Ancêtre vénérable de Dracula et des vampires populaires de nos jours,
Carmilla est un texte trop souvent mal-cité, qui a surtout inspiré de mauvais B-movies n'ayant retenu du livre que son érotisme sous-latent, et le transformant en de la mauvaise pornographie.
Au départ,
Carmilla, c'est une nouvelle d'une centaine de pages écrite par l'écrivain irlandais
Sheridan le Fanu.
A cette époque,
Le Fanu n'allait pas très bien. Sa femme était morte d'une maladie, et il se sentait coupable de ne pas avoir pu la sauver. Cette culpabilité et cette idée de la science contre l'obscurantisme se ressent dans son oeuvre, y compris dans
Carmilla.
A nos yeux, le texte accuse quelques sérieux clichés: le château bien gothique comme il faut, l'héroïne on ne peut plus naïve, pour ne pas dire neuneu...
Autrement, c'est une excellente nouvelle de vampire. La
Carmilla éponyme est un personnage fascinant, pleine de sensualité et de sexualité, mais qui, je trouve, reste trop reléguée au rang de monstre de service. le fait, par exemple, qu'elle finisse par ressentir une attirance sexuelle envers sa victime aurait mérité d'être approfondie. Mais c'est vrai qu'à l'époque, un sous-texte aussi ouvertement sexuel était déjà beaucoup...
L'autre défaut de la nouvelle, c'est sa fin. Trop sanglante, trop expéditive. Il y a une lente montée dans l'horreur, très bien calculée, très bien faite, qui est ruinée par le moment où le Général arrive, apportant avec lui la clé de l'énigme. Il eut été préférable que la vampire gagne, cela aurait convenu au thème très sombre du livre ! Mais ce Général représente la médecine moderne, qui combat et triomphe des maladies obscures -
Carmilla-. C'est la revanche de le Fanu sur la mort de sa femme, de pouvoir sauver son héroïne des mains du mal insidieux.
A chacun son analyse, mais quoi qu'il en soit,
Carmilla est un pilier de la littérature de vampire, et donc de la littérature fantastique tout court.
Carmilla, c'est non seulement la première vampire lesbienne littéraire de l'histoire, mais c'est aussi la première vampire qui n'est pas un monstre difforme comme le Dracula à venir -oubliez
Christopher Lee, le Dracula de Stoker et plus proche du Nosferatu de Murnau-, mais une créature sombre et séduisante, métaphore du désir interdit.
Si le texte a pris un coup de vieux, il n'en reste pas moins incontournable.