Comment parler de ce livre singulier ? A vrai dire, je ne sais trop par où commencer.
Il est qualifié de « roman* » avec un astérisque qui ne renvoie à aucune explication.
Or, un roman raconte une histoire. Ici, il n'y en a pas vraiment. le personnage principal est également le narrateur. Mais pas toujours. Il se nomme Jacques Mellery et, à mon avis, c'est un double de
Thomas Lavachery : son patronyme se termine de la même façon, il veut devenir écrivain et annonce qu'un jour, il sera bel et bien publié.
Le titre me semble déroutant. En effet, de netsuke il sera à peine question. Jacques collectionne des objets étonnants, comme pour constituer un cabinet de curiosités. C'est pourquoi, avant même l'arrivée des vendeurs, il se rend sur la Place du Jeu de Balle et son marché aux Puces, afin d'être parmi les premiers à dénicher de bonnes affaires. C'est là qu'il croise Monsieur Mermans, « un homme discret (…) passé de la brocante aux antiquités de prestige, [qui] posa devant [lui] une petite sculpture. -Ton héritage, dit-il. » Il s'agit d'un netsuke en bois de cerf que Jacques conservera précieusement, comme une amulette.
Quand nous étions jeunes, mon mari et moi en avions acquis quelques uns dont le marchand nous avait expliqué qu'ils ornaient le pommeau des sabres de samouraïs. Mais je viens de lire une autre interprétation. Ils auraient servi à attacher à la ceinture du kimono une sorte de bourse contenant les biens de la personne qui ne pouvait les conserver dans ses poches, ce vêtement en étant dépourvu. Ainsi, tel
le netsuke, Jacques sert de lien à toutes les personnes et anecdotes constituant ce récit.
Au moment où commence l'histoire, Jacques a seize ans. Sa mère est décédée. Son père « une personne passive, mutique, une espèce de rêveur sage ». Jacques l'aime, bien sûr, mais n'ayant rien en commun avec lui, il passe le plus clair de son temps à l'extérieur, et, comme il est sympathique, il a beaucoup d'amis. Deux d'entre eux, en particulier, lui fournissent des familles de substitution et il vit plus souvent chez eux que chez lui. Les Flausse ont une cousine, Liliane, une jeune femme assez étrange dont Jacques tombe éperdument amoureux. Chez les Deroo, il fait la connaissance d'une voisine qui ne se montre jamais sans un masque. On dit qu'elle souffre d'une maladie qui lui mange le visage. Cette Anna Olt est une Hongroise éprise de littérature qui lui ouvrira peut-être un avenir d'écrivain en corrigeant ses textes.
Alors que ses amis et lui jouaient au football dans un parc, ils sont pris à partie par une bande de loubards dont l'un s'acharne particulièrement sur Jacques. Mortifié, celui-ci se jure de prendre un jour sa revanche. Il s'inscrit au cours de boxe de Monsieur Timmermans et c'est là qu'il rencontre Eddy Frissen, serveur au « Tabellion », prestigieux établissement du centre ville. Mais Eddy préfère se présenter comme le second du coach. Il prend Jacques sous son aile et, plus tard, les rôles s'inverseront.
Il y a aussi Florence Cheruel, la meilleure amie de Jacques. Elle illustre bien cette maxime qui dit que les contraires s'attirent : elle est une élève brillante, alors que lui est un cancre qui fréquente plus volontiers l'école buissonnière.
Jacques nous entraîne à sa suite dans les rues de Bruxelles, ce que j'apprécie tout particulièrement, d'autant qu'il vit dans un quartier que je connais très bien : Avenues Albert ou Brugmann, rue Darwin, ou, plus loin, les Galeries Saint-Hubert ou la Place du Jeu de Balle.
Le lecteur passera avec lui une bonne partie de sa vie, allant de l'adolescence à l'âge adulte et il rencontrera une foule de personnages hauts en couleurs. Il aura même le privilège de lire les premières pages de sa nouvelle « L'Espion » qu'il avait commencée en collaboration avec Anna.
J'ai adoré ce roman. Mon seul reproche est adressé à la maison d'édition : le texte est pâle et écrit en petits caractères ce qui est très fatigant pour qui n'a plus des yeux de vingt ans.