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EAN : 9782020663410
96 pages
Seuil (01/01/2004)
4.5/5   4 notes
Résumé :
" Je suis un enfant de curé ", disait Lacan. " Eduqué par les Frères maristes, il fut un garçon pieux et acquit une connaissance sensible, intime, des tourments et des ruses de la spiritualité chrétienne. Il savait aussi merveilleusement parler aux catholiques et les apprivoiser à la psychanalyse. La Société de jésus misa sur son Ecole. Freud, vieil optimiste des Lumières, croyait que la religion n'était qu'une illusion, que dissiperaient dans l'avenir les progrès d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Freud annonçant que la psychanalyse, conjointe aux progrès de la science, se chargerait de révéler le caractère illusoire de la religion et la conduirait à sa disparition, faisait preuve d'un optimisme qui lui est assez peu familier. C'est que Freud n'avait pas eu assez d'années devant lui pour se figurer tout le « progrès » qu'allait parcourir la recherche scientifique, se marquant du surgissement de la position du savant (ou du sachant) comme position impossible parce que le discours scientifique ne peut « avancer » que de ce qu'il renonce à pouvoir attirer dans sa logique. Lors d'une intervention à la Grande Motte, Lacan déclarait en ce sens que la science « y arrive toujours, et c'est ce qui la rend sûre ; c'est qu'elle n'authentifie quoi que ce soit que quand elle en est sûre ; et là où elle n'est pas sûre, elle n'authentifie rien. Ça la fait sûre pour tout le monde. Moyennant quoi on ne peut pas dire que ça lui donne plus de sens. »


Quelques décennies après la mort de Freud, le discours de la science n'a pas cessé de prendre de l'ampleur. Ça ne s'arrête pas. « C'est seulement maintenant que les savants commencent à faire des crises d'angoisse », fait remarquer Lacan dans les années 70. Constituant une réalité dite objective par forclusion de tout ce qui ne colle pas avec son cadre et ses théories, le discours de la science fait naître l'angoisse, soit le manque du manque, et comme le manque est toujours imaginaire : le manque de ce qui devrait être apparent mais qui, étant rejeté, risque de nous revenir droit dessus. « Quel soulagement sublime ce serait pourtant si tout d'un coup on avait affaire à un véritable fléau, un fléau sorti des mains des biologistes. Ce serait vraiment un triomphe. Cela voudrait dire que l'humanité serait vraiment arrivée à quelque chose – sa propre destruction. Ce serait vraiment là le signe de la supériorité d'un être sur tous les autres. Non seulement sa propre destruction, mais la destruction de tout le monde vivant. Ce serait vraiment le signe que l'homme est capable de quelque chose. Mais cela fout tout de même un peu l'angoisse. »


La Chose forclose par le discours scientifique ne manque donc pas de continuer à produire des effets sous la forme de l'angoisse. Elle suscite alors en retour le besoin de s'apaiser par l'onction d'un certain miel religieux, de cette religion (qui ne se fait d'ailleurs jamais appeler comme telle mais qui se nomme progressisme, socialisme, humanisme, etc.) qui n'est qu'une forme dérivée du discours du maître en ce qu'elle conforte le paradigme dominant, rachetant l'angoisse qu'il génère par la promesse que personne n'aura plus besoin de se justifier de sa responsabilité aux yeux du monde. Cette sorte de religion gnostique, pourrions-nous dire, récupère l'angoisse générée par une forme de discours pour que celui-ci continue de se maintenir dans sa position dominante.


Le discours de la psychanalyse surgit à cet endroit-là, surgeon symptomatique de l'humanité fière de s'être émancipée de l'ancienne vieille religion, la catholique, qu'elle n'aimait plus à cause de ce qu'elle était castratrice, empêchante, parce qu'elle rappelait que chacun n'était que soi et rien d'autre, et en plus marqué dès l'origine par la division fondamentale, le péché originel. le discours de la science est évidemment plus plaisant à entendre. Il promet de vastes horizons de la connaissance à conquérir, le dépassement des limites propres à la condition humaine, le relativisme mouvant de la posture éthique, etc. Tout cela n'est pas donné gratuitement. L'angoisse est le prix à payer pour l'illusion de s'être libéré de sa responsabilité. « La psychanalyse est un symptôme. Seulement, il faut comprendre de quoi. Elle fait nettement partie de ce malaise de la civilisation dont Freud a parlé. »


