AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Pierre Bisiou (Traducteur)Kyungran Choi (Traducteur)
EAN : 9782743661113
272 pages
Payot et Rivages (04/10/2023)
3.81/5   36 notes
Résumé :
Le premier roman de SF coréen à paraître en France ! Une histoire d’amour contrariée par la théorie de la relativité : quand deux voyageurs interstellaires traversent le temps et l’espace dans l’espoir de célébrer leur mariage sans cesse manqué sur Terre.
Que lire après L'Odyssée des étoilesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
3,81

sur 36 notes
5
4 avis
4
12 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
0 avis
« le tout premier roman de SF coréenne à paraître en France ! » Avec une telle accroche, je ne peux que me montrer intéressé. Car de la Corée du sud je connais le cinéma, la littérature « générale » et les mangas. Mais en SF, même en me creusant la tête, je n'ai rien trouvé. Donc, je me suis lancé dans la lecture de ce roman surprenant. D'autant plus qu'en fait, il s'agit au départ de trois romans réunis en un seul ouvrage. Ouvrons la bête…

Cet ouvrage est donc composé de trois romans, parus de façon individuelle en Corée, et qui sont réunis ici. Cela explique la profonde différence de ton entre les trois oeuvres. Surtout la dernière qui change beaucoup des deux premières.

« Je t'attends » ouvre le bal : texte épistolaire à sens unique. Je m'explique : le narrateur s'envole dans l'espace, non pas pour voyager d'un lieu à un autre, mais d'une année à une autre. Eh oui, ce récit s'appuie sur le lien très fort entre temps et espace. Pour ne pas avoir à attendre sa future épouse, partie pour un voyage familial de plusieurs années, le narrateur décide de profiter des services d'une compagnie qui permet de « gagner du temps » : on voyage dans un vaisseau quelques mois et on revient sur Terre. Grâce à la théorie de la relativité, des années se sont écoulées. Et voilà, le tour est joué ! Sauf qu'évidemment, de petits grains de sable vont venir enrayer la mécanique initialement parfaite. Et l'on suit les déboires du jeune homme à travers les lettres qu'il envoie, sans être certain d'être lu, à celle qui devait l'épouser. Histoire d'amour contrariée à travers l'espace et le temps.

Dans « Je viens vers toi », Kim Bo-Young nous offre le point de vue de la future épouse. Même dispositif de récit épistolaire, avec pourtant un style très différent. Et une histoire, en partie connue, aux tonalités légèrement dissemblables. Davantage tournée sur le sentiment amoureux : l'être aimé est au centre de l'univers. Il permet, seul, de résister aux épreuves qui sèment ce voyage catastrophe à travers les époques. L'autrice parvient à ne pas se montrer redondante : même les scènes déjà vécues, de l'autre côté, surprennent. On découvre l'envers du décor et aussi la conclusion de cette histoire entamée dans la précédente partie.

Changement total avec « Ceux qui vont vers le futur ». le protagoniste, Seongha, sans doute le fils du couple rencontré dans les deux autres récits, voyage vers le bout de l'univers. Pas évident : il faut trouver le chemin et comprendre la forme de notre univers. Fini, infini, en boucle ? Sur son trajet (ses trajets devrais-je dire, car il fait des allers et retours, voyageant ainsi à travers le temps – un classique dans la famille), il fait plusieurs rencontres : le récit est donc divisé en quatre histoires. Finies les lettres.

Comme Yogo (Les lectures du Maki), je me trouve un peu gêné devant cet ouvrage assez inhabituel. Tout d'abord, sa tripartition, avec ses changements de ton assez nets, surtout lors de l'irruption de la troisième partie, la plus longue des trois. Mais aussi dans les directions qu'il prend, différentes selon les étapes. On ne sait pas sur quel pied danser. Comique par moments, avec une faune spatiale à la limite de la folie : les voyageurs temporels reviennent régulièrement sur Terre. Or, les civilisations y partent à vau-l'eau et les vaisseaux spatiaux deviennent des micro-sociétés, où le règne du plus fort est la règle. Malheur aux « immigrés », les derniers arrivés. Et là, on passe du comique au tragique. La frontière est souvent fine.

