Tout petit, tout simple, gris, rance, glacé, frigide, horrible. Dans un style minimaliste est décrite la décadence d'une exploitation auvergnate (près de Riom ?) dont ne subsistent plus qu'un frère et une soeur, Marie et Jean, vieux célibataires taiseux, face aux « voisins » de l'autre côté de la route qui ont su prendre le train en marche de la modernisation agricole et de la société de consommation, et qui ont su se reproduire, eux – alors même que leur vieux père « allait en journée chez les uns et les autres » (68). « Maintenant, les voisins n'avaient plus rien de tout ça, jardin, poules, lapins ; ces femmes, les brus, faisaient certainement des cuisines qui ne demandaient pas de préparation, ou ça se nourrissait de surgelés, les maisons n'étaient plus tenues » (45). « Ils dépensaient beaucoup pour nourrir les quantités de bêtes qu'ils avaient, avec des aliments qui arrivaient par camions entiers, des aliments dont on ne comprenait pas le nom, déshydratés, broyés, de la pulpe, des arachides, des farines, et de l'herbe en bottes considérables et rectangulaires » (55). L'
histoire se suffirait à elle-même si elle n'était pas
traversée par le souvenir d'un assassinat et viol d'une jeune fille handicapée – on devine assez vite qui a pu faire le coup, mais le livre n'est pas un roman policier. Un autre souvenir, celui du fils préféré de la mère, mort prématurément d'un cancer, explique la fossilisation de la maison, « Pierre, l'aîné, le dru, l'enfant élu, désigné, l'héritier, le compagnon, le voulu, le premier, le seul, l'embrassé » (96). Les phrases sont courtes, les dialogues ne sont autorisés qu'au style indirect ou sans ponctuation, ce qui gèle d'autant plus la narration. « Rutiler était dans les grilles de mots croisés que la mère remplissait au crayon, les soirs, d'abord sans dictionnaire, puis, pour finir, avec le dictionnaire. Les cuivres devaient rutiler. On les frottait régulièrement. (…) du vivant de la mère, les cuivres avaient toujours rutilé. Trois mois après sa mort, Marie les avait enlevés. Ils n'étaient plus propres, ils ne le seraient plus, elle ne les ferait pas, la mère disait faire les cuivres on les a faits il faut les faire tu les feras demain après-midi je t'aiderai » (41).
Bien mieux que le petit dernier de MH. Lafon, "L'
histoire du fils" !