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EAN : 9782013509831
132 pages
Hachette Livre BNF (01/10/2014)
5/5   1 notes
Résumé :
I - Qu’est-ce que le malheur ?
II - Litanie fort abrégée des malheurs réels auxquels un homme - honnête ou non - est exposé par cela seul qu’il fait partie de l’espèce humaine
III - Où l’auteur avoue une de ses infirmités, et pose une question
IV - Ce qu’il y a de délicatesse dans le coeur d’une pâtissière
V - La culotte d’Oscar
VI - Une âme incomprise
VII - La servante d’hôtel garni
VIII - Beau côté de la médaille<... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le bonheur est souvent interrogé, rarement le malheur. Point de subtilités, simple à appréhender, l'auteur nous cite les propos de Lord Byron : « Ce qui use véritablement notre être, ce sont les petits ennuis de tous les jours, de toutes les secondes ; c'est la douleur tombant goutte à goutte sur notre âme, et la pénétrant comme l'eau pénètre la pierre »

L'auteur, en vrai philosophe, d'une confiance absolue, balaie avec mépris tout doute possible : « A présent que j'ai découvert que le malheur, j'entends le malheur vrai, qui consiste uniquement dans les mille millions de petites pointes d'épingle qui entrent, le jour comme la nuit, la nuit comme le jour, dans les chairs de la vie humaine, m'autorisez-vous à vous démontrer qu'il n'est pas dans tout Paris une mansarde, une arrière-boutique (…) qui ne renferme au moins une femme ayant le droit de se proclamer - la femme la plus malheureuse du monde ? »

Voici donc ces petits malheurs ô combien fatals aux femmes (du XIXe siècle) :

N'est-elle pas malheureuse la pâtissière de la rue du Faubourg-Saint-Honoré ? Epanouie tant en amour qu'en affaires, elle aspirait à être admise dans les salons, théâtres et opéras les plus distingués, les économies du couple étant astucieusement placées à cet effet dans l'acquisition des plus élégantes garde-robe. Mais… Oh malheur ! Quand on murmura à ses côtés : « La femme est jolie, mais le mari a l'air d'un pâtissier… »
Une malédiction, une flétrissure indélébile lui est dès lors révélée soudainement en scrutant avec lucidité son mari : « cet homme, je ne l'avais pas bien vu ; mais hier, après que l'affreuse révélation fut parvenue jusqu'à moi, quand je l'eus bien contemplé, je ne pus m'empêcher de me faire à moi-même cet aveu plein d'humiliation : « mon mari a l'air d'un pâtissier !!… Et cet air qu'il a aujourd'hui, il l'aura toujours ; il le traînera partout, comme le galérien traîne son boulet »
Quoi qu'elle fasse, c'en est finit de ses rêves mondains : « Que, dans deux ou trois ans, nous renoncions aux affaires ; que nous achetions une maison rue Lafitte ou rue du Mont-Blanc ; que nous nous décidions, comme tant d'autres, à modifier notre nom, à nous appeler ou « Du Four » ou « Du Flan » ou « De La Tarte » que nous ayons des chevaux, une voiture… Il se trouvera toujours des gens qui, apercevant mon mari mollement étendu sur les coussins de notre calèche, diront en le montrant au doigt : « cet homme a l'air d'un pâtissier ! »

Le malheur d'une resplendissante comtesse est à la hauteur d'une vie excessivement parfaite, lisse, apurée, plate : elle se fera subir un malheur ridicule et dérisoire.
Tous ceux qui la rencontraient l'enviaient et l'admiraient, plus encore à son mariage où son époux était l'objet de convoitise : « Les femmes ne se lassaient pas d'admirer et les cheveux noirs, et le regard d'aigle et le front magnifique, et la cravate mirobolante, et les mollets herculéens du noble comte. Il y eut même, dans la foule, des grisettes assez hardies pour grimper sur les chaises et s'écrier toutes joyeuses « le mari est-il joli ! Et puis, avec cela, comme il est fait ! Comme il est mince ! Mais ce n'est pas un homme que cet être-là, c'est une guêpe ! »
Ce supplice, ce calvaire l'a frappé quand on lui fit comprendre que son mari « s'engraisse » ; et c'est en vain, après de multiples dénis d'orgueil qu'elle admet avec fatalité l'implacable vérité : « Elle entendit le comte dire à son valet de chambre : Charles, vous reporterez à mon tailleur la culotte qu'il m'a essayée ce matin. Je l'ai essayée ; elle est trop étroite. » … « Ah ! Je suis la plus malheureuse des femmes ! Oscar, que Paris élégant n'appelait qu'Oscar la Guêpe — Oscar prend du ventre !!… »

