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Les Mémoires posthumes de Bras Cubas de l'écrivain brésilien Machado de Assis (1839-1908) a tout d'abord été publié en 1880, dans une revue (Revista Brasileira) avant d'être réédité sous forme de livre en 1881. C'est un classique à nul autre pareil, loin des codes romantiques ou naturalistes de son époque. La forme est inventive et drôle. le fond est pessimiste et sans complaisance.
Le narrateur Bras Cubas est mort. Il nous raconte ses funérailles sous la pluie avec quelques personnes présentes dont une mystérieuse Virgilia. Selon Bras Cubas, la véritable cause de sa mort ne fut pas une pneumonie mais son « idée fixe » à inventer un « emplâtre » contre la neurasthénie. Et de nous raconter sa vie à rebours. le « défunt auteur » a ainsi le loisir d'examiner en détails ce qui a dysfonctionné dans son existence banale et de philosopher sur l'absurdité du monde en général. Sans arrêt les péripéties du récit rétrospectif sont différées par des digressions, des apartés, des clins d'oeil au lecteur, ce qui donne une saveur très dix-huitième au roman. Les chapitres sont brefs et plaisants à lire. Mais le fond est très sombre ! Bras Cubas est un bourgeois gâté tout à fait cynique, cupide, futile, "un composé parfait de banalité et de présomptueuse assurance" Et pourtant on l'aime bien, Bràs. Il faut dire que les autres ne sont pas meilleur(e)s que lui. Machado de Assis dézingue à tout va la bonne société bourgeoise de son époque et la vie politique brésilienne avec beaucoup d'ironie. Il s'en prend également à la conception romantique de l'amour à travers les aventures amoureuses totalement amorales de Bras qui occupent le coeur du livre. La partie suivante plus philosophique a été je l'avoue beaucoup plus obscure pour moi. Bràs Cubas plus neurasthénique que jamais élabore des théories fumeuses pour l'aider à comprendre sa vie insupportable. Il adhère à l'Humanitisme de son ami d'enfance Quincas Borba un philosophe positiviste à la Auguste Comte à moitié cinglé. Un fiasco. le dernier chapitre intitulé « Négatives » tire le bilan de tous ses échecs.

Merci beaucoup Fabinou !
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Un livre rafraîchissant et résolument moderne.
Une écriture drôle et subtile qui emporte le lecteur dans la vie mouvementée de Bras Cubas.
Aussi, on peut lire en filigrane une critique satirique de la société brésilienne du XIX ème siècle.
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260 pages d'un cynisme primesautier et matois qui décrivent avec perfection et humour noir le Brésil de la fin du XIXème siècle, et donc un peu celui d'aujourd'hui....

Publié en 1881, ce troisième roman de Joaquim Maria Machado de Assis apporta à son auteur la consécration, et acquit au fil du temps la stature d'une oeuvre fondatrice de la littérature brésilienne.

Bras Cubas, désormais décédé d'une pneumonie, rédige ces "mémoires posthumes" avec la liberté de ton que seule, enfin, la mort peut donner au sein de l'ultra-policée bonne société brésilienne du XIXème siècle finissant.

Après deux romans sociaux classiques, Machado de Assis, selon la formule de Roberto Schwarz, écrit enfin ce "roman réaliste aux techniques anti-réalistes". Récupérant une forme d'écriture primesautière, enlevée, pleine de clins d'oeil au lecteur, de digressions, d'apparents coqs-à-l'âne, qui doit beaucoup au Laurence Sterne de "Tristram Shandy" ou encore au Diderot de "Jacques le fataliste", l'auteur a une idée de génie, qui crée la rupture et la réussite littéraire : plutôt que de tenter de donner pour la n-ième fois le point de vue narratif à un "opprimé" ou à une "victime", il renverse toute la perspective en faisant de Bras Cubas, le mort narrateur, un membre éminent de la classe dirigeante brésilienne, dont le lecteur incrédule découvre peu à peu, insidieusement, la somme à peine imaginable d'auto-satisfaction et de cynisme qui le caractérisent. Riche fainéant aux ambitions intellectuelles démesurées (et sans rapport avec ses moyens tels qu'ils sont dévoilés, cocassement, de sa plume posthume même, au lecteur), dont la position de rentier sûr de lui repose avant tout sur l'esclavage et le clientélisme à grande échelle, caractéristiques presque fondatrices de cette société brésilienne de grands propriétaires et de riches commerçants, qui ne laissera avec réticence abolir l'esclavage qu'en 1888, provoquant directement la chute du (trop) libéral (pour l'époque) empereur Pedro II et l'instauration pour 40 ans de la république des oligarques et des "coronels"..., Bras Cubas nous enchante à chacun de ses 160 brefs paragraphes, grâce à l'art consommé d'un auteur machiavélique qui utilise avec subtilité toutes les ressources, à rebours, que peut procurer un "narrateur non fiable".