Malgré tout, mon impression générale est positive. le début m'a enchanté, la suite m'a parue plus convenue (et le côté romance m'a laissé froid, mais je ne recommence pas mon couplet sur ce genre littéraire qui m'ennuie plus qu'autre chose) et la fin m'a fait rêver, tout en me perdant une ou deux fois. Car Kim Bo-Young a des fulgurances proches de certains auteurs de Hard-SF. Dans « Ceux qui vont vers le futur » surtout, j'ai trouvé des accents qui m'ont rappelé Liu Cixin dans plusieurs de ses nouvelles (L'Équateur d'Einstein et Les Migrants du temps) : même vision grandiose de l'univers, même lien entre les espèces qui le peuplent, même démesure, même sens du merveilleux. En lisant ces textes, on se sent à la fois tout petits, car nous ne sommes même pas une poussière dans l'espace et le temps, mais aussi gigantesques car l'histoire s'ouvre sur des possibles extraordinaires. Même si certains points scientifiques et certains raccourcis m'ont laissé dubitatif.

Lire L'Odyssée des étoiles, c'est tenter une nouvelle expérience. Découvrir une autre façon de penser la SF. Pas de rupture radicale avec les productions de ce genre littéraire venant d'autres pays, mais des chemins de traverse, un ton à part. Et, malgré les doutes qui m'ont parfois assailli, un moment de lecture que j'ai profondément apprécié. J'espère que les éditions Rivages vont poursuivre dans cette voie et nous proposer d'autres voix, originales et surprenantes.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          302
Curieusement absente dans l'Hexagone, la science-fiction coréenne est pourtant en plein essor ces dernières années.
Grâce aux éditions Rivages, et plus particulièrement à la toute jeune collection Rivages Imaginaire dirigée par Valentin Baillehache, les lecteurs en quête d'ailleurs pourront enfin se plonger dans les textes de Kim Bo-Young, l'une des autrices coréennes les plus populaires du moment.
Déjà traduite en langue anglaise et même sélectionnée pour le prestigieux National Book Award en 2021, Kim Bo-Young arrive dans la langue de Molière avec L'Odyssée des étoiles, collage de trois textes autour du voyage dans le temps et l'espace. Découvrons ensemble cette nouvelle dimension.

