Sur La Route, hein... Ah, Jack, que de souvenirs, que de souvenirs ! Ce voyage est, tu le sais bien, gravé dans ma mémoire à jamais...
Je me souviens parfaitement de la façon dont j'ai pris la route... Tout a commencé avec une tirade enflammée de mon professeur de lettres. "Si vous devez lire un livre dans votre vie, c'est celui-ci. Je vous supplie de le lire." Jolie conclusion, Monsieur, mais personnellement, les récits de voyages, ce n'est pas vraiment mon registre, me disais-je alors. Mais ce grand homme était très têtu, voyez-vous ; aussi, le lendemain, alors que nous penchions nos petites têtes embrumées sur un devoir ardu signé notre Serviteur, il s'approcha de son éternel pas de loup, et déposa sur ma table son exemplaire de
Sur La Route... J'eus pour ordre de le lire. Comme je l'estimais profondément, j'embarquai le bouquin, décidée à l'entamer, juste pour voir, dans un avenir prochain, bien que loin d'être très emballée.
Quelques heures plus tard, prise d'ennui, et n'ayant pas franchement grand chose de mieux à faire, je sors le livre, et me mets à en parcourir les premières lignes, ignorante de la
Beat Generation, de son idéologie, de l'identité de mon cher Jack et du succès de ce livre.
Et, fait stupéfiant, au bout de quelques lignes, je ne pus le lâcher. J'ai lu sans discontinuer durant quelques heures, et ce fut avec force que je me révoltais contre la nécessité d'aller en cours (ou de faire quoique ce soit d'autre) durant toute la durée de la lecture de ce grand roman.
Comme je devais plus tard le rapporter, les couleurs chatoyantes aux mille nuances de
Sur La Route m'ont transpercée, ou plutôt m'ont embarquée dans l'aventure la plus déjantée que j'eus faite de ma courte vie. Jamais pareilles couleurs ne s'étaient offertes à mes yeux, et jamais pareille complicité entre êtres humains je ne connus. Lorsqu'ils crevèrent dans la boue, j'étais là, tout aussi embêtée qu'eux. Lorsque Neal parlait, j'écoutais et je réfléchissais, assise à côté de Jack, qui en faisait tout autant. En croisant la route de Jack, du moins avec ce chef d'oeuvre, vous n'êtes pas un lecteur passif ; mais un actif voyageur, et si vous embarquez, alors forcément vous ressortez grandi d'une folle expérience remplie de rencontres certe illuminées, mais uniques et ô combien merveilleuses et enrichissantes...
Alors, oui, c'est un livre qui traite de sexe, d'alcool, de drogue, d'une façon qui peut sembler choquante ; je l'entends bien. Mais il ne faut pas croire que le but de ces jeunes gens étaient de se défoncer "pour le fun". Au contraire... Il s'agissait là du seul moyen qu'ils avaient trouvé pour accéder à autre chose, autre chose que la société de leur époque bien sûr, la liberté évidemment, mais aussi à une dimension métaphysique de la vie. Ils étaient en quête d'un sens que leur société, la seule dérangée mentale de l'histoire, ne pouvait leur offrir. La véritable drogue, c'était elle, en réalité. Et prendre la route, comme ça, un matin, sans rien, était une manière de résister, de crier "non", de partir en quête de soi-même plutôt que d'accepter de rentrer dans un moule bien trop différent de nous. Il ne s'agissait ni plus ni moins que de rester vivant. Et si on y réfléchi, les choses ont-elles réellement changé ? Je n'en suis vraiment pas certaine.
Me laisser convaincre par cet enseignant fut une des meilleures idées que j'eus... Lisez
Sur La Route, surtout si vous êtes jeune !