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EAN : 9782253937074
320 pages
Le Livre de Poche (30/08/2023)
3.61/5   243 notes
Résumé :
Au sommet d’une montagne vit une petite fille nommée Astrée, avec pour seule compagnie de vieilles machines silencieuses. Un après-midi, elle est dérangée par l’apparition inopinée d’un faune, en quête de gloire et de savoir. Mais sous son apparence d’enfant, Astrée est en réalité une très ancienne créature, dernière représentante d’un peuple disparu, aux pouvoirs considérables.

Le faune veut appréhender le destin qui attend sa race primitive. Astrée,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (73) Voir plus Ajouter une critique
3,61

sur 243 notes
Ça commence comme un joli conte pour enfants…et ce n'est pas ça du tout…Voilà une expérience de lecture à la fois fascinante et ardue, jubilatoire et complexe. Vertigineux dans tous les sens du terme. Un conte philosophique, poétique et spatial, tout ça à la fois. Un conte sombre qui contient en germes plein d'autres livres possibles, un ensemble de possibles condensé dans une forme assez courte. Un métaroman en quelque sorte.

« Quand elle aperçut le faune, la fillette lisait. Bien assise sur son siège préféré, un vieux tronc couché, patiné par les ans, lustré et verdi par la mousse opiniâtre, elle ne l'avait pas vu s'approcher, puis s'installer à côté. Elle ne se rendit compte de sa présence qu'après un certain temps, et du coin de l'oeil. Aussi continua-t-elle son activité sans lui manifester la moindre attention. Voilà qui apprendrait à l'importun qu'on ne se mettait pas n'importe où sans demander la permission ».

Vertigineux car nous voyageons, nous partons de la terre vers l'infiniment loin afin de contempler le Cosmos, de plonger dans les horreurs glaçantes galactiques. Vertigineux quant aux réflexions philosophiques offertes, riches et profondes. Vertigineux quant aux concepts scientifiques manipulés, quant aux possibles offerts par la science, concepts qui m'ont laissé de nombreuses fois sur le bord de la route. D'où mon 4 étoiles. Certes. Mais, vertigineux de poésie aussi. Lorsque je ne comprenais pas, je me laissais porter par la poésie. Vertigineux car ce roman contient tant qu'il est difficile d'en parler, de résumer…

C'est la grande force de ce livre, cet entrelacement de la science et de la poésie qui n'est pas sans me rappeler la Horde du Contrevent d'Alain Damasio. Elle permet de nous maintenir en éveil même lorsque les concepts scientifiques deviennent ardus (pour moi dès le milieu du livre avec la théorie des cordes). Une poétisation de la science voilà ce que nous propose Romain Lucazeau, la science utilisée pour faire de la poésie, de la poésie germée en fleurs vénéneuses dans les failles de la science. Quelle double lecture originale ! C'est une poésie mélancolique, nostalgique qui peut rappeler les chroniques martiennes de Bradbury, la poésie de la contemplation des fins de civilisations.

« Lassés, ils se réfugièrent dans la chevelure d'une comète, entre les débris de glace et les poussières ionisées par le vent de l'étoile centrale, petite et pâle ».

Bon, d'accord, et l'histoire alors ? Au sommet d'une montagne vit une petite fille, Astrée, dans un cocon préservé du reste du monde, cocon géré par une énorme machine d'intelligence artificielle. Un jour Astrée voit l'arrivée d'un faune qui a fait un long voyage périlleux pour arriver jusqu'à elle. le faune s'aperçoit que sous les dehors d'une petite fille Astrée est en réalité une très (très très) ancienne personne. Immortelle, elle a vu et vécu beaucoup de choses. le faune va se voir attribuer le nom de Polémas par Astrée. Ce faune est venu dans un but précis : il vient la voir pour comprendre, trouver des réponses, acquérir la connaissance afin de changer l'existence de sa race encore balbutiante. Première leçon au gout amer pour Polémas : la connaissance amène le malheur. Nous touchons dès le début du livre le thème connu de la malédiction de la connaissance, thème abordé par la Bible, ce qu'on connait rend la vie insupportable - « heureux les simples d'esprit » - ou encore par la philosophie Nietzschéenne.

