Boston,
Les années ont passé, Patrick Kenzie et Angela Gennaro n'ont plus leur bureau de détectives privés dans le clocher de l'église de Dorchester. A quarante-deux ans (tous les deux), Angie prend des cours en sociologie et Pat travaille, par intermittence, pour une importante agence de surveillance, en espérant être recruté de façon permanente. L'époque est en crise, être un simple salarié et pouvoir bénéficier d'avantages sociaux devient une aspiration récurrente pour le couple. Il faudrait seulement que Patrick calme ses ardeurs et soit un peu plus conciliant avec les clients...
Pat et Angie n'ont pas voulu quitter Boston, et c'est dans une petite maison entourée d'un jardinet qu'ils vivent, (toujours amoureux l'un de l'autre), avec leur petite fille Gabriella, quatre ans.
Un matin, sur le chemin du travail, Patrick est abordé par Beatrice McCready. Ce sont douze années qui s'effacent et qui le renvoient à l'affaire de la disparition de la petite Amanda (Voir "
Gone, baby gone"). Les McCready l'avaient embauché pour retrouver leur nièce de quatre ans disparue, retirée à une mère indigne, absente, défoncée à l'alcool et la drogue - le dénouement de l'histoire avait détruit plusieurs vies et avait séparé quelques temps Patrick d'Angela - Amanda, seize ans, s'est à nouveau volatilisée et Beatrice souhaiterait que Patrick se charge de la retrouver une seconde fois. La réponse à cette requête est négative et ce ne sera ni les suppliques, ni les remords et ni la contrition qui le feront changer d'avis.
Les vieilles enquêtes sont devenues des dossiers, les dossiers des archives, les archives sont des rappels que l'on aimerait parfois ne plus se souvenir.
Mais, c'est sans compter la compassion et la sensibilité d'Angie qui l'incite à accepter... la bande de jeunes mafieux qui menacent de mort Patrick et sa petite famille, s'il se mêle de cette affaire... le combat contre l'injustice... la prière d'une femme toujours digne malgré les épreuves de la vie... les regrets qui le taraudent après tant d'années et la repentance qui l'oblige à réécrire cette histoire.
Comme Angie le dit avec beaucoup de crainte (et d'admiration)... Patrick va se lancer dans une "croisade". Mais...
"- OK. A une condition.
Jamais je n'aurais cru qu'elle accepterait. Et même si, tout au fond de moi, je l'espérais un peu, jamais je n'aurais osé imaginer qu'elle accepterait aussi vite. Je me suis redressé, aussi attentif et servile qu'un setter irlandais.
- Je t'écoute.
- Emmène Bubba."
Pour commencer, il va demander des comptes aux "putains de méchants" qui ont essayé de l'impressionner en lui envoyant une barre de fer dans la tempe, en lui pointant un revolver sur la nuque et en lui faisant miroiter une mort précoce. Oncle Bubba pourra se défouler. Après, il ira au lycée d'Amanda et questionnera ses professeurs et les élèves. Avec ces premiers indices, il pourra pister la fugueuse, démanteler une affaire aux accents slaves, visqueuse comme de la mélasse, et réparer les torts qu'il aurait pu commettre douze ans plus tôt.
Il faut espérer que Patrick ressorte de cette affaire, plus sage et apaisé.
J'ai beaucoup aimé (comme d'habitude !).
Dernier livre de la saga Kenzie-Gennaro, c'est avec une certaine nostalgie que j'ai lu ce livre. Pour les livres précédents, j'ai été dégoutée, effrayée, scandalisée, j'ai apprécié l'humour, j'ai souri souvent aussi... dans celui-ci, j'ai ressenti de la tristesse. Dès les premières pages, l'auteur donne un ton légèrement mélancolique ; le déclin d'une époque, la retraite d'un duo invincible. Cela ressemble presque à un western où l'ancien shérif se retire dans un petit ranch et organise sa vie en fonction des saisons et de la transhumance, heureux et à la fois résigné et amer. Puis arrive une bande de jeune bandits "new génération", sans foi ni loi, qui l'interpellent en disant d'un ton narquois : "Hé ! papy ! t'es pas encore à la maison de retraite ?" (Leurs mots sont plus crus ! Une histoire de "bonbons" qui ferait plaisir à Edith...). Aussitôt, on a envie de riposter et Patrick ne s'en prive pas. Dans les derniers épisodes, on lisait que la noirceur du monde pesait sur ses épaules et celles d'Angela. Malgré un goût prononcé pour le risque, les dernières sueurs des condamnés et les coups reçus, Patrick était las de cette adrénaline. Dans ce livre, il avait remisé son colt dans le fond d'un tiroir et profitait, avec les deux femmes de sa vie, des joies maritales et paternelles. Pris dans l'engrenage d'une énième affaire et certainement la dernière, il a un sursaut de frénésie, l'opportunité de s'aventurer à l'orée du droit et de toutes les légalités. Il s'engouffre alors dans cette brèche, désireux de rattraper un passé, de s'amender, mais aussi de retrouver son indépendance et son épanouissement dans son rôle de justicier. Patrick va cheminer très rapidement vers la conclusion de son enquête, mais ce qu'il ne sait pas, c'est que dès le début, des sillons ont été tracés par un esprit ingénieux et doué. Lorsqu'il assimilera ce fait, sa présence sera spectatrice, témoin d'une subtile manipulation.
J'ai eu le plaisir de lire Bubba, le bon scout toujours prêt..., un petit pincement d'apprendre que Devin et Oscar avaient fui la grisaille de Boston pour un lieu où il fait bon de faire des barbecues-party quotidiens... et que Richie était toujours présent pour refiler à son copain une petite info concernant son investigation. L'amitié et la fidélité ont une grande importance dans ces romans, elles s'allient à la famille, c'est une union sacrée.
En ce qui concerne le cocon familial,
Lehane l'égratigne souvent. Ancien éducateur, il a travaillé "dans le secteur de l'enfance maltraitée" source wikipédia et infuse certaines duretés dans ses intrigues, "
Gone, baby gone" et "
Moonlight Mile".
Dernier volet de la série, nous le refermons tout doucement sur la vision d'un Patrick et d'une Angela heureux et épanouis, puisque "les joies l'emportent sur les peines". Je leur souhaite une belle et longue vie avec leur petite Gabriella...
Pas seulement un livre à recommander, mais toute une série.