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Patrick McGuinness (Préfacier, etc.)
EAN : 9782246204220
185 pages
Grasset (14/03/2008)
4.29/5   34 notes
Résumé :

Maeterlinck est belge, et, toute sa vie, il a entretenu des rapports tendus avec la culture française. Né à Gand, il entame une carrière de juriste, plaidant en français, langue officielle du système légal, pour des Flamands qui ne le parlaient pas. Très tôt, il commence à écrire des contes et des poèmes où il essaie de fondre la saveur flamande et la langue française. Dans Le Trés... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Maeterlinck au pays des mystiques.

“L'essentiel est invisible pour les yeux” disait le Petit Prince de Saint-Exupéry. Maurice Maeterlinck n'en pense pas moins dans ces petits essais mystiques rassemblés, à l'extrême fin du XIXème siècle, sous le titre “Le Trésor des Humbles”.

“Quelle est l'action de l'homme dont le dernier mobile n'est pas mystique ?”

Qui n'a pas déjà eu recours en dernier ressort à ces pensées magiques : si je ferme les yeux et compte jusqu'à cinq alors il ou elle devra me répondre, ou pensera à moi, ou bien les numéros du loto s'alignerons sous mes yeux ou encore je serai invincible face aux épreuves, du deuil à l'entretien d'embauche en passant par la paperasse administrative du dimanche soir ou les douleurs aux lombaires… dans l'obscurité relative de nos paupières complices, nous négocions inlassablement avec l'univers insondable de nos croyances mystiques…

Le dramaturge belge, auteur notamment de la pièce symboliste, puis Opéra de Debussy, Pelléas et Mélisande, nous donne les clés d'un royaume inodore, incolore mais pas indolore… Car il faut accepter un réel effort pour toucher du doigt ce que l'écrivain, après Novalis, Emerson, Plotin et les mystiques médiévaux semble avoir compris, l'auteur reconnaît d'ailleurs que cela demande un peu “d'ivresse d'âme” (on ne peut totalement se départir du soupçon d'un coup de pouce herbacé quelconque afin d'atteindre les hauts sommets fongiques de la mystique médiévale n'est-ce pas…).

“Les abeilles ne travaillent que dans l'obscurité, la pensée ne travaille que dans le silence, et la vertu dans le secret…”

Le chapitre introductif “Le Silence” est d'une richesse inégalée par le reste de l'ouvrage. Pourquoi cette peur du silence ? Peur de l'exigence requise pour mener une vie spirituelle ? Pourtant nous avons beau lutter contre ce “réveil de l'âme” il fait partie de nous, Maeterlinck soulignant que “l'élément spirituel parait lutter au fond de l'humanité comme un noyé qui se débat sous les eaux d'un grand fleuve”.

Maeterlinck voit dans la parole un obstacle au contact profond avec l'âme, avec l'invisible, pour lui, la parole étouffe la pensée. Mais se taire n'est pas chose aisée, nous ne sommes pas très à l'aise à laisser s'installer le silence entre nous et autrui. Peut-être nous sentons tous ce danger du silence, surtout lorsqu'il est partagé, Maeterlinck note que “même les plus imprudents ne se taisent pas avec le premier venu” comme si quelque chose de plus intime, de plus indélébile que des bavardages pourrait s'installer par le silence laissé entre deux êtres qui ne désirent pas se connaître… le silence est donc un “poids inexplicable” lorsqu'il est partagé et c'est pourquoi nous en sommes tous si “avares”.

Dans un monde en proie au bruit, où la nuisance sonore s'exerce toujours sur les plus faibles, que se soient les salariés plongés dans l'enfer de l'open-space face à la porte close du bureau insonorisé du chef de service, ou les immeubles proches d'une Gare ou du périphérique, avec leurs populations précaires exposées… le silence est pourtant, comme le souligne la philosophe Cynthia Fleury, une “ressource cognitive” indispensable à la production, la concentration, la démocratie la psyché et le sacré, “le fardeau sonore est toujours porté par les plus vulnérables” dénonce Fleury tout en déplorant que l'on assiste à une “confiscation du silence par les espaces de luxes” alors que c'est une “denrée essentielle pour le corps et l'esprit”, ce que confirme déjà Maeterlinck en écrivant “la pensée ne travaille que dans le silence”.

