Dès lors que que l'on reconnaît que l'addiction n'est pas nécessairement due à une substance, le psychanalyste s'interroge sur la question de son origine la plus archaïque chez l'individu. Cet essai répond par la notion freudienne (tardive) du clivage du Moi, et se penche donc sur les étapes de la construction du Moi et notamment sur le rôle que peut avoir eu la mère dans la « fêlure » initiale remontant à l'enfance (0 à 5 ans), puis dans la fracture de l'adolescence.
Mais d'abord, dans la première partie de l'ouvrage, « L'univers des addictions et leurs différentes caractéristiques »,
Odile Lesourne analyse longuement les spécificités des addictions d'un point de vue psychanalytique en s'arrêtant particulièrement sur le tabagisme (chap. 3), sur l'alcoolisme (chap. 4) et sur les toxicomanies (chap. 5). Dans chacun de ces chapitres, il est question des singularités des produits (symbolisme de la cigarette, contextualisation des boissons alcoolisées, différentes drogues et leur comparaison avec le tabagisme et l'alcoolisme), puis des catégorisations (profils et parcours voire itinéraires) des consommateurs.
Quant à la seconde partie, qui est éponyme du livre, elle se répartie entre « La construction du Moi » (la notion et sa mise en oeuvre dans le développement de l'individu), « L'adolescence », « Le clivage du Moi chez les futurs addicts » et enfin « Genèse de la structure des différents types d'addicts ».
La clinique de l'autrice l'a conduite à se pencher principalement sur le tabagisme, sur l'alcoolisme, et en moindre mesure, parmi les toxicomanies, sur l'addiction au cannabis et à l'héroïne. Les addictions sans substances sont évoquées uniquement à titre d'analogie. Les addictions aux stupéfiants, qui constituent l'objet de mon intérêt principal, à cause sans doute de leur multiplicité ainsi que de celle des profils des usagers, ont été traitées plus superficiellement, et certaines observations ou affirmations avancées m'ont semblé soit imprécises soit dépassées par rapport à des études plus récentes. En particulier les traitements récents de substitution de l'héroïne, et la philosophie de la réduction du risque conséquente, ont ouvert de nouvelles problématiques qui ne sont pas du tout abordées dans cet essai. Par ailleurs, dans les identifications des possibles causes de fêlure durant la construction du Moi, j'ai eu le sentiment que la multiplication des possibles facteurs de dysfonctionnement, aussi bien du côté maternel que paternel, ainsi que l'impossibilité de faire fi de la myriade de facteurs environnementaux intervenant dans toutes les périodes de la vie du sujet (et non seulement dans son enfance et son adolescence) rendent la complexité difficilement catégorisable et finissent par rendre les démonstrations assez floues.