« La véritable connaissance, répondit-elle, est incompatible avec un tel projet. Celui qui sait ne fait surtout rien. La vérité du monde demeure cachée à la plupart, car elle est insupportable à la vie. -- Ses paroles restèrent en suspens, flottèrent en l'air, cendre, flétrissure, et défraîchirent, un instant, les jolies teintes pastel de la salle de jeux aux meubles mignards, aux caisses de jouets entrouvertes, dans l'entrebâillement desquelles les poupées entassées prirent des poses mortuaires. Les rayons du soleil, l'instant d'avant pinceaux chaleureux teignant le monde, perdirent leur volupté, se réduisirent à de simples faisceaux de lumière, glacés, dénués de mystère et de chatoiement ».

Le faune ne comprend pas ce que le savoir peut avoir de si terrifiant, et pour l'en convaincre, Astrée lui propose de partir en voyage. Un voyage au sens métaphorique, un voyage métaphysique car leurs enveloppes charnelles restent sagement endormies, c'est une copie d'eux-mêmes, faite en neutrinos, qui part en voyage. Un voyage dans lequel le temps passe, en un clin d'oeil, par millions d'années.

Montée de l'âme pour nous approcher d'une connaissance juste du monde, nous voyons avec Polémas …Nous voyons la naissance et la mort des civilisations suivant le cycle du carbone, nous voyons différents destins galactiques possibles, depuis des tentatives vaines de conquête de l'espace, en passant par des peuples d'esclave, par des fous enfermés dans un astéroïde en éternelle errance, jusqu'aux planètes où les machines ont pris le contrôle…Chaque chapitre est un tableau différent et pourrait faire lui-même l'objet d'un livre.

Au final je ressors perturbée par cette lecture. C'est indéniablement un beau livre, une expérience de lecture déroutante, savamment orchestrée mais dans laquelle je n'ai pas compris énormément de choses, tant la science se fait hard, mais une expérience inoubliable tout de même car j'ai vraiment eu l'impression de voyager dans le Cosmos. C'est dommage que la science se fasse aussi compliquée, cela donne un côté un peu magistral pour ne pas dire hautain, heureusement compensé par la poésie qui est toujours présente.

Quelle nuit pour notre faune et nous même, il est bon après cela juste de regarder le ciel même si toute cette expérience a finalement un goût amer…« Un ciel d'une couleur indéfinissable, irisé et changeant, se déploya, où filèrent bientôt des déchirures de nuages, voiles à peine visibles, sous un insensible vent ».
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C'est en 2016 que Romain Lucazeau bouleverse pour la première fois le microcosme de l'imaginaire français avec la publication en deux volumes de Latium, un space-opéra aux intonations mythologiques où les hommes-chiens croisent des I.A devenus nefs sentientes et gigantesques.
Couronné par le Grand Prix de l'Imaginaire et un succès critique (et public) impressionnant, le français finit par rejoindre la Red Team, un groupe d'écrivains de science-fiction en lien avec le Ministère des Armées.
Critiqué sur le moment pour cette participation par une certaine frange de l'imaginaire français, Romain Lucazeau poursuit son voyage littéraire avec la publication d'un nouveau roman chez Albin Michel Imaginaire pour la rentrée littéraire : La Nuit du faune.
Et nous n'étions clairement pas prêts…

Il m'est difficile, lecteur, de rendre compte de la Nuit des faunes.
Pas tant que l'intrigue soit difficile à caractériser ou à dénouer, mais que l'ampleur du récit, la densité des thématiques et de la narration font de ce roman une sorte d'Everest.
Et c'est peut-être par-là que nous commencerons le voyage.
Au sommet d'une montagne vivait une jeune fille du nom d'Astrée (qui renvoie autant à une certaine divinité grecque qu'à l'Astrée, roman des romans) dont le petit univers idyllique est préservé du reste du monde par une bulle de quiétude entretenue au moyen d'une colossale Machinerie lovée sous la roche. Un après-midi ordinaire, Astrée voit un bien curieux visiteur pénétrer dans son domaine : un faune. Après avoir escaladé la montagne, l'aventurier attend la réaction de la petite fille…qui n'en est pas vraiment une.
Astrée, sous ses dehors enfantins, est en réalité une très ancienne personne, plus ancienne que bien des galaxies. Polémas, car c'est le nom du jeune faune, n'est pas là par hasard. Il vient pour trouver des réponses et pour comprendre. Il vient pour qu'Astrée, cette divinité qui pourra, il l'espère, changer son existence et celle de sa race encore balbutiante, en lui révélant ses secrets et les clés de la connaissance. Seulement voilà, la première des réponses que lui fait Astrée n'a rien de plaisante, au contraire : le savoir n'a rien de bon pour Polémas car tous ceux qui savent finissent par ne rien faire en réalisant l'inanité de leur action(s). Découragé, le faune part dormir et se réveille dans une autre enveloppe, copie de lui-même faites en neutrinos et qui se prépare à un (très) long voyage en compagnie d'Astrée à travers l'univers.