Une oeuvre immense, tant par ce qu'elle dit d'un moment social et historique qui n'a jamais vraiment disparu, au Brésil ou ailleurs, que par le raffinement de sa technique littéraire qui provoque, lorsque l'on commence à réaliser ce que l'auteur nous a mijotés, une furieuse envie d'applaudir !

"Le lecteur a là, en quelques lignes, le portrait physique et moral de la personne qui devait avoir plus tant d'influence sur ma vie. Elle était ainsi à seize ans. Toi qui me lis - si tu es encore au monde, quand ces pages verront le jour - toi qui me lis, Virgilia chérie, ne remarques-tu pas quelque différence entre le langage d'aujourd'hui et celui qui fut le mien la première fois que je te vis ? Crois bien que j'étais aussi sincère alors que maintenant ; la mort ne m'a rendu ni acariâtre ni injuste.
- Mais, diras-tu, comment peux-tu ainsi discerner encore la vérité de ce temps-là et l'exprimer après tant d'années ?
Ah ! Curieuse ! Ah ! Grande ignorante ! Mais c'est cela justement qui fait de nous les maîtres de la terre, c'est ce pouvoir de faire revivre le passé, afin de toucher du doigt l'instabilité de nos impressions et la vanité de nos affections. Laisse Pascal affirmer que l'homme est un roseau pensant. Non ; l'homme est un erratum pensant, cela oui. Chaque âge de la vie est une édition, qui corrige l'édition antérieure, et qui sera corrigée elle-même, jusqu'à l'édition définitive, que l'éditeur distribue gratuitement aux vers."

"138 - À un critique
Mon cher critique,
Quelques pages plus haut, après avoir dit que j'avais cinquante ans, j'ai ajouté : "On sent bien déjà que mon style n'est pas aussi léger que les premiers jours." Peut-être, connaissant mon état actuel, trouves-tu cette phrase incompréhensible ; mais j'appelle ton attention sur la subtilité de cette pensée. Je ne veux pas dire que je sois plus vieux maintenant que lorsque j'ai commencé ce livre. La mort ne vieillit pas. Ce que je veux dire, c'est que, à chaque phrase de la narration de ma vie, j'éprouve les sensations correspondantes... Dieu me protège ! Il faut tout expliquer."
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(Traduit du brésilien par R. Chadebec de Lavalade)
Machado de Assis (1839-1908) prête cette fois sa plume à un rentier défunt, Brás Cubas, membre éminent de la classe dirigeante du pays, qui raconte cyniquement ses mémoires depuis l'au-delà : soixante chapitres, parfois de simples paragraphes, empreints d'ironie et parsemés de clins d'oeil au lecteur. Derrière l'humour noir du narrateur, c'est le Brésil de la fin du 19e siècle encore marqué par l'esclavage, sous la domination d'oligarques et qui voit l'influence du scientisme et du positivisme venus de France. Les péripéties sociales, politiques et surtout amoureuses de Brás Cubas fondent l'essentiel de ces mémoires. La manière innovante rompt avec la narration linéaire flaubertienne et amorce un tournant marquant dans la littérature brésilienne (réalisme) : "C'est qu'il s'agit ici, en vérité, d'une oeuvre diffuse, composée par moi, Brás Cubas, suivant la manière libre d'un Sterne ou d'un Xavier de Maistre, mais à laquelle j'ai peut-être donné parfois quelque teinte chagrine de pessimisme." [Préface]

Outre de pouvoir raconter sa propre mort et son enterrement, les mémoires posthumes ont cet avantage de ne point craindre les critiques lorsqu'elles affichent un détachement impudent des choses du bas monde : "Le coup d'oeil de l'opinion, ce coup d'oeil perçant, ce coup d'oeil de juge, perd toute sa force dès que nous foulons le territoire des morts. [...]. Sachez-le, Messieurs les vivants : il n'y a rien d'aussi incommensurable que le dédain des morts." [chapitre 24]

