit le Boa, le maire de cette petite ville.
J'ai aimé tout d'abord le style de l'auteure car je l'ai trouvé novateur mais sur plus de 300 pages, il a fini par me lasser. J'ai regretté qu'il n'y ait pas plus de dialogues et aussi que les personnages ne soient pas plus fouillés mais il y a le pont et c'est lui qui prend toute la place.
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Lecture de circonstance après l'écroulement du pont de Gênes, que j'ai emprunté si souvent...

« Fallait-il encombrer la terre plutôt que le ciel ? Fallait-il démontrer sa force, opter pour un ouvrage puissant, une combinaison de pièces massives, lourdes, tel le pont de Maracaibo ? Fallait-il un ouvrage transparent, aérien, une construction où les structures concentrent la matière en peu d'éléments, une option de finesse, tel le viaduc de Millau ? Fallait-il désenclaver une ville ou souder deux paysages, fallait-il surseoir à la nature, utiliser ses lignes, ou s'y incorporer ? »

L'auteur nous raconte la naissance d'un pont suspendu au dessus d'une ville imaginaire de Californie (nommée Coca) - La naissance, et non la construction : Contrairement à ce à quoi je m'attendais, il y a donc très peu d'élément technique de construction (ce qui finalement est peut-être logique dans un roman, je vous l'accorde…) : L'auteure englobe dans ce roman la période allant du moment où l'idée de construire un pont qui attire l'attention dans sa ville germe dans l'esprit du maire, jusqu'au moment de l'inauguration où tout le monde se sépare et reprend sa vie. Entre les deux, nous croiserons toute une galerie de personnages ayant un rôle à jouer dans cet accouchement.

« Les propriétaires terriens (…) s'émeuvent de ces tours qui les signalent au monde, ajoutant le nom de Coca à celles des cibles potentielles du terrorisme, comme si depuis l'attentat du World Trade Center, leur imaginaire était contaminé par la menace et que désormais, voyant s'affermir dans leur ciel des lignes verticales, ils ne pouvaient s'empêcher d'envisager que ces masses s'effondrent, se résorbent, sur elles-mêmes en un nuage morbide, paranoïa diffuse dont le corolaire, en matière d'architecture, se résumait à une simple ligne : on ne veut pas d'histoire. »

Car si, à l'origine, il s'agit de relier deux berges pour uniformiser le territoire, pour permettre à la ville de s'étendre plus facilement du côté de la forêt, des indiens, des bidonvilles, on comprend vite que des tas d'enjeux plus ou moins importants s'entrecroisent autour de cette naissance : Il s'agit pour le maire d'assouvir ses désirs de grandeur, pour l'artiste qui le dessine de laisser sa marque dans le paysage, pour les compagnies de travaux d'un enjeu financier, pour le directeur des travaux de réaliser sa plus grande oeuvre avant sa retraite, pour les milliers ouvriers de se nourrir, pour les cadres, de participer à quelque chose qui les dépasse, pour les femmes de prouver leur valeur dans des métiers essentiellement masculins, pour les indiens d'exercer leur talent d'acrobates… Certains intérêts divergent, les syndicats s'en mêlent, les puissants décident de se faire justice eux-mêmes… Bref, des passerelles se forment à cette occasion entre toutes ces vies éphémères, tandis que l'ouvrage, lui, est conçu pour témoigner de leur passage et leur survivre.

*****

Ainsi toutes ces individualités d'entrecroisent pour former un ballet d'images, de sensations, de vies aussi différentes qu'interdépendantes, tout cela mis en valeur par la plume si particulière de Maylis de KERANGAL que j'affectionne. Ses phrases, longues comme des lianes s'enroulant autour des vies des personnages, ne perdent jamais leur justesse ni leur sens dans l'accumulation d'images qu'elles véhiculent. Enfilant les mots comme on enfile des perles, l'auteur semble nous parler avec des images, des sensations. En balayant les pages de ses tourbillons de paroles enlacées, elle parvient à nous donner tout en même temps une vue d'ensemble des paysages et situations, comme une vue de l'intimité de chacun.

« Quand vient la nuit sur le territoire, Coca se précise. le noir lui est propice, il l'affole, la chauffe, la livre crue et brutale, les contours acérés quand l'intérieur se trouble de milliers de lueurs rivales, il la divulgue orange, effervescente, pastille de vitamine C jetée dans un verre d'eau trouble, bocal de fioul posé dans une cuvette, distributeur d'oxygène, de speed et de lumière. »

J'avoue toujours aimer revenir à l'écriture de Maylis de Kerangal alors que j'ai souvent rejeté les écritures alambiquée qui se voulaient trop artificiellement originales selon moi. le truc avec cette auteure, c'est que je trouve ses images justes, ses raccourcis (phrases sans verbes par exemple) efficaces et ses rallongis (phrases au détour desquelles l'auteure assemble des mots ou des concepts inattendus jusqu'à ce que l'image se forme en notre esprit) charmants ou flamboyants.