“ce qui nous distingue les uns des autres, ce sont les rapports que nous avons avec l'infini.”

Il ne faut pas aborder la “morale mystique” par le biais de la parole et du langage, toujours réducteurs, ils diminuent ce qu'ils veulent exprimer. Dans le silence, avant la raison qui “donne une forme arbitraire aux mouvements invisibles des royaumes intérieurs” nous ressentons l'indicible qui commande nos actions et notre sens de ce qui est juste.

Ces certitudes, “reines voilées” qui nous guident dans l'existence nous ne pouvons parvenir ni à les formaliser ni à en retracer l'origine profonde. Maeterlinck invite sans doute à être plus attentif à ces voix intérieures, ces intuitions sur les autres, qui ne reposent a priori sur rien, qui ne s'expliquent pas et qui pourtant nous font sentir “qu'il y a des êtres qui protègent dans l'inconnu et d'autres qui y mettent en péril”… qui n'a jamais eu ce pressentiment sur l'influence qu'une personne pourrait avoir sur sa vie.

Dans ces chapitres comme “le tragique du quotidien”, “la bonté invisible” ou encore “la vie profonde” l'auteur nous enjoint à mettre un pied dans les eaux “graves et inattendues” de la vie supérieure, à sculpter notre propre morale et trouver notre idéal dans l'humilité de la vie quotidienne.

Est-ce que Maeterlinck produit le même effet que les moines mystiques du Moyen-Âge, à savoir un égaré illuminé par une croyance dévoyée ? Malgré le risque d'extravagance associé à sa démarche, nous devons nous rendre à l'évidence que bien des intuitions nous parlent.

…Et pour celles qui nous parlent moins, il reste la beauté de la langue, sa poésie incontestée qui nous berce un peu comme si nous étions sur une planète inconnue, face à des couleurs et des formes dont nous serions témoins pour la première fois. Maeterlinck nous déconseille d'entrer dans la lecture des mystiques “par curiosité littéraire”, je dirais pourtant qu'il n'y a pas meilleure raison d'entrer dans “Le Trésor des Humbles”.

Qu'en pensez vous ?
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L'un des plus beaux livres que j'aie lu jusque-là au niveau du message délivré. J'ai eu un peu de mal à y être sensible au début, comme si ce que l'auteur disait se déroulait bien au-dessus de moi, dans une sphère privilégiée et spirituelle, mais peu à peu, cette distance s'est atténuée et je me suis senti davantage « dans le texte ».
Ce livre recueille une série d'articles de Maeterlinck, écrit à différentes époques, avec pour sujet commun l'âme. Il considère cette âme comme la sphère humaine la plus importante, mais aussi celle qu'on refuse et refoule le plus. Il faudrait donc selon lui voir avec son âme, entre autres. Cette vision est intimement liée à la beauté, à l'amour et au silence. Ce sont les grandes idées principales que j'ai retenues de ce livre, mais il y en a bien d'autres : les articles se répètent parfois un peu ou se contredisent légèrement, ce qui rend cette oeuvre difficile à résumer en quelques lignes. de plus, Maeterlinck pose plus de questions que de réponses, forçant donc ainsi en quelque sorte le lecteur à s'impliquer dans sa lecture et à mêler son opinion à celle de l'auteur. Enfin, c'est comme si ce texte avait parlé à mon âme, à ma sensibilité plutôt qu'à mon intellect, d'où cet avis un peu embrouillé et confus.
Une lecture que je ne peux que conseiller.
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Je voudrais avoir les mots qu'il faut pour décrire... ce trésor de la pensée.
C'est un texte sublime. Inspiré. Un écrit au-delà du temps.
De la pure poésie faite avec des mots de tous les jours.
Peut-être un peu trop triste.
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Un recueil d'articles parus en 1896. Une écriture admirable : j'ai rarement lu quelque chose d'aussi beau.
Le message demeure pour moi très éthéré (l'école symboliste est bien là), aristocratique (dans un sens positif). Sans doute est-ce là l'écueil : je n'arrive pas à articuler cela avec la modestie des humbles, leur effacement.
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Douze réflexions énigmatiques sur l'essentiel dans l'expérience humaine d'un homme illuminé par la béatitude d'être vivant. le style est élégant et l'auteur s'exprime avec beaucoup de grâce sur différents thèmes fondamentaux de notre condition comme ceux de l'amour, de la souffrance, du silence, de la mort, de la joie, de la connaissance de l'esprit et de la mystique divine.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Je ne m'approche ici que du silence actif, car il y a un silence passif qui n'est que le reflet du sommeil, de la mort ou de l'inexistence. C'est le silence qui dort ; et tandis qu'il sommeille, il est moins redoutable encore que la parole ; mais une circonstance inattendue peut l'éveiller soudain, et alors c'est son frère,le grand silence actif, qui s'intronise. Soyez en garde. Deux âmes vont s'atteindre, les parois vont céder, des digues vont se rompre, et la vie ordinaire va faire place à une vie où tout devient très grave, où tout est sans défense, où plus rien n'ose rire, où plus rien n'obéit, où plus rien ne s'oublie...

