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EAN : 9782253060956
1304 pages
Le Livre de Poche (01/08/1992)
4.12/5   13 notes
Résumé :
Afin d'obtenir de quoi vivre pendant les six mois qui lui étaient nécessaires pour finir d'écrire Les Corps tranquilles, Jacques Laurent inventa Cecil Saint-Laurent qui devint célèbre en écrivant Caroline chérie (deux millions d'exemplaires en France, quatorze traductions). Cet immense succès lui permit d'achever avec un total désintéressement Les Corps tranquilles qui, publié en 1950, choqua parce qu'il ne transigeait ni avec la mode de l'époque, ni avec la traditi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Attention chef d'oeuvre, hélas presque inconnu.
Je le déplore, car c'est l'un de mes livres préférés, et je tiens son auteur pour l'un des plus grans écrivains du vingtième siècle.
Paru en 1948, il n'eut aucun succès car à contre-courant des modes de l'époque; il fut publié en même temps qu'un autre livre de l'auteur, Caroline Chérie, signé Cécil Saint-Laurent, et premier d'une série de romans historiques qui rencontrèrent un grand succés jusqu'à la fin des années 60. Si les romans de Cécil Saint-Laurent n'ont rien de déshonorants et sont même très supérieurs à la majorité des romans historiques, car bien écrits et comportant un minimum d'erreurs eu égard aux standards du genre, ils ont eu le grand tort d'empêcher Jacques Laurent d'écrire pendant plus de vingt ans (il est vrai qu'ils lui rapportèrent pas mal d'argent)
Et puis Jacques Laurent ressuscita en 1971 avec la parution des Betises, qui bénéficia à la surprise générale d'un accueil favorable de la critique (l'auteur était mal pensant et cela contribua à sa longue éclipse, autant et plus que le "mauvais genre" des productions de Cécil) au point qu'il obtint même le Prix Goncourt (eh oui, personne ne peut se tromper tout le temps.
Jacques Laurent écrivit par la suite une demi-douzaine de volumes, excellants d'ailleurs, notamment Les sous-ensembles flous et le miroir aux tiroirs.
Néanmoins Les Corps Tranquuilles reste son plus grand livre, et h&las le plus difficile à trouver.
Bien que réédité plusieurs fois après la parution des Bêtises, il n'en existe aujourd'hui aucune édition disponible en librairie. On peut heureusement, le trouver facilement d'occasion et à un prix modique sur Internet.
Par parenthèse, grâces soient rendues ne serait-ce que pour cela à cette invention qui fait entre autre chose le bonheur des amateurs de livres épuisés, surtout quand on pense à la triste époque pré-web où ces ouvrages devaient faire l'objet d'une traque fastidieuse et pas toujours payée de retour chez les bouquinistes.
Venons-en au fait.
Ce livre est bien difficile à définir car c'est pusieurs choses à la fois, et il n'est pas racontable; on peut seulement le lire, le relire, et le lire encore; c'est ce que fais réguliérement depuis cinquante ans, avec peut-être une douzaine d'autres ouvrages assez éclectiques, et parfois même mauvais genre
Mais essayons quand même.
D'abord c'est un livre total (quoi que cela puisse signifier, mais c'en est un)
C'est un portrait de l'année 1937 (exactement devant la période comrpise entre le printemps 1937 et le printemps 1938) à travers les vies entremêlées d'une douzaine de personnages principaux, dont la plupart sont réunis au départ par un improbable Institut de lutte contre le suicide créé pour des raisons obscures par un milliardaire portugis qui n'existe d'ailleurs peut-être pas.
Ce portrait est à la fois totalement ressemblant et totalement déconnecté de l'année 1937 telle que nous la voyons à travers les livres d'histoire.
Mais justement: en 2022, qu'est-ce qui a vraiment compté le plus pour vous? La guerre en Ukraine ou les péripéties de votre vie personnelle? Eh bien les personnages des Corps Tranquilles sont comme vous, et c'est pour cela qu'ils vous en disent infiniement plus sur la vérité de la France de l'entre-deux- guerre qu'un roman historique qui vous trainerait de Madrid à Munich en passant par un certain nombre de capitales européennes,à tel point qu'on se surprend à penser qu'on a soi-même vécu l'année 1937
Les personnages sont profondément originaux et totalement vraisemblables; à la fin du livre, on a l'impression de les connaître tant l'auteur réussit à les peindre et à nous faire partager leurs vies inimitables et leurs pensées intimes, au point qu'on regrette que le livre ne fasse pas mille pages de plus, et que lorqu'on le referme, on soit sûr qu'on le relire un jour. On le relit d'ailleurs, et, comme dans toutes les grandes oeuvres, on y découvre quelque chose de nouveau à chaque lecture
Je viens de le relire d'ailleurs, d'où cette critique.
Et le héros? Il n'y a pas de héros. Cependant, parmi les personnages principaux, il y e na peut-être un plus principal que les autres; il s'agit d'Anne Coquet (*), aimable ludion, enpartie avatar de l'auteur, qui y a mis beaucoup de lui, mais pas tout, et en a mis aussi dans d'autres personnages je ne vous dis pas lesquels et pouruoi, vous lirez tout cela. Anne Coquet est un peu à Jacques Laurent ce que le narrateur de la Recherche est au cher Marcel; la comparaison paraître sacrilège à certains, le Proustien que je suis peut le comprendre, et pourtant elle ne l'est pas.