Les amants du temps
Divisé en trois parties distinctes, L'Odyssée des étoiles s'appuie en premier lieu sur deux récits épistolaires qui semblent se répondre avec « Je t'attends » et « Je viens vers toi ».
Deux amants décident de se marier.
Problème : ils n'habitent pas du tout dans le même coin de l'univers.
Si vous avez bien suivi vos cours de physique, vous savez que le voyage relativiste pourrait permettre en théorie de franchir d'immenses distances en s'approchant de la vitesse de la lumière. le temps ainsi écoulé sur le vaisseau pendant ce voyage serait bien moindre que le temps écoulé dans un référentiel terrestre.
C'est pourquoi nos amoureux vont tenter de synchroniser leurs voyages respectifs afin de n'attendre que quelques mois au lieu de plusieurs années avant de se marier. Une excellente idée sur le papier qu'avait déjà utilisé un certain Ken Liu pour sa nouvelle Mémoires de Ma Mère.
Mais voilà, rien ne va se passer comme prévu. Ni pour l'un. Ni pour l'autre.
Dans « Je t'attends », le fiancé tente de tuer le temps en prenant un vol spécialement prévu à cet effet et qui va tourner autour du Soleil. Malheureusement, il reçoit dans l'intervalle une lettre de sa bien-aimé qui lui explique que son propre voyage a été retardé du fait d'un vaisseau à secourir en cours de route. Bien décidé à rester en phase, notre jeune héros va donc changer de bâtiment pour rattraper ce malheureux contretemps temporel. C'est là que les ennuis vont vraiment commencer et que cette expédition assez simple en apparence va peu à peu se transformer en une errance à travers le temps.
À l'origine, cette première histoire fut imaginée par Kim Bo-Young à la demande d'un fan qui désirait l'utiliser pour demander en mariage sa petite amie. Il n'est donc pas étonnant de voir que ce récit de voyage temporel soit avant tout une tentative désespérée pour atteindre un amour qui ne cesse de se dérober. le second texte, « Je viens vers toi », imagine le miroir du premier, en reprenant cette fois les lettres écrites par la fiancée afin de combler les trous laissés par le précédent tout en abordant les choses sous un angle légèrement différent et éminemment plus social.
Très réussi, les deux textes vont jouer sur des choses différentes.
Le premier adopte une approche presque survivaliste dans laquelle le héros doit composer avec un moyen de transport et des conditions de vie de plus en plus extrêmes, le second fait peu ou prou la même chose mais dans un environnement collectif au sein d'un vaisseau où l'humanité va peu à peu se réorganiser en société autoritaire où la loi du plus fort prévaut. On sent ici l'influence d'un certain Transperceneige sur le récit, d'autant plus évidente que Kim Bo-Young a travaillé comme conseillère en scénario sur le film de Bong Joon-Ho.
En outre, ces premiers écrits s'intéressent à l'Éternel Retour de la civilisation humaine qui semble constamment répéter les mêmes errements, le tout dans un cadre mélancolique et apocalyptique où ce qu'il reste de l'humanité après la fin cherche à rejoindre sa terre natale, quand bien même celle-ci n'existe plus. Pour contrebalancer la noirceur apparente de l'histoire croisée des deux fiancés, Kim Bo-Young va évidemment imaginer une histoire d'amour qui résiste à tout, y compris à l'espace et au temps.
C'est la force des sentiments qui unissent nos deux héros qui va faire toute la beauté finale de leur aventure. Un entêtement à retrouver l'autre qui confine presque à la folie, mais n'est-ce pas le propre de l'amour véritable ?

Vers l'infini et au-delà
Virage à 180° pour la troisième et dernière partie.
Cette fois, on accompagne un voyageur du temps du nom de Seongha, fils présumé du couple suscité, qui cherche à aller au bout de l'univers.
Rien que ça.
Il n'est plus question ici de récit survivaliste ou de romance mais bien de science-fiction pure matinée de sense-of-wonder et de réflexion métaphysique un peu à la manière de la Nuit du Faune de Romain Lucazeau. le changement est relativement abrupt et pourrait chagriner plus d'un lecteur.
Scindé en quatre sous-parties, « Ceux qui vont vers le futur » se présente comme une succession de rencontres entre Seongha et d'autres personnages plus ou moins intrigants : une cartographe solitaire en orbite terrestre qui lit Faust, un autre voyageur temporel qui se prend pour Dieu sur une planète reculée, deux survivants humains pas tout à fait sains d'esprit dans un immense vaisseau et une forme de vie dépourvue de corps mais bien fournie en âmes. Chaque rencontre donne l'occasion à Kim Bo-Young de développer davantage ses théories de voyages temporels en tentant de vulgariser la physique qui sous-tend la chose mais elle permet surtout de diversifier ses thématiques : solitude face au néant, interventionnisme dans des cultures en complet décalage technologique ou encore extrapolations sur l'existence d'une nouvelle dimension.
Ce qui rapproche cette dernière partie des précédentes, c'est le même ton mélancolique qu'emprunte le récit de Seongha face aux derniers survivants de l'humanité qui veulent eux aussi retourner chez eux, soit par un voyage impossible soit en reconstruisant ailleurs un ersatz de ce qu'ils ont connu par le passé. le tout sur fond d'un éternel recommencement, celui de l'univers tout entier. Un univers qui, pourtant, aura lui aussi une fin.
S'il est quand même radicalement différent sur la forme, « Ceux qui vont vers le futur » offre une certaine cohérence sur le plan métaphysique et émotionnel faisant de Seongha un vagabond en quête d'ailleurs et d'une finitude qui ne cesse de ronger l'être humain. de façon surprenante, l'ensemble dégage à l'arrivée une poésie douce et sensible qui parvient à émerveiller son lecteur à la fois par la puissance des sentiments de ses personnages…mais aussi par la grandiosité de l'univers lui-même.

