Ce recueil d'essais choisis illustre l'étendue et la qualité de l'oeuvre de
Simon LEYS (Bruxelles 1935-Sydney 2014), essayiste, sinologue, traducteur, intellectuel international et engagé.
Pour beaucoup,
Simon LEYS est celui dont la « clairvoyance à l'égard du maoïsme mondain » aura marqué dès 1970, la vie intellectuelle en France et au-delà. Mais
Simon LEYS est aussi toute une vie et une oeuvre intellectuelle qui ‘sortent de l'ordinaire'. Né
Pierre RYCKMANS, il est un pur produit de l'univers très catholique de la grande-bourgeoisie francophone belge, avec parfois ses liens au Congo.
A 20 ans, il découvre une première fois la Chine et décide d'y consacrer une grande partie de sa vie. Il fait des séjours à Singapour, Taiwan, Hong Kong et, plus brièvement, en République Populaire de Chine. En 1964, il épouse CHANG Han-fang avec qui il a eu 4 enfants qui ont grandi en Australie, où la famille s'est installée en 1970, et où il enseigna la littérature chinoise jusqu'en 1987.
Le recueil compte 12 essais, dont 4 remarquables sur la Chine et plus précisément sur la notion du passé chez les chinois, pour qui la transmission de l'identité est bien plus importante que la préservation des monuments. Les autres
essais sur la Chine traitent de l'art, de l'héritage de
Confucius et du cas contemporain de l'activiste, penseur et prix Nobel (2010),
LIU Xiaobo (1955-2017), victime de la répression communiste épinglée dès les années 1960 par LEYS. (Après des années de tracasseries, la veuve LIU Xia, vient d'arriver en Allemagne en juillet 2018).
Simon LEYS aimait la Chine, mais sa perspicacité à l'égard du régime est toujours d'actualité, alors que les anciens ‘Maos mondains' de Paris et d'ailleurs sont passés à autre chose.
Les autres thèmes du recueil évoquent principalement l'intérêt de
Simon LEYS pour la mer et la littérature qui y est liée. Pour ma part, j'ai davantage apprécié l'excellent essai sur l'écrivain anglais, iconoclaste DH LAWRENCE (1885-1930) et son étrange roman sur l'Australie des années 1920. Ce sujet ainsi que l'essai de LEYS sont fascinants. L'Australie et la vie intellectuelle ne semblent pas aller de pair pour certains, mais LEYS y a enseigné dans deux grandes universités, où il a formé au chinois un futur premier ministre du pays.
Simon LEYS est mort citoyen australien, après plus de 40 années de résidence et quelques différends avec les autorités belges au sujet du déni de nationalité belge à deux de ses quatre enfants. Son nom d'origine RYCKMANS (l'homme riche!) est bien flamand, mais nous n'apprendrons pas ici, dans cette édition belge, sa vision de l'évolution de son pays qui a connu aussi une certaine révolution culturelle avec, comme détonateur, la scission linguistique de son université formatrice à Louvain en 1967. LEYS s'exprime à de nombreuses reprises sur le thème de la traduction, un métier qu'il a beaucoup pratiqué, et qui nous ramène à la Belgique et ses trois langues officielles.
On pourra regretter que les dates de parution premières des 12 essais ont été omises . Mais leur choix est excellent et semble bien refléter l'auteur.
Je recommande ce livre à ceux qui aiment la Chine, la réflexion sur le poids et l'altérité de sa civilisation, la littérature et, enfin, à tous ceux et celles qui, selon l'auteur, tournent le dos à la terre pour contempler, et même prendre, le grand large.