Ce roman m'attirait à bien des égards. Mais ce que je n'imaginais pas, c'est que j'allais avoir autant de bonnes surprises.
Après quelques pages, j'ai bien compris que l'autrice s'était bien amusée avec l'invention de ce vocabulaire qui, somme toute, dans une tribu "préhistorique" pouvait passer pour un dialecte particulier. Toujours est-il que j'ai pris plaisir à évoluer au milieu des moumouths, bloutons, potruches et autres belles flommes.
Lu à voix haute à mon fils, il s'est, lui aussi, pris au jeu de ce texte étonnant, cherchant le vrai mot caché derrière chaque détournement de langage.
Mais l'humour ici ne se résume pas qu'à cela.
Dans les réflexions bien senties de Sam ( qui n'a pas sa langue dans sa poche : "la Tradition, elle est nulle comme un moumouth pelé.") et le comique de situation, l'humour est bien présent. Et il permet indirectement mais sûrement de faire passer un vrai message, de proposer un questionnement intéressant et donner matière à réfléchir.
Car oui, dans la tribu de Sam, il y a des règles. Chacun sa place, son rôle. Les femmes ont leur martotal, objet qui leur sert à effectuer des tâches domestiques, et les hommes, eux, leur plarmure, qui leur permet de faire la bagarre avec les autres tribus. Vous ne verrez pas des femmes faire la bagarre et impossible de voir un homme avec un martotal. C'est comme ça. C'est la fameuse Tradition. Elle est pesante, inflexible et finalement un peu obscure. Surtout, personne n'ose la remettre en cause.
Cette situation, a priori éloignée de la nôtre, ne l'est finalement pas tant que ça. On peut finalement trouver beaucoup de similitudes avec des comportements et travers de notre monde d'aujourd'hui.
Et les parallèles se font, avec humour, mais ils sont là et on les comprend bien. Par exemple, concernant la fameuse tradition, on pense au poids de la tradition religieuse, culturelle, familiale... Et pour ce qui est des clichés filles/garçons, on ne peut pas faire plus clair ! Cela semble caricatural mais on sait malheureusement que ces stéréotypes sont encore bien trop présents de nos jours. Faire une petite piqûre de rappel sur le sujet, histoire de, est essentiel (et bienvenu).
Sans faire la morale, l'autrice prouve la bêtise de ces clichés par a + b.
C'est très malin.
Si l'univers est bien planté par le texte de
Louise Mey,
Libon a réussi à donner vie à Sam et sa tribu. Avec ce trait de dessin épais et un judicieux choix de couleurs, le résultat est saisissant. Les illustrations ont contribué à me faire encore plus accrocher au récit. J'aime beaucoup la manière dont il a représenté les différents personnages, tous très expressifs comme Sam dont le visage exprime son courage et sa détermination, le père, Roger-le-chef, et son air buté et parfois un peu benêt mais aussi la tête de la potruche qui sous des allures effrayantes (ne pas se fier aux apparences) ne cherche qu'à se faire aimer.
Les illustrations frappent aussi car elles ne sont que dans des tons rouges et gris.Ce choix est assez original et confère au roman une identité propre et forte.
On notera que Sam est représentée en rouge, couleur qui symbolise sa force et sa combativité.
Alors, êtes-vous prêts et prêtes à venir combattre les préjugés et changer la Tradition en compagnie de Sam ? Si vous n'avez pas de martotal ou de plarmure, pas de problème, vous pouvez venir quand même.
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