Au « Musée » (??!!) d'Auschwitz il existe un livre d'or que ceux qui visitent le camp, s'ils sont notables, des chefs d'État ou de gouvernement, des stars de cinéma, des sportifs célèbres sont invités à signer.
Ce sont ces graffitis, que personne ne lit, sauf les gardiens du lieu, qu'
Adrien le Bihan passe en revue dans ce livre. Il a tenté de comprendre les commentaires qu'ils ont laissés sur le papier, à la lumière de leur propre histoire ou des événements du moment et en les confrontant aux témoignages de
Primo Levi , le chimiste et de
Tadeusz Borowski, le journaliste mécréant et lucide : tous deux « rescapés » des camps et dont les récits sont loin de tout sentimentalisme.
Bien sur les remarques acerbes à l'encontre de certains personnages ainsi que les mises au point historiques sur ces années depuis 1945 ne plairont pas à tous. Mais ce petit livre impitoyable est un grand livre.
Que dire, en effet de ces lieux sauvages, efficaces.et sombres ?
Si l'on est allergique à la pensée binaire et à toute forme de manichéisme : comment dire ? Qui peut dire ? Comment communiquer ?
Même primo Levi : « Nous, les survivants, ne sommes pas les vrais témoins […], nous sommes ceux qui, grâce à la prévarication, l'habileté ou la chance, n'ont pas touché le fond. Ceux qui […] ont vu la Gorgone, ne sont pas revenus pour raconter […]. Les engloutis, même s'ils avaient eu une plume et du papier, n'auraient pas témoigné, parce que leur mort avait commencé avant la mort corporelle. Des semaines et des mois avant de s'éteindre, ils avaient déjà perdu la force d'observer, de se souvenir, de prendre la mesure des choses et de s'exprimer. Nous, nous parlons à leur place, par délégation. »
Et pour
Adrien le Bihan « tous les visiteurs d'Auschwitz se trouvent dans le même cas : le pire de ce qui eut lieu, ils ne peuvent pas se le figurer. Les deux grands écrivains d'Auschwitz,
Tadeusz Borowski et
Primo Levi, les laissent, et nous avec, devant ce trou noir. »
Nous touchons là aux limites du langage et donc à la limite de la compréhension et de la compassion.
Mais ne nous y trompons pas .Que sommes nous, tous, de plus ou de moins que les illustres signataires des graffitis ?
Cf. aussi : le livre d'
Otto Dov Kulka :
Paysages de la Métropole de la Mort/