Le récit est d'abord paru en feuilleton en 1880 sur une dizaine de mois, d'où sans doute une tendance prononcée aux coq-à-l'âne et digressions ; l'auteur lambine. Il a dû s'en rendre compte, le chapitre 71 s'intitule "Le défaut du livre" et rassure sur le discernement pétillant de Machado de Assis :
"Je commence à regretter d'avoir entrepris ce livre. Non qu'il me fatigue : je n'ai rien à faire ; et réellement, expédier quelques maigres chapitres à destination de ce bas monde est toujours une tâche qui distrait un peu de l'éternité. Mais le livre est ennuyeux, il sent le tombeau, il garde quelque chose de la rigidité cadavérique : défaut grave et d'ailleurs sans importance, car le principal défaut de ce livre, c'est toi, lecteur. Tu es pressé de vieillir et le livre progresse lentement : tu aimes la narration directe et nourrie, le style régulier et coulant, tandis que ce livre et mon style sont comme les ivrognes qui tirent à droite, tirent à gauche, avancent, s'arrêtent, crient, éclatent de rire, menacent le ciel, trébuchent et tombent.
Et tombent ! Pauvres feuilles de mon cyprès, vous tomberez, comme toutes les autres feuilles belles et brillantes ; et si j'avais encore des yeux, je vous donnerais une larme de regrets. Mais c'est là le grand avantage de la mort, qui, si elle ne vous laisse pas de bouche pour rire, ne vous laisse pas non plus d'yeux pour pleurer... Vous tomberez..."

"Les mémoires posthumes de Brás Cubas" (1881) proposent plusieurs thèmes qui seront repris dans des oeuvres postérieures. Ainsi la philosophie "humanistique" parfois scabreuse de l'ami d'enfance Quincas Borba (il finit par perdre la raison) s'amuse des courants de pensée de l'époque (positivisme, scientisme, sélection naturelle) et sera reprise dans "Quincas Borba" (1891).
Les propos de Brás Cubas ont des accents schopenhaueriens ; un commentateur évoque une «traduction machadienne de la volonté de Schopenhauer».
Une paragraphe sur la "théorie du bienfait" ("humanitisme") rejoint les propos désabusés d'Henri Laborit sur les motivations des actes de bienfaisance ("L'éloge de la fuite"): "[...] le bienfait vous donne la conviction d'une supériorité sur une autre créature, supériorité dans l'état et dans les moyens ; ce qui est un des plus légitimes agréments pour l'organisme humain".

Une étude critique (anglais) de ce texte caustique par Roberto Schwarz observe : "[...] le narrateur est tout à fait satisfait de l'abîme qui sépare les personnages cultivés des personnes ignorantes qu'il évoque et qui font partie de son monde. [...]. Une portée moins évidente et plus actuelle du roman nous oblige à reconnaître l'adaptabilité de la civilisation à des objectifs contraires à son idée même." [trad Google/christw]

On trouve ce livre en ligne, dans une traduction française d'Adrien Delpech.

Lien : https://christianwery.blogsp..
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Etonnant roman publié en 1881 mais pas du tout daté. le narrateur Bras Cubas est mort et s'adresse au lecteur pour raconter sa vie en commençant par la fin. La mort est omniprésente dans ce livre qui est une méditation déguisée sur la vie, sur le temps qui passe et la comédie humaine. Machado dépasse la mélancolie et la gravité romantiques propres à ces sujets grâce à l'ironie et à l'humour. Et surtout il démontre une inventivité formelle jubilatoire. le roman déroule un fil plus ou moins continu, parsemé de digressions inattendues. C'est une suite de 160 courts chapitres dont certains sont particulièrement étonnants : l'un n'est constitué que de points de suspension, un autre est un dialogue de théâtre auquel il ne manque que le texte, un autre encore est une suite de notes sans syntaxe, un dernier enfin est à intercaler dans le précédent...
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Il est vraiment dommage que Machado de Assis se place dès l'avant-propos sous l'égide de Sterne, car pendant toute la lecture de Bras Cubas on ne cesse de penser à Tristram Shandy... Il faut dire que la forme de ces Mémoires posthumes est parfois décalquée de celle du roman de Sterne : les idées fixes des personnages, les adresses au lecteur, la toute-puissance du narrateur, le goût pour les systèmes philosophiques, le chapitre comme unité de base du récit, etc. Si l'humour est bien présent, la comparaison ne rend pas justice à Bras Cubas. Sterne a mis la barre très haut, et Machado de Assis a le souffle un peu court.