Qu'est-ce que savoir a de si terrible ?
C'est le premier enjeu de cette immense épopée imaginée par Lucazeau et qui convoque à parts égales le conte mythologique (dont raffole l'auteur depuis Latium) et une aventure Hard-SF jusqu'au-boutiste…mais étrangement plus accessible que celle d'un Greg Egan. Lancés à travers la galaxie, Polémas et Astrée vont découvrir les multiples visages de l'univers, sous la forme d'une descente aux enfers parfois, sous les traits d'un voyage initiatique souvent, mais toujours avec cette dose d'ébahissement et de sidération qui caractérise la science-fiction la plus importante, celle capable de créer le vertige et de marquer sur la durée. Sur le chemin d'Oz…ou d'Oort, les deux comparses se confrontent au froid cinglant de l'univers, opposant le discours blasé et pessimiste d'Astrée sur les affres de la connaissances aux mille merveilles composant les étoiles. Histoire à deux visages dans un premier temps, La Nuit du faune semble contredire l'idée même d'un émoussement du merveilleux en montrant, comme Arthur C. Clarke le disait si bien, que toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. Mieux encore, toute plongée dans les rouages les plus pointus de la physique et des lois de l'univers, ressemble à une manifestation divine, à une multitude de représentations surnaturelles flirtant à part égales avec la poésie et l'art. Au fur et à mesure de cette traversée, Polémas découvre ce qui attend son peuple et lui-même, renforçant ce sentiment ambivalent pour le lecteur pris entre le désespoir du faune broyé par les mâchoires de la fatalité et les visions grandioses dépeintes par un Romain Lucazeau au sommet de son art.

La Nuit du faune plonge tête la première dans des concepts science-fictifs de pointe, croisant neutrinos, bosons, matière noire, IAs, quasars et autres théories de l'évolution. Pourtant, contrairement à Egan, Lucazeau trouve un angle d'attaque aussi simple que gagnant pour ne pas rendre son histoire hermétique au lecteur : vulgariser les choses pour Polémas, le plus jeune des personnages de l'aventure et donc le plus ignorant, le plus candide.
Du fait, jamais le roman ne nous laisse à la dérive, toujours soucieux des visions fantastiques qu'il nous offre et déployant un Sense of wonder hallucinant. du vaisseau-monde échoué à l'antre d'une créature arachnéenne creusée dans un astéroïde en passant par des méta-civilisations robotiques engagées dans une guerre idéologique éternelle. En 250 pages, le français répertorie les concepts et les merveilles de la SF, les rend aussi beaux que fascinants et parvient même, parfois, à en tirer des frissons d'horreur purs en créant une peur métaphysique irrépressible dans le coeur du lecteur. Devant l'insignifiance de notre existence, devant la petitesse absolue de notre bout de caillou planétaire. Véritable trésor d'intelligence et condensé de ce qu'offre de meilleur un univers de Hard-Science, La Nuit du faune n'a pour autant pas l'ambition de devenir un musée glacée d'idées et de concepts mais une profonde réflexion sur une quête de sens, une quête d'espoir dans une galaxie où la rigidité mathématique et physique semblent tout anéantir pour les êtres vivants, qu'ils soient de silicium ou de carbone.