(*) Depuis Anne,ou Annas, grand prêtre du temple de Jérusalem et beau-père de Caïphe, Anne est aussi un prénom masculin, porté par divers personnages de l'histoire de France, dont Anne de Montmorency, Connétable de France.
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Ce long roman de Jacques Laurent est paru en 1956 en Livre de Poche, aux Editions de la Table Ronde, en 3 tomes :
- La ritournelle, T1
- de l'utilité des femmes, T2
- le suicide de Dieu, T3

Les titres de chacun de ces tomes correspondent parfaitement aux thèmes récurrents.
La création d'un fumeux « Institut International de Vigilance, de Recherche et de Lutte contre le Suicide » réunit, sur embauches, des personnages aux origines diverses qui forment une équipe hétéroclite d'employés à ne pas faire grand-chose.

Le plus attachant est Anne Coquet, le personnage central, un jeune écrivaillon qui s'ennuie et qui aime plusieurs femmes, tout en éprouvant à l'occasion des envies homosexuelles.

Comme Anne Coquet, le narrateur traînasse à dessein, se perd, nous perd dans de longues descriptions, à la subjectivité marquée, de la société parisienne, et provinciale, des années d'après-guerre.

La peinture est péjorative. La critique sociale est amère, précise, pointilleuse, et en même temps désabusée, comme l'est Anne Coquet. L'idéologie véhiculée est clairement celle de l'écrivain de droite qui critiquera férocement l'existentialisme. le contexte est celui d'une époque déboussolée par l'immense tragédie de la Seconde Guerre Mondiale et le brutal bouleversement des moeurs qui lui succèdent.

La structure romanesque est inhabituelle, et dérangeante, et annonce le Nouveau Roman. Anne Coquet tourne en rond ; il s'en rend compte, souhaite de temps en temps rompre la boucle, mais en est empêché par sa propension à « ne vouloir rien provoquer » qui pourrait changer le cours de sa vie. de ce fait, les rêveries, les errances textuelles, les digressions sont nombreuses, parfois d'une longueur à agacer le lecteur.
Mais l'ensemble est prenant.

Il faut lire ce livre, auquel on n'a peut-être pas attaché l'importance qu'il mérite dans l'histoire littéraire française, peut-être à cause du passé maurrassien puis vichyste de l'auteur.

A noter : Jacques Laurent est beaucoup plus célèbre sous le pseudonyme de Cecil Saint-Laurent, l'auteur de « Caroline Chérie ».
En 1971, Jacques Laurent obtient le prix Goncourt pour le roman « Les Bêtises », et le Grand Prix de Littérature de l'Académie Française pour l'ensemble de son oeuvre. Il est élu à l'Académie Française en 1986, et meurt en 2000.