Étrangement cohérent, ce collage de textes science-fictif parvient à émouvoir et à susciter le vertige dans un même élan. Kim Bo-Young écrit l'amour à travers le temps et la grandeur de l'univers à travers des yeux humains. Un premier essai science-fictif coréen réussi.
Lien : https://justaword.fr/lodyss%..
Commenter  J’apprécie          240
💫Chronique💫


Désolée, je n'ai pas pu vous écrire plus tôt. J'étais perdue dans les étoiles. Je voulais tellement partir, que j'ai oublié de revenir vous laisser un mot. Je prend le crayon aujourd'hui tout en sachant que les probabilités que vous me lisiez soient minces.
On ne traverse pas une odyssée sans en être affectée ostensiblement.
Je ne compte plus les jours ni la distance qui nous sépare car je voulais, moi aussi, m'éloigner de la terre. La fâcheuse tendance des hommes à ne pas apprendre de leurs erreurs me laisse perplexe, tout comme ces voyageurs du temps. Mais quand même, on y retourne, eux comme moi, encore et encore, comme s'il restait un espoir. Un espoir vivace en l'humanité. Même si, même si. Comme si c'était possible. Parlons d'ailleurs, de l'amour. Sentiment qui nous anime tous, à un moment variable, de notre existence. On a tous dans l'idéal, le coeur à dire que l'amour sera plus fort que la guerre, les désastres, l'effondrement. Et à lire les lettres de ces deux jeunes amoureux, je vous jure, qu'on y croirait presque. Leurs retrouvailles se font peut-être attendre car le temps et l'espace s'agrandissent à l'instar de la croissance de leur amour qui, elle, va de paire avec cet éloignement physique contraint. L'un se retrouve face à sa propre solitude, tandis que l'autre doit composer avec les Autres, avec ce que ça implique de réjouissances ou de malheurs, en tout genre. Mais ils continuent de s'écrire, de planifier leur mariage, de s'aimer au-delà de la limite du raisonnable. Je crois que mon affreux penchant au romantisme, me fera dire que je les ai adoré dans leurs obstination à s'aimer envers et contre tous. Malgré les difficultés qu'ils rencontrent, malgré les erreurs d'aiguillages, malgré les rendez-vous manqués, ils n'auront de cesse de nous prouver que l'amour est plus fort que tout. Ils sont extrêmement touchants. Est-ce que ce sera suffisant?
Les étoiles m'attirent, comme c'est dit.
Les étoiles pour moi, c'est la destination ultime. Alors quand on me parle d'aller au terme de l'univers, quand on me dit voyage et infini, tous mes sens sont en alerte.
Est-ce qu'on ne saura jamais la réalité de voyager à la vitesse de la lumière? Est-ce que ça ne serait pas, tout simplement, fou? Est-ce que ça ne serait pas, dans l'idéal, la liberté absolue?
Même si Ceux du futur, reviennent sur Terre, je crois que j'ai envié leurs chances, le temps de cette lecture. de se déplacer librement dans l'Univers, de n'avoir aucune limite, de défier les lois de l'inconnu. Être au milieu des étoiles, mais quel rêve! D'en savoir les couleurs, les formes, les odeurs, les trajectoires, les contours. Mais cela peut vite devenir, dans le même espace-temps, un cauchemar. Partout où les hommes sont passés, ils ont laissé la marque du chaos. Dans les vaisseaux, sur les planètes, dans l'ADN des civilisations, et sur Terre. Cette récurrence à toujours revenir, à toujours détruire semble, elle, infinie, alors même que les théories sur l'Univers auraient elles, a contrario, probablement, une fin annoncée. Alors qu'est-ce qu'on fait de cela? Est-ce qu'on ne se laisserait tenter, du coup, à croire de toutes nos forces, que l'amour peut dépasser, à un moment ou un autre, dans un lieu ou un autre, à une vitesse plus rapide encore que la lumière, la forme évolutive de l'abîme?
Je pense sincèrement que ce livre hybride et fantastique, est une bouteille jetée aux étoiles. La Terre étant devenue invivable pour de multiples raisons, les voyageurs du temps s'empressent de prendre la route de l'Infini, en y laissant, ça et là, quelques mots, même pas sûrs d'être lus. Mais, quand je les reçois, descendus de là-haut avec encore la fraîche odeur des rayons cosmiques, ils me donnent matière à réfléchir, à aimer plus intensément, à vivre mieux dans la lumière. Mon âme se réveille, mon coeur gonfle, mes yeux s'illuminent.
Maintenant, j'attends. Je vous attends.
C'est sans doute dément.
J'attends l'amour. Mais déjà, avec cette lettre, je vous parle de coup de coeur.
Désolée, je n'ai pas pu vous écrire avant: les étoiles ont joué de leurs influences.
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          245
Voilà un événement pour l'imaginaire : la première publication d'un•e auteurice de SF sud-coréen•e en France ! Kim Bo-young est une autrice reconnue depuis sa première publication en 2004, et a remporté plusieurs fois le South Korean SF novel award pour ses écrits. En parallèle de cette activité, elle est également éditrice, jurée et a travaillé comme consultante avec le grand réalisateur Bong Joon-ho sur sa fantastique adaptation de la BD le Transperceneige (un film à voir absolument !). J'ai eu la chance de recevoir le livre grâce à la dernière Masse Critique Babelio juste avant la venue de Kim Bo-young aux Utopiales de Nantes, qui a très aimablement dédicacé mon exemplaire. Merci beaucoup à Babelio et aux éditions Payot-Rivages pour l'envoi ! 