En chemin, Polémas et Astrée font la connaissance d'une nouvelle forme de vie post-biologique en la personne d'Alexis, achevant un trio aux aspirations bien différentes. Alexis rêve de mortalité quand Astrée aspire à l'immortalité (et au frisson de la surprise) tandis que Polémas, lui, voudrait simplement la survie des siens et la connaissance (mortelle) des choses. Parvenus aux confins de la Voie Lactée, les trois comparses vont étendre encore leur compréhension des rouages de l'univers, Lucazeau déployant encore et encore des trésors d'imagination pour agrandir toujours plus loin et toujours plus fort ses perspectives et celle du lecteur. Bienvenue dans l'infiniment grand et dans l'infiniment puissant, si puissant que le concept de Dieu lui-même semble trop étriqué même pour expliquer des entités comme Galactée ou le Prophète.
Loin de ne creuser que le sillon science-fictif de son aventure, Romain Lucazeau exploite ses potentialités philosophiques et métaphysiques, discourant sur la guerre et la rivalité des êtres vivants, sur la conscience de sa propre insuffisance et de ses potentialités, sur l'importance de la vie (et, paradoxalement, de sa fin) sans parler de l'espoir d'une victoire définitive sur l'entropie, ennemi final de toute vie. Comme les hommes-chiens dans Latium, le faune déconstruit sa vision de la divinité, tente de comprendre avec son potentiel limité les implications des enjeux cosmiques qui lui sont soumis et, finalement, accepte le destin le plus sage, celui de l'instant, du présent, du bonheur de l'ignorance.
Il faut bien comprendre à ce stade que La Nuit du faune réussit de multiples exploits. Celui du style d'abord, à la fois flamboyant et mature, permettant l'expression claire et fluide des merveilles scientifiques comme des interrogations philosophiques de son auteur. Celui de la vulgarisation ensuite avec des concepts pointus qui ne rebutent pas et ne laissent pas sur le bord de la route. Celui de la densité narrative en un nombre de pages restreint, parvenant par la concision à ne jamais lasser et à garder sans cesse un sentiment d'émerveillement qui suivra jusqu'au bout du bout le lecteur.
Celui, enfin, d'une érudition terrifiante (voire intimidante), de la Florence de Dante à la mythologie grecque en passant par le conte plus populaire, mais sans jamais noyer, sans jamais intimider mais en servant le récit. Un récit immense, apoplexiant mais toujours épatant. Mieux encore, et c'est peut-être le plus important, Romain Lucazeau permet l'empathie, que ce soit avec Astrée et son sentiment mélancolique face au temps ou avec Polémas et son désespoir grandissant face à ce que réserve l'univers, à ce silence éternel des espaces infinis qui engloutit et détruit la vie elle-même. La Nuit du faune donne le vertige, éblouit, émeut, fascine, essouffle jusqu'au sublime. le conte entre en collision avec la science, le présent retrouve le passé, les étoiles brûlent et se consument, les civilisations naissent et meurent, inlassable retour vers un recommencement éternel qui nous ramène toujours en début d'après-midi au seuil de l'aventure.

La Nuit du faune se résume très simplement en réalité.
Un chef d'oeuvre de la science-fiction française, une somme des possibles, une histoire prise entre la chaleur de la poésie et la froideur de la physique, une concrétisation d'un talent, celui de Romain Lucazeau qui s'installe au sommet de la montagne et nous invite au voyage.
Lien : https://justaword.fr/la-nuit..
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Je ne fais d'habitude pas référence aux autres livres de l'auteur, préférant juger une oeuvre seule, dans l'absolu. Je dois néanmoins préciser que je me suis délecté avec le tome 1 de "Latium" et que je lirai prochainement le 2. Je soutiens donc à fond un de nos auteurs qui n'a pas à faire ses preuves.

Ce livre m'a paru extrêmement lourd, avec des phrases beaucoup trop longues, qui représentent trop souvent des alignements de mots sans propositions, saupoudrées de termes complexes pour nous achever. Leur lecture est si pénible que je ne parviens souvent pas à en comprendre le sens ni l'intérêt. Si le début du livre fut assez facile en raison de la nouveauté et de l'espoir d'un tournant dans l'histoire, j'ai dû me faire violence pour lire les 100 dernières pages, sachant qu'à ce point j'avais perdu tout espoir qu'un sursaut se produise. (*)

Je comprends que le traitement de ce livre est poétique. Admirable. Ajoutons une couche de philosophie, cela passe parfaitement. Ajoutons quelques ingrédients, puis surcouches de science et l'on obtient un mélange sans début ni fin, sans passé ni futur. Totalement indigeste.

L'auteur y présente son bestiaire, à commencer par la fillette, un majordome et le faune, pour dériver sur différentes espèces cosmiques, dont il faut reconnaître que certaines sont très intéressantes. Mais il s'agit d'un énorme déballage de tout ce qui se fait en matière de notions et de vocabulaire pour nous perdre, qu'il soit érudit ou scientifique, dans des structurations improbables. On s'y noie la plupart du temps et, plus grave, pour constater qu'il n'y a strictement aucune histoire.