Du discours de l'analyse ou du discours religieux, qui gagnera ? Lacan ne vise pas la « vraie » religion, la romaine qui, par l'Incarnation, la mort en croix et la kénose, représente l'assomption de la castration jusqu'au terme où elle permet l'amour dans la reconnaissance du manque structurel, de la place impossible à tenir en tant que totalité totalisante. Il parle avant tout des fausses religions, des petits discours dérivés du discours dominant, qui collaborent avec lui pour lui permettre de perdurer en dépit de la jouissance ruineuse qu'il colporte, de ces discours qui promettent le beurre et l'argent du beurre en échange de son âme, de ces discours qui font « de petites semonces aux personnes […], du genre « petit-petit-petit », comme on donne aux poulets ». Il existe un risque, pour la vraie religion, de se laisser absorber par la facilité de ces discours qui assurent leur domination en retirant, aux sujets sur lesquelles ils opèrent, la lourde responsabilité d'une considération éthique de leur parole et de leur agir. le discours scientifique, quant à lui, ne peut s'autoriser à poursuivre son déploiement qu'à condition de se soutenir des discours à tonalité religieuse qui se résument à cette croyance surmoïque : si je fais le bien que l'on veut de moi, alors je serais récompensé.


« Si la psychanalyse ne triomphe pas de la religion, c'est que la religion est increvable. La psychanalyse ne triomphera pas, elle survivra ou pas. » Nous savons que la religion est increvable et que sous ses formes scientifiques actuelles, elle essaie d'évacuer la psychanalyse (la vraie, celle de Freud et de Lacan) à grands coups de données statistiques au cul.