Avant toute chose, il est important de savoir que ce livre n'est pas un roman, mais une compilation de trois novellas liées chronologiquement entre elles. 
Dans « Je t'attends », on suit les messages envoyés par un homme vivant sur Terre à sa fiancée, qui entreprend un voyage interstellaire depuis la très lointaine Alpha du Centaure pour le rejoindre pour le mariage. En temps terrestre, il va se passer plusieurs années avant que les deux fiancés soient réunis. Aussi, le futur époux décide, comme c'est l'usage dans ce cas, d'embarquer dans un vaisseau de l'Attente et de voyager à une vitesse élevée afin de ne pas subir le décalage temporel qui aurait été le sien s'il était resté sur Terre. Mais les aléas vont s'enchaîner les uns après les autres, retardant d'autant plus la réunion des deux fiancés… Dans « Je viens vers toi », le principe est le même, mais du point de vue de la femme cette fois, qui n'a pas non plus vécu un périple facile. Et dans la troisième partie, on reste dans la même thématique, mais en suivant les tribulations d'un voyageur temporel cherchant à atteindre la fin de l'univers.

J'ai suivi avec beaucoup d'émotions, dans le premier récit, le périple temporel sans fin que vit cet homme qui désespère de retrouver un jour sa fiancée. Chaque chapitre retranscrit un des messages envoyés par le très infortuné amoureux à l'élue de son coeur, en précisant combien de temps après le début du voyage il a été émis, en temps effectif et en temps terrestre. Ce double-repère temporel est nécessaire pour bien comprendre l'ampleur du désespoir de l'auteur des messages, qui voit l'écart d'âge se creuser inexorablement entre lui et son aimée, jusqu'à un potentiel point de non-retour : mariage annulé après plusieurs années d'attente, début d'une nouvelle relation amoureuse après une telle trahison, voire fin de vie tout simplement. Et à chaque retour sur Terre, le voyageur solitaire est percuté de plein fouet par le poids des années qui se sont écoulées, avec un impact extrême sur le paysage et le climat, conséquences de diverses guerres et de plusieurs cataclysmes. J'ai été vraiment touché par l'espoir fou qui guide cet homme durant toute son odyssée, et qui se matérialise poétiquement dans des rêves évoquant des souvenirs heureux avec l'être aimé pour l'aider à surmonter les pires épreuves. 