Nous passons à côté d'un immense Space Opera qui aurait pu être écrit sur 25 tomes et construit, structuré.

Il y a quelques rares moments de lecture très fluide et de descriptions merveilleuses. Les rares actions sont celles d'un roadtrip "universel" (au sens de "spatial", parcourant tout L Univers). Les faux dialogues sont en fait des exposés ou des échanges ampoulés.

Je vois certaines critiques prendre des pincettes, criant au chef d'oeuvre mais indiquant que certains auront des problèmes de lecture. Euphémisme traduisant leurs propres difficultés à lire et à statuer sur l'étiquette de chef d'oeuvre ? Ce n'est en effet pas le côté Hard SF qui rebutera le lecteur. Il n'est pas d'un niveau très difficile (hormis parfois le vocabulaire) et permet de comprendre les théories. C'est plutôt cette manière obscure de présenter les choses.

Le lecteur ne devrait pas avoir à supporter des exposés artificiellement si compliqués qu'ils en deviennent "barbares". Faut-il en permanence faire étalage des différents noms de particules, insister autant sur la différence entre la matière baryonique et la non-baryonique ? Il y aurait bien d'autres moyens plus habiles de signaler qu'il y a de la matière et du diffus.

Lucazeau est-il une sorte de Umberto Eco de la SF ? Il est populaire et un fer de lance de la nouvelle SF française, et tant mieux. Pourquoi un français comme lui n'aurait-il pas un jour un grand prix international ? Mais il a un tel niveau qu'il n'écrit pas pour tout le monde. Très bien ? Pas certain. Est-il réellement lisible par autre que lui-même ?

"Il en découlait des manoeuvres d'une telle complexité que L Observateur seul comprenait l'entièreté du plan de bataille." nous dit Romain.
Malheur ! Aucun de nous ne peut comprendre.

Suis-je trop inculte pour ce livre ? D'autres ont-ils réellement capacité à décortiquer un récit structuré tel que je l'ai décrit ? Aucune lecture de critique dithyrambique ne m'a convaincu. Un certain snobisme "germano-pratin" ne serait-il pas à l'oeuvre ?
Mon plaisir n'est pas de m'extasier devant de l'érudition, des références et des preuves d'un très haut niveau. Mon plaisir est de lire une oeuvre créative qui me guide de manière orchestrée vers des étonnements, questionnements, voire émerveillements successifs.

Ce ne fut pas le cas et j'en suis fort déçu.

(*) Signalé par un digne collègue de critique(1) : le style est parfois "étrange". Répétitions de mots, successions de non-propositions cadencées par des virgules au sein de très longues phrases et autres lourdeurs. Quel rôle a joué L Editeur ?
(1) https://www.ostramus.com/critique-la-nuit-du-faune-de-romain-lucazeau
Lien : https://www.patricedefreminv..
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C'est toujours avec appréhension que je commence un livre qui a déclenché un déferlement de critiques dithyrambiques lors de sa sortie : les commentaires des blogueurs engendrent de telles attentes (en ce qui me concerne) qu'elles sont souvent déçues. Alors j'ai patienté quelques mois que la vague reflue un peu, en espérant ainsi mieux apprécier ce roman qui s'écarte des sentiers battus.

(à noter, en hors sujet : la première fois que j'ai lu le titre, l'année dernière, j'ai pensé à un satyre (*). J'ai imaginé un être lubrique mi-homme mi-bouc, guettant sa proie, une bergère isolée. Caché derrière un arbre de la Grèce antique, il se préparait à ensorceler sa victime en jouant avec une flûte de pan. Et quand j'ai vu dans les commentaires que le premier personnage du livre était une petite fille, j'ai été très perplexe… Mais j'ai vite compris qu'il s'agissait ici d'un gentil faune !
(*) après quelques recherches, il s'avère que le faune est bien l'équivalent romain du satyre grec. Je n'étais pas très loin).

Comment présenter ce roman ? À la fois conte philosophique, space opera et oeuvre de hard SF, le texte fourmille de références littéraires et d'allégories. Sa taille modeste (moins de 300 pages) est inversement proportionnelle à sa densité.

