Qu'on l'apprécie ou pas,
Jean-Marie le Pen a clairement été un grand homme politique français, et a marqué profondément la Ve République. Ce deuxième tome de ses mémoires était attendu à ce titre, et parce que le premier tome s'était arrêté juste avant la fondation du Front National en 1973.
Ce second tome est donc consacré aux coulisses de ce qu'a été ce parti, comment il s'est construit, ses premières dissensions, puis ses premiers succès, la diabolisation dès que Chirac a pris la tête de la Droite, puis comment le Front National s'est retrouvé marginalisé par l'ensemble du système républicain, alors que justement
Jean-Marie le Pen avait refusé de céder face aux éléments antirépublicains qui avaient constitué le parti à ses débuts (Ordre Nouveau en tête, dont nombre de ses cadres finiront au RPR, comme quoi, en Politique, rares sont les hommes de conviction, qu'ils soient de gauche ou de droite...).
Le Pen passe rapidement sur certaines affaires politico-judiciaires, mais s'attarde volontiers sur l'affaire du détail, celle de Carpentras, puis celle de Mantes-la-Jolie, où il présente sa version et se fait son propre avocat, tant les médias ne lui ont jamais permis de donner sa version et l'ont toujours attaqué.
Mais les affaires ne sont pas le coeur de ce livre: c'est bien le Front National qui est le sujet de ce deuxième tome des mémoires de JMLP. Et autant les choses sont très fournies sur la période 1973-1997, autant les dernières années, après la scission mégrétiste, passent en un clin d'oeil. JMLP admet du bout des lèvres avoir commis l'erreur de mettre en avant sa fille, par fierté paternelle plus que pour ses compétences, mais nous n'aurons pas plus de sa part: le vieil homme entend préserver la paix retrouvée avec ses filles, plutôt que de parler de vieilles querelles devenues sans objet. Difficile de lui en vouloir, même si on reste sur sa faim et que l'on aurait aimé en apprendre plus sur les conditions de la passation de pouvoir et l'état d'esprit qui régnait au FN entre 2007 et 2010...
La fin de l'ouvrage est rédigée par un homme qui sait que sa fin approche, et fait le bilan de son existence. Touchante sans être larmoyante, cette partie est pourtant répétitive, comme si une fois de plus, JMLP avait du mal à quitter la scène et clore son travail. Là encore, difficile de lui en vouloir, d'autant que c'est peut être ici qu'il se révèle le plus humain et fragile.
En refermant ce livre, il reste un sentiment de tristesse, tant cet homme aura eu une existence exceptionnelle sans pourtant pouvoir en récolter les fruits. Loin du diable personnifié dont les médias font trop souvent le portrait,
Jean-Marie le Pen a été un grand homme politique qui a su voir les grands problèmes de notre société actuelle 40 ans avant qu'ils ne se produisent, mais n'a su trouver les mots justes pour toucher le coeur de ses compatriotes, et n'a su éviter les écueils que semaient ses adversaires avec toute la puissance médiatique qui était la leur.