Ce beau livre des éditions
Christian Bourgois, avec en couverture un détail de « L'Énigme de l'heure » (1911) de Chirico s'intitule « Kriss suivi de L'Homme de Porlock ».
Deux textes donc (pièces de théâtre ?!) assez différents mais tous deux brefs et percutants. Page 84,
Linda Lê emploie le mot « scène », ce qui me réconforte dans ma qualification théâtrale.
Sans « bain de sang », Kriss, revisite le mythe d'Électre en 1983, en Californie, sur fond de guerre du Vietnam. Selon le site du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales, le kriss (ou criss) est un « long poignard malais, à manche oblique et à lame généralement ondulée ». C'est ici aussi le nom de la soeur meurtrie qui attend le retour de Stan qui se fera passer pour un ami et dira que le vrai Stan est mort. Je me suis un peu intéressée pour l'occasion à la signification du prénom Stan qui « est le diminutif du prénom Stanislas, qui en vieux slave se traduit par "se dresser" et "gloire". En vieil anglais, "Stan" signifie "pierre" ». Un prénom fort bien choisi donc.
Si comme moi, vous ne connaissiez pas le sphex à ailes jaunes, la métaphore du triple coup est extraordinaire.
Un texte dramatique qui rappelle incidemment l'indicible horreur de la guerre.
« L'Homme de Porlock » est un dialogue très animé entre trois muses (?!) Daimôn, Bobok et Brownie d'un écrivain dont la soeur est morte après six mois de souffrances atroces. C'est un débat qui constitue une fort intéressante réflexion sur la création littéraire. Trois brillantes références à
Georg Trakl,
Elizabeth Browning et
Samuel Taylor Coleridge (auteur du « Dit du vieux marin »). Est-il souhaitable d'écrire des « livre pleins de fureur, comme une tempête sous un crâne. Des livres comme de la braise, qui vous brûlent les doigts. Des livres qui vous déchirent le coeur comme la révélation d'un amour interdit » (p. 97) ou de ne rien écrire du tout ?
Deux textes qui se lisent vite et qui font méditer longtemps. Mon admiration pour
Linda Lê reste intacte.