Astrée est une petite fille en sa montagne, isolée depuis des millions d'années, et dernière représentante de son espèce. Un beau jour, un faune, membre d'une jeune espèce à l'aube de la civilisation (soit l'exact opposé d'Astrée) grimpe la montagne pour rencontrer ce qu'il croit être une divinité : il veut le savoir, car il croit que le savoir mène au pouvoir. Astrée s'empresse de balayer ses espoirs : la connaissance totale annihile le désir. Elle lui explique posément le cycle de l'évolution : la race des faunes, comme sa propre race, est condamnée à terme. Mais Polémas — c'est ainsi qu'elle a baptisé son visiteur — suscite son intérêt, elle qui ne connaissait plus la joie et qui se montre ravie à la perspective d'un changement. Elle décide de l'entraîner dans un voyage spatial, d'abord au sein du système solaire, puis au-delà, à la rencontre d'autres espèces et d'autres civilisations, pour lui montrer le devenir de celles-ci. Mais même Astrée, convaincue de tout savoir, en apprendra plus qu'elle ne se l'imaginait.

Servi par un texte soigné, de nombreuses références littéraires, et un sens du wordbuilding épatant, l'auteur ne se contente pas de nous faire voyager à travers l'univers ; il explore les théories physiques et astrophysiques — toujours présentées avec poésie — pour concevoir un « méta-cycle » de l'évolution des espèces, dépassant largement les limites du biologique. Les derniers chapitres offrent des perspectives fascinantes sur l'univers, mais impossible d'en parler sans en dévoiler trop.

Le roman sort clairement du cadre des histoires typiques de la science-fiction, il est plutôt un conte hors-norme, prétexte à réflexion. L'auteur nous propose sa vision de l'opposition entre la sagesse des anciens et l'envie de vivre des plus jeunes, ou encore — et surtout — son interprétation de l'entropie habituellement présentée comme inévitable. On est ici très loin des récits désespérants publiés sur le sujet, et l'intrigue réalise un saut qualitatif qui positionne le texte très au-dessus de la production sciencefictive commune.

La clef est là : l'auteur s'inscrit dans la lignée de ces grands penseurs d'autrefois, qui maîtrisaient à la fois les disciplines scientifiques les plus pointues et les humanités les plus exigeantes. Il nous avait déjà démontré, avec son précédent roman Latium, que la confrontation entre ces savoirs était fertile ; il continue avec La Nuit du Faune à nous offrir une science-fiction ambitieuse, accessible, philosophique, scientifique et poétique… sans négliger l'imaginaire.

Quand on le referme, on sait déjà qu'on le relira, un jour.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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Rompant avec la taille et le ton de Latium, Romain Lucazeau s'offre un voyage à travers l'espace et le temps, un conte philosophique spatio-temporel, avec La nuit du faune, rencontre du sauvage et du civilisé. Une plongée vertigineuse aux confins de notre univers, à la découverte d'autres peuples, d'autres civilisations, d'autres façons de penser, de comprendre le monde. À la découverte de nous, enfin.

Pour cette chronique, je vais partir de mes attentes en découvrant le livre. de ce qu'il éveillait en moi avant la lecture proprement dite. Voyant le titre pour la première fois, j'ai aussitôt pensé à cette pièce de Claude Debussy, le Prélude à l'après-midi d'un faune, composée entre 1892 et 1894 selon Wikipédia. Dans ce court poème musical inspiré de Mallarmé, un faune, fatigué de poursuivre les nymphes « s'abandonne à un sommeil voluptueux qu'anime le rêve d'un désir enfin réalisé : la possession complète de la nature entière » (a écrit Claude Debussy). Nous allons voir que cela entre en résonance avec le roman.
Mais avant, la couverture, magnifique et originale (sur le site d'Albin Michel, on parle de ce sensationnel travail d'Anouck Faure : https://www.albin-michel-imaginaire.fr/la-nuit-du-faune-de-romain-lucazeau-naissance-dune-couverture/), peut aller dans le sens de cette pièce musicale, toute en sensualité et en courbes gracieuses. Cependant, la couverture apporte également une note inquiétante, proche du chaos, avec cet arbre déraciné, ces ondulations et ces montagnes acérées.
L'auteur, de son côté, dès le début, a comme approuvé cette référence à Debussy avec cette réplique de la jeune fille qui accueille le faune en question : « Vous venez pour l'après-midi ? » (page 17).
Mais le faune, autre piste de réflexion, c'est aussi l'être sauvage par opposition à l'être civilisé, le dieu Pan face à Apollon dans la mythologie grecque. L'être poilu et frustre, qui apprécie la musique brute de la flûte qui porte son nom, par opposition à l'imberbe Apollon, auréolé d'or et de lumière, qui joue de la lyre, aux sonorités jugées plus douces. Et le fait que la jeune fille vive au sommet d'une montagne, comme les dieux au sommet de l'Olympe, appuie sur le côté mythologique de cette histoire.
Tout cela pour dire, qu'avant même d'entamer réellement la lecture de ce récit, j'avais des a priori, des images dans mon esprit. Et cela, sans parler des chroniques lues sur les différents blogs. Et alors ? Quel bilan après la lecture ?