Patryck Froissart
Plateau Caillou, le 4 avril 2009

Lien : http://proesie.kazeo.com/
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
L'après-midi, à la bibliothèque Sainte-Genevièvre, il avait regardé ce verger rectangulaire de têtes et d'épaules alignés selon le cordeau des tables. Parmi les nuques rasées et les épaules angulaires des garçons, les chevelures féminines coulaient sur des épaules arrondies. Combien de filles, là, aux jambes serrées, épelant Hegel, expertisant Kant, annotant Népomucène Lemercier, reconstituant la politique de la Maison d'Autriche, constatant la commune genèse sanscrite de l'adjectif « ambigu » et de l'adjectif « amphigourique, débattant de savoir si la lumière réclamée par Goethe était propre ou figurée, détaillant la reproduction chez les phanérogrammes vasculaires, jaugeant la politique des pourboires, reconstituant les équations de Lorentz, critiquant la loi des trois états, remontant l'évolution de la responsabilité juridique, discriminant les influences subies par Gérard de Nerval, s'initiant à la colère dans le traité de psychologie de Dumas, évaluant le raisonnement par récurrence , plongeant dans le théâtre élisabéthain, mettant au pas les carbures, lisant un livre de Jules Romain en attendant la camarade avec qui elle ira dîner, numérotant les perversions sexuelles de Baudelaire, apprenant la fonction glycogénique du foie, coupant les pages de La Nouvelle Revue Française achetée avec Votre Beauté, au kiosque du Panthéon, pesant les planètes, soupesant les manuels, braquant les dictionnaires, résumant Freud, schématisant un glacier, jugeant Gladstone, retraçant la tradition érotique en langue d'oïl, apprenant le cocuage de Musset, comptant les ressources de la Nouvelle-Guinée, mettant à sa place la théorie de la plus-value, embrouillant électrons et atomes, pensant donc étant, inventoriant le transformisme, commentant la loi de Mendel, expliquant Madame Bovary, réitérant la formation d'un delta, parallélant l'amour chez les héros de Racine et chez ceux de Hugo, effleurant le goût de Chateaubriand pour sa sœur, épluchant la constitution des États-Unis, traitant les acides, pelotant le radium, analysant le traite de Westphalie, rassemblant tout ce qui doit être su du pentamètre, pensant que le jeune homme au visage maigre-mat qui commente La Princesse de Clèves n'est pas venu s'asseoir à sa place habituelle, recensant les fonctions algébriques, délimitant l'emploi de « ut », déterminant les modalités du jugement, annotant la culture du colza, fichant le Décaméron, exposant Les Bijoux indiscrets, esquissant la paléontologie du pied de cheval, explorant les sources du naturalisme, calculant l'angle d'incidence, rappelant la loi sur les successions, dessinant une amibe, supputant le processus de reproduction chez les mammifères, apaisant la querelle des Investitures, affranchissant l'esclave Procus sous Caligula, supposant A fonction de B, prévoyant et punissant le faux et l'usage de faux, se fondant sur le traité de Verdun, motivant le quiétisme, dénouant le sentiment de Bérénice pour Titus, divisant en trois parties a rencontre d'Ulysse et de Nausicaa, légiférant les oscillations du pendule, relisant pour son plaisir les Contes de La Fontaine, rapportant impartialement la fureur d'Othello, additionnant les coalitions, fouillant le caractère du chlore, contresignant le traité de Paris, dépeignant Bussy-Rabutin, enrégimentant les intégrales, découpant Léonard de Vinci, reconnaissant le droit d'association, dépiautant Port-Royal, enquêtant à propos du théâtre sous la Terreur, pourchassant l'esprit du législateur, compilant les versions de Don Juan, énumérant les vertus des humanités, départageant les vrais Giogione des faux Giorgione, vérifiant l'emploi de digamma, contrôlant la rareté des apax ! L'étudiant les avait contemplées, ces filles assises autour des tables, au milieu des garçons, ou debout à compulser le dos des livres sur les rayons, ou cheminant vers les w.-c. « Il y en a tant, parmi elles, qui ne demanderaient qu'à baiser, qui n'osent pas le laisser entendre, à qui je n'ose pas le demander. Que ma situation soit tragique, il n'en faut pas douter... puisque je bande seul, souvent, et pour rien. C'est la nature la plus naturelle qui exige que je baise, simplement. Et je ne baise pas. Je mange et bois sans baiser.
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Jacques Laurent évoque son passage à Vichy .
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