Mais qui sont-ils ces derniers indiens ? quelques sioux échappés du massacre de Wounded Knee ? non, vous n'y êtes pas du tout. Simplement des paysans auvergnats, d'une famille fin de race, n'ayant ni su ni voulu s'adapter aux nouveaux modes de vie.
Jean et Marie, le frère et la soeur, sont désormais seuls dans la vaste ferme ayant abrité quatre générations de Santoire. Retraités, oisifs désormais, se sentant inutiles, ils ont toujours vécu sous la férule de la mère, que Marie n'a jamais appelé maman, femme rigide, corsetée dans ses principes rigoureux, ne souffrant aucune dérogation, ayant étouffé chez ses enfants la moindre velléité d'autonomie, et passant son temps à critiquer les voisins, ces Lavigne, qui osent moderniser leur exploitation, évoluer avec les nouvelles techniques et vivre d'une façon indigne d'un bon chrétien !
Elle n'a pas de mot assez fort pour les condamner, la mère !
Et malgré son décès, "les deux petits" sont restés incapables de se détacher de son emprise maléfique. "depuis la mort de la mère leurs deux vies étaient comme une seule et longue pause trouée de gestes rares et nécessaires".
Chez ces gens-là, on ne vit pas, on végète et on regarde les autres entreprendre, faire des enfants, s'agiter, s'amuser, bouger, prospérer, rire, exister enfin.....
Et Marie, la vieille fille passive, d'occuper désormais son temps à guetter inlassablement les moindres faits et gestes des voisins, à se poser d'innombrables questions sur leurs vies, à se demander quel fut le sort de l'Alice ....
Marie-Hélène Lafon, d'une écriture précise et méticuleuse fouille inlassablement dans les abîmes du coeur de Marie pour en extraire ses peurs, ses frustrations, ses désirs inassouvis. Sans relâche, elle remâche les regrets de cette femme qui jadis fut jeune avant de devenir cette personne desséchée grâce aux bons soins de sa mère-araignée, qui n'a jamais aimé personne d'autre que le fils aîné, mort prématurément.
Elle en trace un portrait vivant, émouvant et d'une implacable dureté, sidérant par son réalisme cru et pointilleux.
De la belle ouvrage, comme les broderies savantes et élaborées que créait jadis la tante de Marie.