Après une conclusion très émouvante et révélatrice, la seconde nouvelle s'ouvre là où la première avait commencé : au début du voyage, mais cette fois à des années-lumière de la Terre ! le récit du voyage de la fiancée est construit exactement de la même manière que celui de son futur époux, en un intelligent jeu de miroirs. En me référant aux indications temporelles des messages, je me suis rendu compte que les deux âmes-soeurs se sont en fait croisées de peu sans le savoir, et à plusieurs reprises… Si la première histoire insistait sur la solitude du voyageur, ici l'héroïne est au contraire confrontée aux règles absurdes d'une société de classes établie à l'intérieur du vaisseau dans lequel elle se retrouve contrainte de séjourner pendant plusieurs années. Et de nouveau, malgré toute l'horreur de ce qui devient son quotidien, perdant même toute notion du temps, cette femme se raccroche à l'espoir d'être à nouveau réunie avec celui qu'elle aime, peu importe la durée de leur séparation. Même si j'ai trouvé pas mal de redondances de style avec la première novella ainsi qu'entre les différents chapitres, j'ai bien apprécié de découvrir cet autre point de vue, abordé avec une sensibilité différente et expliquant certaines zones d'ombre du récit de l'homme. 

L'ouvrage se termine avec la troisième novella, qui tranche nettement avec les deux précédentes. Plus de récit épistolaire à la première personne, mais de la narration classique, mettant en scène un jeune homme voyageant toujours plus loin vers le futur pour atteindre le bout de l'univers. Au cours de son périple, le voyageur va rencontrer des personnages assez fantaisistes : une cartographe légendaire vivant en ermite sur un satellite isolé, un autre voyageur qui se fait passer pour un dieu auprès d'une peuplade primitive, ou encore deux scientifiques perdus dans l'espace à bord d'un immense vaisseau vide… On se retrouve ici dans de la SF plus classique, un peu old-school, et même si on reste dans la thématique du voyage interstellaire et des conséquences d'une accélération proche de la vitesse de la lumière sur le passage du temps, cette histoire n'a pas beaucoup de rapport avec les deux précédentes (ne lisez pas le résumé en quatrième de couverture du livre pour ne pas vous spoiler !). Les concepts scientifiques sont ici plus présents, on voit que l'autrice maîtrise bien le sujet et l'explique avec des images simples tout en amenant des éléments de réflexion intéressants. Cependant, malgré une fin mystique et surréaliste qui m'a bien retourné le cerveau, j'ai moins accroché à cette dernière partie du recueil. En effet, je n'ai pas vraiment éprouvé d'empathie pour ce voyageur dont on ignore à peu près tout, et dont la conscience se situe depuis longtemps sur un tout autre plan, contrairement aux deux précédents protagonistes qui étaient profondément humains. 

J'ai bien apprécié ma lecture, mais pas autant que je l'aurais souhaité. J'ai aimé les deux premiers récits, construits en miroir et très émouvants, mais j'ai trouvé que certains chapitres avaient un côté un peu répétitif. Étant donné que la troisième novella fait écho de manière lointaine aux deux précédents, je comprends pourquoi il a été inclus dans cet ouvrage. Néanmoins, j'ai trouvé dommage que la poésie et la mélancolie dans lesquelles baignaient les deux premières histoires soient ici mises au second plan, au profit d'une narration conventionnelle et plus distante avec les émotions de son protagoniste qui demeure difficile à cerner. J'ai été content de retrouver une vision plus personnelle et onirique dans le tout dernier chapitre de cette histoire, et j'ai refermé le livre avec l'impression de revenir littéralement d'un autre univers… Je serais donc curieux de lire les autres écrits de cette autrice, et d'avoir l'occasion de découvrir plus en détails la SF coréenne ! 
Lien : https://lesaffamesdelecture...
Commenter  J’apprécie          80
Depuis qu'il a commencé à publier des romans du registre de l'imaginaire, Rivages a le chic pour me surprendre. Cette fois, c'est avec l'oeuvre de Kim Bo-Young, premier roman de SF coréenne à paraître en France d'après lui, un roman à la fois vertigineux dans sa dernière partie et très poétique et romantique dans les premières. Surprenant.