Héloïse est la fille d'un officier mort au champ d'honneur. Placée dans un prestigieux pensionnat par son tuteur, elle attend avec enthousiasme et impatience la délivrance : « Il est de règle qu'on ne quitte le pensionnat de Saint-Denis que pour se marier : aussi, le jour que M.Herblin vint chercher sa pupille, toutes ces naïves jeunes filles qui n'ont qu'une pensée dans l'âme — dans leur âme virginale ! - la pensée du mariage, ont entouré l'heureuse libérée, c'est le nom que les pensionnaires donnent à celles qui sortent du pensionnat »
Que l'on tâche au moins à adoucir la longue désillusion de cette jeune fille tout juste libérée !… Tout est déromantisé par de banales grossièretés : « Dis donc Bichette, j'ai une bonne nouvelle à t'annoncer, M. D'orvilly t'a demandée en mariage. Son père était un ami de ton père, sa fortune est égale à la tienne ; il est jeune, beau, spirituel : tu seras sa femme. Ce soir il viendra ; mets une robe neuve, fais-toi gentille, tâche de lui plaire. Nous aurons une dispense pour la publication des bans, en sorte qu'en 11 jours francs ce sera une affaire bâclée… »
Bien plus lucide qu'elle n'en a l'air, Héloïse confie ses peines en sa correspondance ainsi : « Que dis-tu de cette phrase : « il est jeune, beau, spirituel, tu seras sa femme ! » La femme de cet homme que tu n'as jamais vu ! Dont tu ne connais pas le coeur ! Qui, peut-être, n'a pas de coeur !… Qu'importe ? Tu seras sa femme ! Oui, sa femme !… La chair de sa chair, la vie de sa vie, l'âme de son âme ! Pourquoi, parce que sa fortune est égale à la tienne ! — Horreur !!… Que te semble-il aussi de l'affaire bâclée ? LE mariage une affaire !… Une affaire qui peut se bâcler ! — Oh ! Mon dieu, mon dieu, qu'il y a de petitesse et d'infamie dans ce monde ! Et encore ceci : Fais-toi gentille ! Gentille pour lui, pour cet inconnu, pour ce passant, pour ce premier venu ! Fais-toi gentille, tâche de lui plaire !… En te retraçant ces souillures, la rougeur me monte au visage »

S'il n'a pas le désagrément d'être hideux ou repoussant, l'époux surprise est diablement insipide, étroit d'esprit, et bassement bourgeois : « Il m'a pris la main et m'a dit d'une voix glacée : « Héloïse, à présent que vous voilà femme d'un ménage, ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de renoncer à ces folies de jeune fille pour vous livrer à des occupations plus convenables ? Ne pensez-vous pas qu'une femme mariée a toute autre chose à faire qu'à jeter du noir sur du blanc, à griffonner du papier ? J'admets qu'une pensionnaire s'amuse à rimer pour tuer du temps ; mais vous, ma chère amie, n'avez-vous pas des devoirs à remplir ? »
La « manie » qu'à son épouse, récemment commandée et livrée, de se lamenter au travers de ses correspondances et poésies est entièrement insaisissable pour cet homme brut ordinaire, exaspéré de l'étonnante attitude. Il exhorte alors son épouse à jouer « la maitresse de maison » le soir même, car on reçoit du beau monde… Héloïse est encensée ! « Le dîner s'est passé merveilleusement. Tous ces gens-là étaient ravis ; ils m'accablaient de compliments les plus niais du monde ; ils assuraient qu'il est impossible de trouver une maîtresse de maison (pourquoi ne pas dire aubergiste ?) Plus aimable que moi ; ils me jetaient au visage ma grâce et mon affabilité - quel supplice ! » Comble de l'humiliation, elle est priée de chanter, de se mettre en scène : « J'aurais pu refuser, prétexter une indisposition ; mais j'ai voulu boire le calice jusqu'à la lie : je me suis mise au piano et j'ai chanté… »