La comparaison est d'autant plus regrettable que les deux romans présentent bien des différences. L'ironie de Machado de Assis démasque les conventions sociales, les formalités, les hypocrisies, dont le héros se fait un défenseur amusé. Bras Cubas est d'ailleurs un héros bien peu héroïque, dont la mesquinerie se devine entre deux confessions, et Machado de Assis a le don très subtil de contourner systématiquement l'action, de désamorcer le drame, et de faire de la vie de son héros-narrateur, par ailleurs tout à fait sympathique, une suite de vanités, de moments creux et d'occasions perdues. Derrière l'humour désinvolte du narrateur, perce, en seconde main, l'ironie de Machado de Assis, beaucoup plus dévastatrice, et qui, versant dans un scepticisme teinté de nihilisme, finit par miner ces mémoires posthumes. C'est là un vrai coup de maître.

Celles-ci sont ainsi sculptées en creux, en négatif (voir à cet égard le dernier chapitre) - là où Tristram Shandy, odyssée débordante et digressive, était résolument optimiste. Cet écart s'explique peut-être par le siècle tumultueux qui sépare les deux livres...
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Quel auteur étonnant que celui-ci, tellement en avance sur son temps pour la forme narrative, montrant une réelle complicité avec le lecteur, faisant preuve d'une fine ironie et soulevant des questionnements d'ordre philosophique d'une façon délicieusement elliptique.
Bràs Cubas écrit ses mémoires et les dédie aux vers qui mangeront sa chair; il commence par sa mort et finit par sa naissance avec un énorme flash back qui comprend toute sa vie. C'est un homme moderne, ambitieux et passablement rêveur qui n'a pas tout à fait réussi sa vie, enfin, pas en tout cas comme il l'aurait voulu. Bràs Cubas écrit ses mémoires dans le but de passer à la postérité.
Il y a une telle modernité dans ce roman de 1881, d'abord dans sa structure avec 200 pages et 160 chapitres dont certains en blanc afin que le lecteur les écrive à sa façon; il y a un permanent clin d'oeil entre le narrateur et le lecteur et énormément d'ironie très fine.
Mais que l'on ne se méprenne pas car derrière cette facilité il y a une critique féroce de la société brésilienne du XIXè après l'indépendance, où les postes et les charges étaient accordés par "piston".
L'intertextualité dans le livre est incessante avec des textes bibliques, de Shakespeare, Dante, Goethe, Pascal, Buffon, etc ce qui donne un aperçu de l'érudition de Machado de Assis.
Un très bon livre.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Un chef-oeuvre de nihilisme et critique acide de la societé de son époque, Mémoires posthumes Bras Cubas est le premier roman réaliste de Machado de Assis. Comme le titre l'indique, l'histoire est racontée par Brás Cubas, le narrateur-personnage qui, après sa mort, décide d'écrire ses mémoires. À travers de nombreux chapitres courts et de manière non linéaire, le protagoniste, un représentant de l'élite bourgeoise de Rio au XIXe siècle, raconte son parcours de la naissance à la mort, avec pour fil conducteur sa relation avec Virgília, une femme mariée
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Déjà, la vie de l'auteur ressemble à celle d'un personnage de fiction. Petit-fils d'esclaves du côté paternel, fils de domestiques, il quitte l'école à 12 ans. Adulte, il gravit tous les échelons de la fonction publique à force de persévérance, tout en se consacrant à l'écriture. Autodidacte de génie, il devient une figure majeure de la littérature brésilienne de son vivant.
Le héros de son roman, Brás Cubas, est mort à 64 ans d'une pneumonie et il s'adresse à nous lecteurs et lectrices, directement de l'au-delà. Primesautier et grandiloquent, il retrace les faits marquants de son existence, une vie de rentier pourtant peu glorieuse parsemée d'amours illicites. Sur un ton caustique, Machado de Assis nous parle de la vacuité de la vie, mais aussi de son caractère d'exception, tout en brossant un portrait de la société brésilienne de l'époque.
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