Ne vous attendez pas, cependant, à une grande intrigue conduisant ce roman, une réflexion profonde sur l'usage d'un pont ni même de grandes révélations sur sa construction, mais plutôt à de petites anecdotes qui font la vie de tous et de chacun, unis autour de leur projet commun qui, soit qu'on l'encense ou que l'on veuille le détruire, ne laisse pas indifférent.
J'avoue volontiers que je m'attendais à plus de détails sur la naissance et construction du pont, sur le travail des ouvriers et employées et même sur leurs vies, à plus de profondeur quant aux personnalités y prenant part. Or, l'auteure ne fait qu'effleurer les problématiques liés au pont, à la ville et aux vies de ses personnages.

Pour autant, je n'ai pas été déçue de cette lecture car j'ai aimé retrouver cette « patte » : Des phrases longues et dégingandée mais finalement beaucoup de légèreté, comme si on venait picorer dans les vies de chacun juste ce qu'il faut pour avoir une impression générale de la situation, du thème, de l'ambiance, de chacun. Et ça suffit à nous donner l'impression de connaître chacun des personnages, d'en avoir saisi l'essence.

Je viens donc de me procurer son dernier roman qui vient de paraître au mois d'août et qui est, paraît-il, plus en profondeur.
Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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C'est un avis partagé que j'émets sur ce livre qui est un peu long à démarrer. Si les personnages sont bien décrits, attachants et variés, l'histoire en elle-même est un peu ennuyeuse. On espère toujours qu'il va se passer quelque chose qui relève un peu l'intrigue mais jusqu'au bout, il n' y a rien. A côtés de cela, l'ambition de l'auteur d'écrire un roman autour de la construction d'un pont est très originale et l'on suit toutes les étapes comme si on y était. J'étais curieuse de savoir comment l'auteur pouvait construire son récit autour de ce pont. Il y a des éléments accrocheurs avec notamment les conséquences d'une telle construction que ce soit sur l'écosystème, l'économie locale, les habitants mais l'ensemble n'est pas aussi bouleversant que son dernier roman "réparer les vivants".
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J'ai découvert Maylis de Kerangal avec « réparer les vivants ». J'avais associé son style à une narration qui devait faire sentir au lecteur l'urgence et le temps qui passe, vite, très vite, urgence liée à la contrainte d'un coeur qui bat.
Mais en lisant naissance d'un pont, je me rends compte que c'est en fait sa façon d'écrire. Tellement spécifique. Rapide, dense, comme un fil qui serait tiré presque à chaque ligne, et qui déroule des instants de vie, d'actions, du passé des personnages, des évocations de lieu, de vie, qui très vite n'ont rien à voir avec le début de la phrase, avec l'action présente, mais qui au contraire vont se situer dans le passé de ses personnages, dans l'histoire de la ville, ou dans tout autre chose en fait. Des digressions qui parfois perdent le lecteur. Surtout sur les premières pages du livre. Car après, forcément, on s'y fait.
Alors oui, cette naissance d'un pont est une oeuvre épique de bâtisseurs du siècle présent, mais est construit comme une grande aventure, celle d'une nouvelle ruée vers l'Ouest. Tous ces travailleurs que l'on suit dans leur cheminement vers le site de construction, la ville de Coca, en Californie. le parti pris de l'auteur est d'en suivre quelques-uns, un instantané sur leurs vies, leurs problèmes, leurs angoisses ou leurs espoirs. Et tous bien évidement convergent vers cette oeuvre gigantesque d'équilibre, de créativité, mais aussi de destruction d'un certain équilibre écologique, d'une ville qui s'est faite au fil du temps, avec ses communautés, ses craintes et ses aspirations. Communautés très différentes, les indiens, les ouvriers, le maire qui veut créer pour exister, à l'image des grands bâtisseurs des émirats d'aujourd'hui.
Il y a à la fois du présent et des réminiscences du passé dans ce roman. C'est intéressant, perturbant par sa construction, l'écriture est tellement riche, le lecteur doit prendre son souffle pour parvenir au bout de certaines phrases, tant elles fourmillent d'idées et d'évocations. Maylis de Kerangal a vraiment un style très particulier, mais au final c'est passionnant de la suivre.
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