Ce court roman pour ados est publié dans la collection « Souris noire plus » qui ferait penser que c'est un récit policier alors que ce n'est pas le cas même si l'écriture est sombre comme dans un polar.
Joëlle est une collégienne timide, excellente élève, enfant modèle. Les personnels de l'établissement ne comprennent donc pas sa rébellion lorsque du jour au lendemain, et même d'une heure à l'autre, elle plonge dans un mutisme obstiné, affrontant les adultes dans une attitude qu'ils jugent insolente.
Elle est renvoyée de cours, collée, mais elle ne se démonte pas et refuse d'ouvrir la bouche en rentrant à la maison face à ses parents qui n'y comprennent rien.
La seule à comprendre ce qui arrive à sa meilleure amie c'est Zoreh qui, avec d'autres élèves de la classe, a été témoin de l'agression dont elle a été victime lorsque le gros Didier a baissé son slip dans les vestiaires, ricanant en la montrant du doigt comme si elle était un signe dans sa cage au zoo.
La rage qui anime l'adolescente est telle qu'elle économise l'énergie de sa parole pour exécuter un plan de vengeance qui l'empêche de craquer.
Un texte choc. Un texte fort qui aborde les conséquences que peuvent avoir des actes perpétrés à l'école « pour rire » sur le psychisme de la victime qui se heurte bien souvent à l'incompréhension des adultes...
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Jamais il ne m'a battue et pourtant je sais qu'il pourrait le faire. Il m'ordonne de dire un mot, n'importe lequel. Il crie de plus en plus fort. Très vite, il est emporté par la colère. Il m'ordonne de baisser les paupières. Même si je dois faire toutes les économies d'énergie possibles et rassembler mes forces pour tuer le gros Didier, je ne veux pas céder en baissant les paupières. C'est un geste que je ne peux plus faire, maintenant. Il croit que je le provoque, que je me moque de lui. Il se trompe. Je le regarde simplement. (p.37)
Je ne vois personne pendant un long moment. Puis une ombre remue au plafond de la chambre, la traverse, s'étire et se plaque d'un seul coup, énorme, devant la fenêtre. Le gros Didier ! Les mots de haine retenus toute la journée explosent en moi sans trouver la sortie. Ils font trembler mes mains. Cachée dans les branches de tuyas, je guette celui que je vais tuer, parce qu'il m'a déculottée devant tout le monde, parce qu'à cause de lui j'ai été vue comme un singe, dont on rit quand il se gratte le cul. (p.44-45)
Quand il s'est rassis, le gros Didier m'a regardée dans les yeux, avec tout le sentiment qu'on peut mettre dans un regard, comme s'il me demandait pardon. Je ne lui pardonnerai pas avant de l'avoir tué, c'est sûr. Je ne suis pas un singe, et je n'économise pas mes forces dans le silence pendant une semaine pour des prunes. (p.54)
Le gros Didier m'a attrapée par les cheveux. J'ai senti son autre main sur moi. J'ai entendu sans comprendre claquer un élastique. L'air a glacé mon ventre. Une brûlure a cinglé ma cuisse. Il avait enlevé mon slip.
Ensuite seulement je l'ai vu : il battait déjà en retraite vers la porte. Très rouge, gluant de sueur, il criait en me montrant du doigt comme au zoo on montre les singes. (p.4)
« Parle un peu. Juste un mot », demande Zoreh. Je ne réponds pas. Je ne peux pas lui dire que les mots ne passent pas, que je ne veux pas faire le moindre geste parce que j'économise mes forces pour le jour où je vais tuer le gros Didier et son copain Xavier qui se prend pour Rambo. (p.16)
Des ateliers d’écriture ont été mis en place à la faculté des Lettres de Nîmes, dans le cadre de la licence de lettres modernes, en septembre 2006. Trop rares encore sont les responsables de filières Lettres à oser se risquer dans ce domaine, classique aux Etats unis depuis la fin des années 50 sous le nom de writer’s workshop. Pourtant, comment comprendre de l’intérieur la littérature si l’on ne se frotte pas soi-même à l’écriture ?