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EAN : 9782711630561
160 pages
Vrin (09/06/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
Heureux comme un Juif à Hollywood ? Le cinéma hollywoodien constitue l'un des meilleurs exemples de la réussite des Juifs aux Etats-Unis et de leurs apports à la culture et à l'imaginaire américain. Paradoxalement, sur les écrans, les personnages juifs ont surtout brillé par leur absence. En effet, le succès des immigrés juifs qui ont fondé Hollywood s'est construit sur le refoulement brutal du judaïsme et des thématiques juives. Seuls quelques films portent la trac... >Voir plus
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En 1968 Albert Memmi faisait paraître l'essai "L'Homme dominé" accompagné du sous-titre : « le Noir, le Colonisé, le prolétaire, le Juif, la femme, le domestique ». Il annonçait ainsi ce qui deviendra une évidence pour les cultural studies américaines, à savoir qu'on ne peut comprendre les mécanismes de domination que si l'on admet qu'ils relèvent peu ou prou des mêmes logiques et stratégies, que l'on soit une femme, un Noir, un Juif ou un pauvre.
C'est un constat que je partage totalement, même si bien sûr, chaque groupe minoritaire a ses propres problématiques et spécificités. Quoi qu'il en soit, pour quiconque s'intéresse aux questions de représentation et de domination dans le cinéma, plusieurs ouvrages sont maintenant disponibles en France : sur la question des femmes on peut citer notamment – outre le précurseur "vénus à la chaîne" de marjorie rosen (traduit en 1973 aux éditions des femmes) – le précieux petit essai d'Iris Brey "Le Regard féminin" (Points, 2020) ou celui de Véronique le Bris "100 grands films de réalisatrices" (Arte, 2021). Sur la question LGBTQ+ on pourrait évoquer, entre autres, "L'Homosexualité au cinéma" de Roth-bettoni Didier (La Musardine, 2007) ou "L'Homosexualité dans le cinéma français" d'Alain Brassart (Nouveau Monde, 2007). Dans le domaine des approches postcoloniales il existe "Les Ecrans de l'intégration : L'immigration maghrébine dans le cinéma français" (coll., PUV, 2015) ou "La Double vague" de Claire Diallo (Au Diable Vauvert, 2017), ainsi que mes ouvrages sur la question noire, parmi lesquels "Images du Noir dans le cinéma américain blanc" (L'Harmattan, 1997), "Le Cinéma des Noirs américains, entre intégration et contestation" (Le Cerf-Corlet, 2005) ou "Les Noirs dans le cinéma français" (Lettmotif, 2016).
Mais alors qu'en est-t-il des Juifs au cinéma ? – américain ou français d'ailleurs. C'est une question que je me suis déjà posée : pourquoi par exemple existe-t-il si peu de personnages juifs dans le cinéma hollywoodien classique alors même que tous les grands studios étaient dirigés par des immigrés juifs d'Europe centrale (même si on le sait, le héros classique était avant tout blanc, anglo-saxon et protestant, mais quand même…). C'est justement à cette question fort intéressante qu'est consacré l'ouvrage de Lorenzo Leschi paru récemment sous le titre "Être Juif dans le cinéma hollywoodien classique" (éditions Vrin, 158 p., 10 euros, juin 2022). L'occasion de constater, au passage, qu'aucun essai de ce type n'était paru sur la question en France… Pourquoi donc ? le sujet serait-il tabou ?
Dès le début de son texte, Leschi pose la problématique qui demeurera le fil rouge de sa réflexion : « "Les Juifs contrôlent Hollywood !". Cette affirmation péremptoire est devenue un lieu commun aux Etats-Unis et constitue malheureusement un premier pas vers une seconde affirmation beaucoup plus dangereuse : "Les Juifs contrôlent les médias" ». Sans y aller par quatre chemins, il s'attaque à cette idée toute faite pour déconstruire quelques préjugés bien tenaces. En gros, ce qu'il explique, c'est que oui, les grands studios sont, durant l'ère classique, dirigés par des immigrés juifs, puisque c'est eux qui font partie des dernières vagues d'immigration quand nait le cinéma à la fin du 19e siècle, un art considéré comme mineur voire méprisable par les élites WASP au pouvoir (les Blancs anglo-saxons protestants). Donc les Juifs sont bien aux commandes de l'industrie hollywoodienne des années 20 aux années 60. Mais, contre toute attente, ils ne se serviront jamais de leurs productions pour donner une quelconque image positive de leur communauté ou faire valoir les intérêts politiques de celle-ci, bien au contraire… Dans leur volonté quasi-névrotique de s'assimiler et d'intégrer les classes dirigeantes protestantes, les Zukor, Fox, Mayer, Cohn et consorts freineront même toute velléité d'offrir des images favorables des Juifs américains pourtant soumis à un antisémitisme bien réel. Pire, ils iront même jusqu'à collaborer avec les nazis durant les années trente… Je n'en dirai pas plus, de façon à encourager les lecteurs à se plonger dans ce texte passionnant, bien écrit, érudit, concis, intelligent, qui se lit d'une traite. L'auteur parvient avec une aisance peu commune à croiser des considérations socio-politico-philo-théologiques avec des réalités historiques et économiques, tout en abordant les questions de représentations (allant jusqu'à analyser certaines scènes de films emblématiques). Et tout ceci sans être le moins du monde indigeste.
Les cinéphiles y trouveront leur compte en se replongeant dans des classiques comme "Le Chanteur de jazz" (Alan Crosland, 1927), "Le Dictateur" (Charlie Chaplin, 1940), "Le Mur invisible" (Elia Kazan, 1947) ou "Exodus" (Otto Preminger, 1960), quant aux autres ils y trouveront une passionnante analyse des logiques de dominations à l'oeuvre à la fois dans la société et dans la culture, mécanismes entrainant très souvent des étonnants phénomènes d'autodépréciation voire de « haine de soi », autant de processus psychosociologiques qui valent pour la question juive mais aussi pour les autres formes d'altérités (pour les prolétaires, les femmes, les Noirs, les LGBTQ+…). En résumé, "Être Juif dans le cinéma hollywoodien" classique est un ouvrage indispensable pour comprendre l'histoire du cinéma américain mais aussi le monde qui nous entoure.
Régis Dubois



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Heureux comme un Juif à Hollywood ? le cinéma hollywoodien constitue l'un des meilleurs exemples de la réussite des Juifs aux Etats-Unis et de leurs apports à la culture et à l'imaginaire américain. Paradoxalement, sur les écrans, les personnages juifs ont surtout brillé par leur absence. En effet, le succès des immigrés juifs qui ont fondé Hollywood s'est construit sur le refoulement brutal du judaïsme et des thématiques juives. Seuls quelques films portent la trace des contradictions internes des "Juifs d'Hollywood", tiraillés entre assimilation et affirmation d'une identité juive, entre haine de soi et résistance à l'antisémitisme, entre espoir et angoisse de disparaitre en tant que Juifs. Quels sont ces films ? Que révèlent-ils du rapport à l'identité juive à Hollywood et aux Etats-Unis ? Quelle influence ont-ils eu sur la culture et la société américaine ?
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