Les parents ne meurent jamais

À 66 ans, en 2014, le journaliste et auteur Jan Krauze a publié ce bel hommage à ses parents polono-français tous deux ayant reçu la Légion d'honneur et la Croix de guerre pour faits de résistance pendant la dernière guerre mondiale.

L'auteur, né en 1948 à Angers, a été grand reporter pour l'Agence France-Presse (AFP) et le quotidien le Monde à Moscou, Varsovie, Vienne et Washington. Il a écrit plusieurs livres, parmi lesquels je tiens à mentionner "Les chevaux n'iront pas en enfer" de 2010.
Il vit actuellement comme éleveur de chevaux en Normandie.
Fait marquant : son fils, Nicolas Krauze, né également à Angers en 1974 et chef d'orchestre, a été nommé en 2018 premier chef de la Philharmonie Nationale d'Ukraine, à Kiev.

Si l'ouvrage ne compte même pas 200 pages, il constitue néanmoins le résultat de longues recherches pour reconstituer la vie de sa mère Jeanne Baffourd, née en 1912 et une résistante très discrète, et surtout de son père, Jerzy Krauze, un officier polonais né en 1914 à Iouzovka à l'époque en Russie et maintenant Donetsk en Ukraine.

La double biographie est donc basée en partie évidemment sur les propres souvenirs de l'auteur, mais complétée par le témoignage d'amis et de membres de la famille de ses parents, ainsi que de lettres, notes et données découvertes dans différentes archives polonaises, anglaises et françaises.

Cet hommage contient également une dizaine de photos en noir et blanc que Jan Krauze a récupérée de sa famille et qui illustrent agréablement son récit somme toute sobre et précis.

Jerzy (Georges en Français) et Jeanne se sont rencontrés en 1942 comme membres du même réseau de résistance franco-polonais F2, créé en juillet 1940 à Toulouse sous les auspices du gouvernement polonais en exil du général Wladyslaw Sikorski (1881-1943).

Ce sont les exploits du couple au sein du réseau F2 qui forment l'essentiel et le plus passionnant du récit. Jerzy qui, comme ingénieur et officier, a été chargé d'organiser l'ensemble du système d'une dizaine de postes émetteurs radio avec Londres sur tout le territoire français. Jeanne, dès 1941 comme agent secret "Lapin", responsable du chiffrement et déchiffrement des messages pour et en provenance de Londres, ainsi que comme courtier à bicyclette entre différents postes de résistance.

Leur engagement et courage m'ont rappelé les efforts comparables d'un autre couple de résistants, à savoir Jacques Trolley de Prévaux et son épouse Lotka Leitner, fusillés par les nazis le 9 août 1944.
Voir l'émouvante biographie de leur propre fille Aude Yung-de Prévaux "Un amour dans la tempête de l'histoire" et mon billet du 1er décembre 2018.

Outre les multiples honneurs et décorations qui leur ont été à juste titre d'ailleurs rendus, j'ai fort apprécié la boutade du supérieur de Jeanne Krauze-Baffourd, le colonel Zdzislaw Piatkiewicz, qui à propos de son sous-lieutenant Lapin lui a écrit après-guerre : "J'étais fier d'être votre chef."