Songeons parfois au grand vaisseau invisible qui porte sur l'éternité nos destinées humaines. Il a, comme les vaisseaux de nos océans limités, ses voiles et son lest. Si l'on craint qu'il roule ou qu'il tangue au sortir de la rade, ce n'est pas une raison pour augmenter le poids du lest en descendant à fond de cale les belles voiles blanches. Elles ne furent pas tissées pour moisir dans l'obscurité à côté des pierres du chemin. Le lest, on en trouve partout ; tous les cailloux du port, tout le sable des plages y est propre. Mais les voiles sont rares et précieuses ; leur place n'est point dans les ténèbres des sentines, mais parmi la lumière des hauts mâts où elles recueilleront les souffles de l'espace. (L'intelligence des fleurs, p. 390)
Un des traits de notre temps, c'est la confiance de plus en plus grande et presque exclusive que nous accordons à ces parties de notre intelligence que nous venons d'appeler le sens commun et le bon sens. Il n'en fut pas toujours ainsi. Autrefois l'homme n'as seyait sur le bon sens qu'une portion assez restreinte et la plus vulgaire de sa vie. Le reste avait ses fonde ments en d'autres régions de notre esprit, notamment dans l'imagination. Les religions, par exemple, et avec elles le plus clair de la morale dont elles sont les sources principales, s'élevèrent toujours à une grande distance de la minuscule enceinte du bon sens. C'était excessif; il s'agit de savoir si l'excès actuel et contraire n'est pas aussi aveugle. L'énorme développement qu'ont pris dans la pratique de notre vie certaines lois méca niques et scientifiques, nous fait accorder au bon sens une prépondérance à quoi il reste à prouver qu'il ait droit. La logique apparemment irréductible, mais peut-être illusoire, de quelques phénomènes que nous croyons connaître, nous fait oublier l'illogisme pos sible de millions d'autres phénomènes que nous ne connaissons pas encore. Les lois de notre bon sens sont le fruit d'une expérience insignifiante z on
En cette ère nouvelle où nous entrons et où les religions ne répondent plus aux grandes questions de l'humanité, un des problèmes sur quoi l'on s'interroge avec le plus d'inquiétude est celui de la vie d'outre-tombe. Tout finit-il avec la mort ? Y a-t-il une survie imaginable ? Où allons-nous, que devenons-nous ? Qu'est-ce qui nous attend de l'autre côté de l'illusion fragile qu'on appelle l'existence ? A la minute où s'arrête notre coeur, est-ce la matière ou l'esprit qui triomphe, la lumière éternelle ou les ténèbres sans fin qui commencent ?
Comme tout ce qui existe, nous sommes impérissables. Nous ne pouvons concevoir que quelque chose se perde dans l'univers. A côté de l'infini, il est impossible d'imaginer un néant où un atome de matière puisse tomber et s'anéantir. Tout ce qui est sera éternellement, tout est, et il n'est rien qui ne soit point. (L'immortalité, p. 395)
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux.
[…] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes.
[…] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions.
[…]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw
0:28 - Julien Green
0:45 - Heinrich von Kleist
1:04 - Georges Henein
1:13 - Ladislav Klima
1:31 - Michel Schneider
1:44 - Hector Berlioz
1:55 - Henry de Montherlant
2:12 - Friedrich Nietzsche
2:23 - Roland Jaccard
2:37 - Alphonse Allais
2:48 - Samuel Johnson
3:02 - Henrik Ibsen
3:17 - Gilbert Keith Chesterton
3:35 - Gustave Flaubert
3:45 - Maurice Maeterlinck
3:57 - Fiodor Dostoïevski
4:08 - Aristippe de Cyrène
4:21 - Générique
Vous aimerez peut-être :
DICTIONNAIRE DU PARFAIT CYNIQUE #3 : https://youtu.be/A6¤££¤86S'IL N'Y AVAIT DE BONHEUR QU'ÉTERNEL83¤££¤
DICTIONNAIRE DU PARFAIT CYNIQUE #1 : https://youtu.be/PAkTz48qZrw
NI ANGE NI BÊTE : https://youtu.be/aBUASQxO9z4
S'IL N'Y AVAIT DE BONHEUR QU'ÉTERNEL... : https://youtu.be/bHCEHBhdLLA
LES CHIENS CÉLESTES : https://youtu.be/zZ-0H1qTlJg
PETITE FOLIE COLLECTIVE : https://youtu.be/Ge4q_tfPWjM
AD VITAM AETERNAM : https://youtu.be/YjvEBidvMXM
QUE SUIS-JE ? : https://youtu.be/sbWh58UeGvE
LA LUCIDITÉ POUR LES NULS : https://youtu.be/mMXwZq9N2kk
Philosophie : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8pT0¤££¤55Attribution-NonCommercial95¤££¤9ptGAv
Référence bibliographique :
Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration :
Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg
George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg
Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982
Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg
Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective
Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios
Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
+ Lire la suite