Cette courte transcription de deux conférences, données en réponse à l'interrogation d'un public ciblé de catholiques, est d'un accès facile, recommandable pour ceux qui pensent, à tort, que Lacan est imbitable. Réparties et profondeur de pensée alternent pour se condenser quelquefois en aphorismes redoutables. Il se peut que Lacan prolonge la parole du Christ en tant qu'il remet au centre de ses considérations la logique de l'inconscient. « Ai-je seulement réussi à faire passer en votre esprit les chaînes de cette topologie qui met au coeur de chacun de nous cette place béante d'où le rien nous interroge sur notre sexe et sur notre existence ? C'est là la place où nous avons à aimer le prochain comme nous-mêmes, parce qu'en lui cette place est la même. »
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Chacun sait que Freud était un grossier matérialiste. D’où vient alors qu’il n’ait pas su résoudre le problème, pourtant si facile, de l’instance morale par le recours classique de l’utilitarisme ?
Ce recours, c’est, en somme, l’habitude dans la conduite, recommandable pour le bien-être du groupe. C’est si simple, et en plus, c’est vrai. L’attrait de l’utilité est irrésistible, au point que l’on voit des gens se damner pour le plaisir de donner leurs commodités à ceux dont ils se sont mis en tête qu’ils ne pourraient vivre sans leur secours. […]
Il n’y a qu’une chose qui fait difficulté, c’est que, quels que soient le bienfait de l’utilité et l’extension de son règne, cela n’a strictement rien à faire avec la morale, qui consiste primordialement – comme Freud l’a vu, articulé et n’en a jamais varié, au contraire de bien des moralistes classiques, voire traditionalistes, voire socialistes – dans la frustration d’une jouissance, posée en loi apparemment avide.
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Accompagnant l’élan d’un de mes patients vers un peu de réel, avec lui je dérape sur ce que j’appellerai le credo de bêtises dont on ne sait si la psychologie contemporaine est le modèle ou la caricature. A savoir, le moi, considéré comme fonction de synthèse à la fois et d’intégration – la conscience, considérée comme l’achèvement de la vie – l’évolution, considérée comme la voie par où advient l’univers de la conscience – l’application catégorique de ce postulat au développement psychologique de l’individu – la notion de conduite, appliquée de façon unitaire pour décomposer jusqu’à la niaiserie tout dramatisme de la vie humaine. Tout va à camoufler ceci, que rien dans la vie concrète d’un seul individu ne permet de fonder l’idée qu’une telle finalité la conduise, qui la mènerait, par les voies d’une conscience progressive de soi que soutiendrait un développement naturel, à l’accord avec soi ainsi qu’au suffrage du monde d’où son bonheur dépend.
Il y a là des formes allégées de suggestion, si l'on peut dire, qui ne sont pas sans effet, et qui peuvent trouver d'intéressantes applications dans le champ du conformisme, voire de l'exploitation sociale.
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Non, la réflexion de Freud n’est pas humaniste. Rien ne permet de lui appliquer ce terme. Elle est pourtant de tolérance et de tempérament. Elle est humanitaire, disons-le, malgré les mauvais relents de ce mot en notre temps. Mais, chose curieuse, elle n’est pas progressiste, elle ne fait nulle foi à un mouvement de liberté immanent, ni à la conscience, ni à la masse. […]
La pensée de Freud s’en démarque. La douleur même lui paraît inutile. Le malaise de la civilisation lui paraît se résumer à ceci – tant de peine pour un résultat dont les structures terminales sont plutôt aggravantes. Les meilleurs sont ceux-là qui toujours plus exigent d'eux-mêmes. Qu'on laisse à la masse comme aussi bien à l'élite quelques moments de repos.
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La morale, comme la tradition antique nous l’enseigne, a trois niveaux, celui du souverain bien, celui de l’honnête, celui de l’utile.
Au niveau du souverain bien, la position de Freud est que le plaisir n’est pas le souverain bien. Il n’est pas non plus ce que la morale refuse. Il indique que le bien n’existe pas, et que le souverain bien ne saurait être représenté.
Ce n’est pas le dessein de Freud de faire de la psychanalyse comme l’esquisse de l’honnêteté de notre temps. Il est bien loin de Jung et de sa religiosité, qu’on est étonné de voir préférer dans des milieux catholiques, voire protestants, comme si la gnose païenne, voire une sorcellerie rustique, pouvaient renouveler les voies d’accès à l’Eternel.
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Le désir en tant qu’il apparaît chez Freud comme un objet nouveau pour la réflexion éthique, est à resituer dans l’intention de celui-ci.
Le propre de l’inconscient freudien est d’être traduisible – même là où il ne peut être traduit, c’est-à-dire en un certain point radical du symptôme, nommément du symptôme hystérique, qui est de la nature de l’indéchiffré, donc du déchiffrable, c’est-à-dire là où le symptôme n’est représenté dans l’inconscient que de se prêter à la fonction de ce qui se traduit.
Ce qui se traduit, c’est ce que l’on appelle techniquement le signifiant. C’est un élément qui présente ces deux dimensions, d’être lié synchroniquement à une batterie d’autres éléments qui lui sont substituables, et, d’autre part, d’être disponible pour un usage diachronique, c’est-à-dire la constitution d’une chaîne signifiante.
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Videos de Jacques Lacan (91) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Lacan
Les enfances, y compris la sienne, sont au coeur de l'oeuvre si ample de Françoise Dolto.
Née en 1908 dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne, la petite « Vava » semble avoir un destin tout tracé. On la voudrait rangée, elle dérange. Personne pour répondre à ses questions pressantes.
À huit ans, elle déclare : « Je serai médecin d'éducation. » Bientôt la violence de la guerre, les deuils, la mort de sa soeur aînée ravagent l'équilibre familial. Rejetée par sa mère, Françoise réussit néanmoins à imposer son choix et s'engage dans des études de médecine.
En deuxième année, elle s'effondre. Une psychanalyse scellera son destin.
En 1939, elle soutient sa thèse, "Psychanalyse et pédiatrie", seize cas minutieusement observés et accompagnés de dessins, qui contient déjà en germe son oeuvre future.
Pour elle, tout est langage, et ce depuis la vie prénatale.
Jacques Lacan est impressionné par son aptitude à approcher la névrose et la psychose infantiles.
Théorie et pratique, chez Françoise Dolto, vont de pair, l'une nourrissant l'autre : "Le Cas Dominique" en est la parfaite illustration. Elle ne cessera jamais de partager ses découvertes inaugurales avec son public favori : pédiatres, psychiatres, psychologues, parents et professionnels de l'éducation. Ses écrits répondent à une nécessité personnelle qui lui permet d'élaborer ses concepts fondamentaux, dont l'image inconsciente du corps sera le point d'orgue.
Parallèlement, toujours poussée par un souci de prévention, elle accepte une émission de radio grand public. Son « parler vrai », le grain de sa voix, le charme unique de ses mots font merveille. Elle est ce médecin d'éducation qu'elle rêvait d'être. Elle a changé à jamais le regard que l'on portait sur l'enfance.
Dans cette édition sont réunis les textes d'une pensée toujours vivante, en prise avec l'actualité la plus brûlante. Martine Bacherich, psychanalyste et auteure, en offre un éclairage sensible et inspiré.
"Françoise Dolto. Les voix de l'enfance", dans la collection Quarto : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Les-Voix-de-l-enfance
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