Kim Bo-Young est une autrice de SF reconnue chez elle, consultante pour un film comme Snowpiercer de Bon Joon-Ho, elle a aussi remporté 3 fois le South Korean SF Novel Award et a été traduite aux Etats-Unis. En France, c'est la première fois qu'on la découvre et pour l'occasion elle sera aux Utopiales de Nantes du 1e au 5 novembre pour ceux qui peuvent y aller 😉

En tout cas, la lecture de l‘Odyssée des étoiles fut une expérience particulière. Réunion de trois romans parus séparément en Corée, l'autrice nous y fait une belle proposition de transposition du roman épistolaire en SF, avec dans un premier temps, deux romans qui se répondent où les héros s'envoient des lettres à travers l'espace et le temps. Puis dans un dernier temps, un voyage vertigineux dans le temps pour tester les théories de voyages dans le temps avec le fruit de leurs entrailles. Les premiers ont fait preuve d'un romantisme qui m'a touchée en plein coeur. le dernier roman fut plus résistant et il m'a fallu attendre les dernières pages pour en saisir la profondeur.

En plongeant dans un roman d'autrice coréenne, je m'attendais à quelque chose d'un peu typique, à une marque qui me ferait dire : « tiens, ça c'est coréen ». Mais ce ne fut absolument pas le cas, le travail et la plume de Kim Bo-Young sont universels, voir très occidental en fait, ce qui fera peut-être le succès de l'autrice chez nous car il n'y aura pas la barrière des particularités culturelles. Son récit d'ailleurs m'a énormément fait penser au succès interplanétaire Interstellar. J'en ai retrouvé l'aura, l'ambiance, le rapport au temps et à l'autre, ainsi que le côté un peu mystique.

J'ai littéralement adoré les deux premiers romans : Je t'attends et Je viens vers toi. Suivre ce couple de fiancés qui tente de se rejoindre à travers deux vaisseaux spatiaux différents, avançant à des rythmes différents et connaissant chacun des avaries, fut magique. C'était d'un romantisme rare et pur, rappelant celui des origines et je me suis parfaitement prêtée au jeu des échos entre leurs lettres, lisant d'abord d'une traite la prose du fiancé, avant de me lancer dans celle de la fiancée et de revenir en arrière pour lire la lettre correspondante de l'autre côté. J'ai beaucoup aimé ce jeu de réponses. Il faut dire que l'autrice propose une belle histoire en miroir : lui, seul et isolé, l'attendant sans cesse ; elle, au sein d'un groupe où les difficultés vont naître, qui va sans cesse aller vers lui. Et tel Vega et Altaïr, ils ne parviennent jamais vraiment à se rejoindre tout en allant l'un vers l'autre car ils se ratent sans cesse. C'est le récit de ces ratages qui émeut.

Mais au-delà de la forme poétique que prend le récit, il y a aussi le vertige de la projection qui s'empare de nous. Dans une histoire fondée sur le voyage dans l'espace et donc dans le temps avec ces durées qui s'allongent et s'allongent à l'infini, nous sommes confrontés à l'évolution de notre planète et ce fut fascinant de voir la lente déchéance et renaissance également de celle-ci. Ça parle ainsi de changement climatique, de guerre, de désastres nucléaires, de rencontre avec une météorite, d'implosion d'étoile, d'univers en expansion. C'est très riche et certains passages sont vraiment visuels.

En revanche, la rupture de ton occasionnée par le dernier roman, Ceux qui vont vers le futur, m'a un temps perdue. L'autrice y confronte certaines de ces théories sur l'espace et le temps, ce qui peut être fascinant quand cela concerne l'évolution de notre planète, de ses habitants et de ceux de l'espace, comme ses Echions qui aident les vaisseaux à avancer, mais elle se perd et nous perd aussi parfois dans les concepts, ne parvenant pas à les rendre clair et intelligible, pire jouant avec certains au point de le tordre, un peu comme dans Interstellar justement quand les scénaristes allaient trop loin et touchaient au mysticisme.