Le Silence, 1896
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"Les abeilles ne travaillent que dans l’obscurité, la pensée ne travaille que dans le silence, et la vertu dans le secret… "
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Toutes les âmes de nos frères rôdent sans cesse autour de nous, en quête d'un baiser, et n'attendent qu'un signe. Mais combien d'êtres n'ont jamais osé faire un de ces signes dans leur vie! C'est le malheur de toute notre existence, que nous vivions ainsi à l'écart de notre âme, et que nous ayons peur de ses moindres mouvements.
Si nous lui permettions de sourire franchement dans son silence et sa lumière, nous vivrions déjà d'une vie éternelle. Il suffit de considérer un instant ce qu'elle parvient à faire dans les rares minutes où nous ne songeons pas à l'enchaîner comme une folle; dans l'amour, par exemple, où nous la laissons quelquefois s'approcher des grillages de la vie extérieure. Et ne faudrait-il pas, selon la vérité première, que dans la vie, tous les êtres se sentissent en face de nous comme l'amante en face de l'amant?
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il faut cultiver le silence entre soi,
car ce n'est qu'en lui que s'entrouvrent un instant les fleurs inattendues et éternelles, qui changent de forme et de couleur selon l'âme à côté de laquelle on se trouve.
Les âmes se pèsent dans le silence, comme l'or et l'argent se pèsent dans l'eau pure, et les paroles que nous prononçons n'ont de sens que grâce au silence où elles baignent.
Si je dis à quelqu'un que je t'aime, il ne comprendra pas ce que j'ai dit à mille autres peut- être ; mais le silence qui suivra, si je l'aime en effet, montrera jusqu'où plongèrent aujourd'hui les racines de ce mot, et fera naître une certitude silencieuse à son tour, et ce silence et cette certitude ne seront pas deux fois les mêmes dans une vie...
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(...) ceux qui aimèrent beaucoup savent aussi des secrets que d'autres ne savent pas ; car il y a, dans ce que taisent les lèvres de l'amitié et de l'amour profonds et véritables, des milliers et des milliers de choses que d'autres lèvres ne pourront jamais taire.
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Videos de Maurice Maeterlinck (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maurice Maeterlinck
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw 0:28 - Julien Green 0:45 - Heinrich von Kleist 1:04 - Georges Henein 1:13 - Ladislav Klima 1:31 - Michel Schneider 1:44 - Hector Berlioz 1:55 - Henry de Montherlant 2:12 - Friedrich Nietzsche 2:23 - Roland Jaccard 2:37 - Alphonse Allais 2:48 - Samuel Johnson 3:02 - Henrik Ibsen 3:17 - Gilbert Keith Chesterton 3:35 - Gustave Flaubert 3:45 - Maurice Maeterlinck 3:57 - Fiodor Dostoïevski 4:08 - Aristippe de Cyrène 4:21 - Générique
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982 Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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