Charlotte, servante d'hôtel garni, était toujours d'humeur joyeuse : « elle jouit d'un succès pyramidal auprès des voyageurs, cette adorable race de pigeons qui prend plaisir à se faire plumer dans les hôtels garnis » jusqu'à ce qu'elle fut piquée par le « ver rongeur de l'ambition. Voici qu'à force d'entendre parler - à table d'hôte - de rois qui épousent des bergères, de Milords anglais, russes ou prussiens qui font journellement des sorts très agréables à des servantes d'hôtel garni, elle se prend à penser qu'il y a, de par le monde, quelque roi ou quelque milord dont elle est destinée à faire la connaissance pour le bon motif ! »
Elle méprisait et dénigrait tout ce qui ne réalisait pas pleinement ses rêves : « Si vie n'est plus qu'une attente perpétuelle ; elle monte à sa tour — c'est au grenier je veux dire — si haut qu'elle peut monter — et son regard inquiet demande au nuage qui court, à l'hirondelle qui vole, à la pluie qui tombe, le roi, le lord ou le prince russe… »
De déception en déception, brûlée par l'impatience, elle se laisse ouvertement séduire par de fallacieuses promesses d'un simple commis voyageur « J'achèterai un cabriolet, et nous voyagerons à petites journées, toi et moi, moi et toi, rien que nous deux… Dans mon coeur, ll y aura toujours pour ton coeur des paroles d'amour, et dans le coffre de la voiture un pâté de foie gras pour ton estomac » Et voici comment une belle servante d'hôtel a bradé son coeur pour rien, pêchant par ambition « Ce coeur qu'elle se trouve avoir donné pour rien quand elle espérait si bien le vendre ! Charlotte indignement séduite lâchement trompée, audacieusement volée, perd le peu de sens commun dont elle avait joui jusqu'alors. Elle tourne à l'aigre, sale ses crèmes, sucre son pot-au-feu, brûle ses ragoûts et accommode ses lits et ses galants à coups de pieds et à coups de poing. Elle se ne laisse plus prendre ni les doigts, ni la taille ; elle est très méchante, très acariâtre… »

À 30 ans, Zerline se remémore ses premières années de misères au théâtre : « qui me rendra le jour de mes débuts ? J'avais vingt ans, je jouais mal ; mais j'étais si jolie, que les coeurs tendres me pardonnaient d'être mauvaise. Certains critiques disaient que je frais mieux d'avoir moins de beauté et un peu plus de talent. Ces critique ne me déplaisaient pas, tant s'en faut ! Et quand d'une part on criait : « Bravo, Zerline ! » Et que de l'autre on hurlait « A bas Zerline ! » Cela me fouettait le sang et j'étais heureuse, mais heureuse !!! (…)"
Comme elle était joyeuse quand elle alternait un déjeuner champêtre sur l'herbe suivi d'une fine contredanse au bal, à un cancan dansé en public devant l'air désapprobateur des gardes municipaux, à observer ses amoureux se battre en duel et mille autres joies…
Elle est riche, mariée et trentenaire dorénavant, c'est une « femme que la considération entoure - maintenant je suis Madame la baronne de Champignelles !… Je suis riche, très riche »
Mais de quoi se plaint-elle donc ? de la plate perfection de son époux, qui ajoute davantage de lourdeur à son statut : « j'ai un mari qui n'est pas laid, qui n'est pas vieux et qui est bon… Mais bon au-delà de l'idéal ; un mari qui, du matin au soir, s'épuise à deviner mes voeux, à lire dans ma pensée, à prévenir mes désirs ; - un mari qui m'adore, n'a jamais adoré, n'adorera jamais que moi, j'en ai la conviction !
Un mari qui n'est pas même jaloux, qui verrait l'univers entier me faire la cour et ne s'en épouvanterait pas ; car il sait que je l'aime - le lâche ! Je n'ai plus le droit de pleurer, plus le droit de m'irriter, plus le droit d'être triste, car mes souhaits se réalisent avant même que j'aie achevé de les former.
Si au moins le hasard m'envoyait un chagrin ; mais non, rien ! »
Sa vie tumultueuse de grisette multicolore, de comédienne sifflée ou louangée, lui manque irrésistiblement !

Angélina est : « l'une des plus charmantes, croustillantes, émoustillantes élèves de la classe de danse de l'Opéra » et malgré quinze années de persévérance à se dandiner, elle danse toujours en groupe, inévitablement exposée à ce : « qu'une camarade jalouse confisque à son profit la lorgnette, les bravos et les extases de l'amateur ». Danser seule sur scène est la vraie gloire d'une danseuse, le signe d'une grande estime, l'assurance d'une célébrité durable.
Au moment où elle est enfin récompensée par la providence, désignée pour danser seule, elle est enceinte… Sa respectable mère s'évanouie, elle qui avait couru les journaux pour solliciter des réclames et articles pour sa fille, qui lui avait tout sacrifiée ! Toute une carrière réduite à néant pour si peu et voici encore deux femmes bien malheureuses !

Comment finissent-elles ? Comblant les déceptions à charge de nourriture et de progénitures ! « A force d'être malheureuses, elles finissent par engraisser monumentalement, avoir beaucoup d'enfants et de petits-enfants. Une larme sur la tombe de cette malheureuse, S.V.P ! »

Physiologie folâtre et déconcertante, mais pleine de verve et d'humour !
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