A l'heure où des agriculteurs manifestent sur les routes, et coincés que vous êtes peut-être parce que bloqués et incapables de bouger, «
Humus » est LE livre à lire sans attendre et sans modération.
Coup de coeur pour moi que ce livre parce qu'il me parle de mes doutes, de mon questionnement et interroge des choix qu'on peut faire parfois consciemment, parfois moins.
Avec cette histoire d'amitié entre deux copains d'AgroParisTech, Kevin et Arthur, ce sont deux facettes d'une même pièce qui nous sont exposées. Arthur et Kevin, c'est «
Amicalement vôtre » au XXIème siècle : Arthur c'est
Roger Moore : enfant de la bourgeoisie, il va tenter, après son école, de régénérer un champ familial autrefois cultivé par son grand-père en Normandie en mettant en sourdine son côté Brett St Clair.
Kevin c'est
Tony Curtis : issu de parents ouvriers agricoles, il va grimper les marches de l'ascenseur social quatre à quatre, et se retrouver propulsé au coeur des réseaux parisiens les plus branchés, soit un parfait « transfuge de classe » comme on le dit maintenant, en mettant de côté « Danny » Wilde et ses manières de mauvais garçon.
Leur point commun ? Outre une amitié indéfectible (un côté « Tous pour un, un pour tous ») ? Une passion pour la géodrilologie, c'est-à-dire l'étude de minuscules êtres vivants, « animaux fouisseurs qui contribuent au mélange permanent des couches du sol par leurs actions de macro-bioturbation et qui fournissent de nombreux services écosystémiques » nous dit Wikipédia, j'ai nommé le précieux VERS de TERRE, et tout simplement sauveur de l'humanité.
Car oui, la thèse de
Gaspard Koenig, incarné par Kevin et Arthur, c'est ce que ce sont ces petits êtres vivants qui pourraient sauver la planète, alors que les sols agricoles ont été considérablement appauvris par les nombreux pesticides qu'on y a injectés.
Si Arthur part vivre l'aventure d'une exploitation agricole sans herbicides, Kevin, lui, va s'acoquiner avec la redoutable Philippine, caricature de start-uppeuse parisienne, avec des dents capables de rayer tous les parquets du Ministère de Bercy.
Il faut dire que les personnages féminins sont bien mal traités : Anne, la compagne rencontrée en soirée étudiante, suivra d'abord Arthur en Normandie. Mais ce transfuge de classe dans le mauvais sens sera rapidement catalogué de « Looser » et rejoindra Kevin qui, lui, a tout d'un « winner ».
Il y a des scènes vraiment savoureuses dans ce livre, et je m'en suis régalée. Au summum, le week-end chez « Madame RSE » de L'Oréal, caricature de ces manifestations où l'Entre-Soi impose ses normes sociales qu'on se doit d'incarner.
Je suis persuadée que c'est du vécu, pour
Gaspard Koenig.
Mais le destin d'Arthur sera moins rose. Tout d'abord il a un problème avec son voisin : il veut planter des haies. Et les haies, on entend beaucoup parler en ce moment : toutes ces normes qu'il faut respecter pour en planter, c'est kafkaïen.
Et ensuite, proche de l'association « Extinction Rébellion », bien connue pour sa lutte de désobéissance civile contre l'effondrement écologique et le dérèglement climatique, il va se radicaliser.
Celui de Kevin ne sera guère mieux. Il y a un côté évidemment «
Illusions perdues »
De Balzac chez Koenig. Plus haut tu monteras (savoureuse scène au Ministère de Bercy), plus dure sera la chute – je n'en dirais pas plus pour ne pas divulgâcher le plaisir de la lecture.
Il n'en reste pas moins que l'auteur nous pose les bonnes questions.
Quel choix faut-il faire aujourd'hui ? Dans la sphère professionnelle, associative, ou sociale, comment agir ? Ou bien ne pas agir, ce qui signifie prendre aussi position aussi face à cette menace qui rode autour de notre planète ?
Et les vers de terre ? Ne pourraient-ils pas être l'une des solutions de demain ? Avec des composteurs individuels ou bien utilisés pour diminuer nos déchets collectifs ?
Ce sont tous les paradoxes de notre XXIème siècle que pointe
Gaspard Koenig. Entre promesse de progrès et insurrection écologique, entre amour impossible (les relations Femmes/hommes étant bien malmenées) et désespoir héroïque, comme le dit la dernière de couverture, c'est une histoire d'hommes et de femmes d'aujourd'hui qui nous est contée, et très bien racontée.
A découvrir sans attendre et sans modération.