Ainsi ce dernier roman qui se découpe lui-même en quatre histoires a été une lecture en dents de scie pour moi. J'ai aimé certains développements autour du voyage dans le temps, de la vitesse de la lumière, du peuplement de la Terre, mais je suis aussi passée à côté de la majeure partie et du rôle de Seongha dans tout ça, j'ai l'impression. J‘ai juste retenue sa quête de savoir, son envie de percer les mystères du temps et de l'espace, ce qui est déjà bien mais je ressens aussi une certaine frustration face à ce qui m'a échappé.

Pour une première découverte d'un texte de SF coréen, L'Odyssée des étoiles m'a offert un vrai défi que je n'ai relevé qu'à moitié. La poésie et le romantisme de l'autrice, mêlés à la dimension épistolaire de l'oeuvre, dans une aventure spatiale unique et en duo, m'ont totalement séduite. C'était beau, émouvant, magique parfois, avec un très beau discours sur la permanence de l'amour. C'est pourquoi l'ajout d'une dimension plus scientifique par la suite, malgré son beau vertige, m'a moins parlé. Ce fut une rupture trop brutale de ma petite bulle.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          110

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Si jamais il était possible de sauvegarder dans un ordinateur la personnalité d'un être, toutes les données qui font de lui une personne, et si la somme de ces données pouvait être appelée une personnalité humaine...
Même si l'âme n'existe pas... si l'esprit humain pouvait être contenu et préservée par ses donnees, sous une forme ou une autre.
Dans ce cas, et si les souvenirs d'une personne gravées dans l'esprit d'une autre font partie de ses données, ces souvenirs-données ne seraient-ils pas le reflet de la personne du souvenir? Ou à tout le moins des fragments de sa personnalité ?
Tu sais, on dit que les gens ne meurent pas tant que leur souvenir demeure en nous. Tant que nous gardons le souvenir de quelqu'un, il continue de vivre en nous.
Si, d'une manière ou d'une autre, un ensemble de données pouvait constituer une personnalité... Dans ce cas, toi aussi, dans mon souvenir, tu es une personnalité qui vit.
Avec moi, sous forme de données, dans ce bio-ordinateur qu' est mon cerveau.
Alors tant que je vivrai, tu vivras.
Voilà ma raison de vivre. Te garder en vie. Toi, que j'aime plus que tout au monde. Parce que je suis à la fois la preuve et la trace de ton existence dans I'univers. Parce que je suis ce quil reste de toi.
Commenter  J’apprécie          30
Ah, c'est la nature humaine, quand tu restes sans rien faire pendant deux ou trois mois, soit tu deviens fou, soit tu deviens sage.
Commenter  J’apprécie          164
Quand nous serons de retour, le monde aura pas mal changé, pas vrai ? Bah, ça a toujours été comme ça, en même temps. Les bâtiments, les rues, années après années, tout se transforme. Une boutique apparue la veille, le lendemain est fermée. Un immeuble qui était encore là le mois dernier a disparu. Le pays, comme pris d'une haine de lui-même, se démolit constamment, sacrifiant jusqu'aux choses anciennes et pré- cieuses qu'il aurait fallu préserver.
Commenter  J’apprécie          30
J'ai le sentiment que dans notre situation, où le malheur n'épargne personne, les gens veulent juste vivre dans une société où ils peuvent harceler les autres sans une once de culpabilité. Ils respectent le capitaine parce qu'il leur donne l'opportunité d'être cruels.
Commenter  J’apprécie          40
Je croyais toujours quand les choses disparaissaient. Les choses qui se brisent, se désagrègent, vieillissent, se décomposent, deviennent obsolètes, ces choses qui s'effondrent et qui meurent. J'ai toujours pleuré les choses perdues qui ne reviendraient plus.
Commenter  J’apprécie          40

autres livres classés : science-fictionVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus

Autres livres de Bo-Young Kim (1) Voir plus

Lecteurs (122) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4879 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..