Un faune, après une ascension périlleuse, parvient au sommet d'une montagne. Et il n'y trouve pas ce qu'il attendait. Il découvre une propriété avec tout le confort, occupé par une petite fille, Astrée. Elle vit seule, entourée de machines. Mais, on le devine rapidement, ce n'est pas une petite fille ordinaire. Plutôt, une survivante, d'une ancienne race, qui a vécu voilà très longtemps. Or, le faune s'interroge sur le devenir de son propre peuple. Il veut revenir parmi les siens en héros qui a triomphé de l'obstacle et rapporte des réponses. Alors, par ennui, Astrée va offrir au faune un voyage intersidéral en guise de réponse. Un voyage aux confins du système solaire, un voyage jusqu'au centre de notre univers, à la rencontre d'êtres fantastiques, de civilisations aux antipodes de la nôtre. Un voyage au pays de la connaissance.

Comme pas mal de lecteurs, j'ai eu du mal à entrer dans ce récit. D'ailleurs, j'ai préféré le laisser de côté quelques jours afin de lui offrir une vraie chance. Et j'ai bien fait. Car, pour profiter de la Nuit du faune, je ne pouvais pas me contenter de rapides plages de lecture entre deux tâches. Il m'a fallu lui accorder du temps plus long et un esprit à lui totalement dévoué. Et je me suis rappelé ma lecture De Voltaire et de ses contes philosophiques (car oui, j'ai lu Micromégas et Candide : merci le collège !). Je me suis rappelé que cela ne correspondait pas à mes habitudes et qu'il me fallait faire un léger effort pour me tourner vers une autre façon d'écrire. Et là, c'est un peu pareil, même si la distance n'est pas temporelle. Si, en lisant ce récit, l'on se laisse aller à penser à autre chose, la magie disparaît. C'est donc un ouvrage exigeant. Non pas à cause de son vocabulaire ou de ses notions qui, à quelques exceptions près, restent très abordables (et si certains mots restent obscurs, où est le problème ? Combien de fois, lors de mes lectures, ai-je glissé sur une notion que je ne maîtrisais qu'imparfaitement sans que le plaisir de l'histoire soit d'une quelconque manière entaché). Mais à cause de cette nécessité d'être tourné entièrement vers lui. Ce n'est pas le seul, mais, dans nos domaines littéraires (et dans les autres aussi, après tout), combien de romans n'ont pas besoin de tout notre cerveau disponible, tellement l'histoire est classique et les personnages attendus.
Donc, une fois cette mise en condition effectuée, j'ai pu profiter pleinement de ce voyage. Et je me suis régalé. Car Romain Lucazeau nous propose un panorama, sinon complet, du moins d'une grande richesse, d'autres façons de vivre le monde. le monde tel que nous le connaissons sur la Terre, mais aussi d'autres mondes, aux conditions totalement différentes. Et donc, aux points de vue radicalement différents également. D'où un regard extérieur bienvenu pour s'interroger sur les autres et aussi sur soi. Si l'on repense aux philosophes du siècle des lumières, certains d'entre eux imaginaient des êtres venus d'autres mondes, ou des habitants de pays éloignés, visitant la France et faisant des remarques fort pertinents sur les étrangetés de ce pays. Vu de l'extérieur, tout apparaît sous un jour différent et certaines évidences sautent aux yeux. Ici, Romain Lucazeau propose plutôt des visions autres, des échelles autres. Et cela permet de rêver d'abord, car la magie de l'évocation est grande, et de s'interroger ensuite sur notre avenir en tant que civilisation. Nos buts, notre longévité, nos choix...

Lire La nuit du faune a donc été pour moi une expérience, en ce sens que ce roman m'a forcé à sortir de ma positions confortable et ronronnante de lecteur. Il m'a fallu m'adapter (un peu) et cela, je ne le regrette aucunement. J'ai totalement adhéré, ensuite, aux choix de l'auteur et me suis laissé emporter par son talent de conteur et sa prose riche et précise. À ce que j'ai compris, Romain Lucazeau souhaite, pour son prochain ouvrage, explorer un autre genre encore, ne se reposant pas sur ses lauriers. Je serai, à coup sûr, de l'aventure.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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critiques presse (2)
Telerama
30 septembre 2021
Un dialogue aux accents voltairiens, servi par une phrase ample et lyrique.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
09 septembre 2021
Tout en décrivant un univers scientifique cohérent, la Nuit du Faune s’apparente à un conte philosophique, qui déploie plusieurs histoires enchâssées (les Jupitériens, les Ixiens, etc.) qui pourraient donner lieu à d’autres romans.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
Les peuples entrent en guerre, car ils ont le sentiment qu'une injustice a été commise et doit être réparée. Oui, dès l'ère la plus primitive, le scandale moral constitue un levier puissant pour faire couler le sang. Telle parcelle de l'univers, d'un champ, d'une montagne ou d'un astéroïde, me revient de droit, car j'étais là en premier, car je suis le plus nécessiteux, le meilleur, le plus noble ! Ou alors un trésor quelconque, un spécimen fécond à été enlevé, un totem souillé ... et, pire que tout, la dynamique destructrice, faite de vengeances et de violence réciproques, s'enclenche, indéfinie. Je suis sur que votre histoire fourmille de tels incidents.
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"Voilà ce que je veux. Pas pour moi, pour mon peuple. Le savoir, la connaissance. Et avec cela, le pouvoir, car les deux vont de pair.
_Le pouvoir de faire quoi ?
_Eh bien, fit-il avec une mine stupéfaite, comme si la réponse allait de soi: de terrasser mes ennemis, de maîtriser la nature, d'offrir l'abondance aux miens et de faire de ces terres, tout autour, un plaisant jardin.
_La véritable connaissance, répondit-elle, est incompatible avec un tel projet. Celui qui sait ne fait surtout rien. La vérité du monde demeure cachée à la plupart, car elle est insupportable à la vie."
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« Je demeurai des milliers d'années sans penser à ma véritable nature : un fossile vivant, une survivance.
« Aussi suis-je comme ce jardin, comme ces bosquets où nous nous promenons. Au fond, à l'intérieur, vous ne trouveriez qu'une vieille chose desséchée, un cadavre, incapable d'émerveillement. Car le charme du monde réside dans l'ignorance et la découverte, l'exploration, le désir.
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"A l'époque de ma naissance, murmura la fillette à l'oreille du faune, il y avait là un cyclone, si vaste que notre planète entière pouvait se loger dedans, et rouge, d'un rouge profond comme la blessure d'un titan, l'oeil même de la création, imaginai-je lorsque, pour la première fois, je la contemplai de mes propres yeux. Mais cela s'est perdu, ajouta-t-elle avec une pointe de nostalgie. On m'a dit un jour qu'il mourait et renaissait selon un cycle long de plusieurs centaines de millions d'années. Si l'on attend assez longtemps, tout se défait, et tout revient, même la grande tâche de Jupiter."
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"A l'horizon se levait, en guise de soleils, de lunes ou d'étoiles, un disque unique, qui emplissait la moitié du ciel, bien que vu de trois quarts. D'une brillance pâle, il semblait plus dense qu'une nébuleuse, moins qu'un corps céleste ordinaire, rayonnant tout de même de manière chaotique, changeante, tandis qu'en son sein clignotaient des milliers d'étoiles, piégées en orbite en spirale autour du centre. Parfois, un point chaud se formait, embrassait le ciel crépusculaire, puis se résorbait.
"Quel prodige! murmura Polémas.
_ Sagittarius A, répondit Astrée. Le terme de notre voyage. Le trou noir central, le pivot de la galaxie.
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Vidéo de Romain Lucazeau
Lecture de Romain LUCAZEAU : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Quelques mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
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