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sur 804 notes
Court, éloquent, terrible, Que sur toi se lamente le Tigre, ce premier roman, signé Émilienne Malfatto, m'a bouleversé par sa simplicité et son réalisme atroce.
L'Irak est déchiré par la guerre. le fleuve Tigre charrie la boue et le sang. La légende de Gilgamesh, héros mésopotamien, rythme les dernières heures que vit une jeune femme.
Juste avant que Mohammed parte combattre, elle a cédé devant son insistance. Or, celui-ci a été tué un peu plus tard par une bombe larguée par erreur. Il était l'ami et le frère d'armes d'Amir, le frère aîné.
Alors qu'elle est enceinte de cinq mois, elle sait que son frère, Amir, va la tuer ce soir, pour préserver l'honneur de la famille. L'honneur, pour ce jeune homme qui a pris la place du père mort alors qu'ils vivaient encore dans la banlieue de Bagdad, c'est priver soeurs et femme de toute liberté après les avoir voilées sous l'abaya, dès le début de l'adolescence.
Pourtant, celle qui va mourir de la main de son frère aîné, n'obtient aucun soutien de sa mère, absente ce jour-là, de Layla, sa petite soeur trop jeune et de Baneen, la femme d'Amir, modèle de femme soumise qui ne discute pas la toute puissance masculine.
Hassan, le petit frère, gentil et tendre, n'a pas la force de s'opposer à l'horreur qui se prépare. Quant à Ali, autre frère plus âgé, moderne, évolué, il n'est qu'un lâche, navré d'être un salaud.
En quelques pages, quelques portraits, tracés avec précision et tout en nuances, Émilienne Malfatto, journaliste et photographe indépendante qui connaît bien l'Irak, m'a emporté dans une spirale mortifère, abominable, d'un réalisme qui me laisse complètement désemparé.
Que faire pour que de tels drames ne se produisent plus ?
Écrire, raconter est un moyen et Que sur toi se lamente le Tigre, Goncourt du Premier roman 2021, est un livre dont il faut parler car les vies de ces filles, de ces femmes, voilées sous les interdictions et les frustrations, voient leurs vies saccagées, abrégées, mutilées.
Ne plus détourner le regard, ne plus faire silence, militer pour le droit des femmes et une stricte égalité des sexes, voilà le combat à mener, combat encore loin d'être gagné chez nous comme un peu partout dans le monde…

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Dans ce récit fulgurant salué tout récemment par le Prix Goncourt du Premier roman, Emilienne Malfatto réussit un tour de force très impressionnant. Elle, l'étrangère à la société qu'elle restitue, l'Irak du Sud rural où sévissent encore des combats, parvient à raconter sans distanciation mais avec une empathie totale la complexité d'un pays à travers l'intimité d'une famille, comme si elle était irakienne. Suite à ses aller-retours dans le pays en tant que photojournaliste, elle a acquis une connaissance fine des lieux et des hommes. Tout respire l'authentique.

Elle plonge le lecteur en pleine tragédie grecque avec cette chronique d'une mort annoncée. Une jeune fille sera tuée par son frère, elle le sait depuis qu'elle est tombée enceinte hors-mariage et que son amoureux clandestin est mort aux combats avant de pouvoir l'épouser. Elle se raconte, rejointe par le choeur des membres de sa famille, tous impuissants face au fatum en marche, inexorablement.

Cette polyphonie permet à l'auteure d'éviter l'écueil du manichéisme. Il n'y pas de salauds ou de fous islamistes. Juste des êtres prisonniers d'un système qu'ils ne savent pas mettre à terre. Les débats intérieurs, les dilemmes insolubles de chacun, sont mis à jour. Terrible de voir la mère approuver en pleurs, en silence, le meurtre de sa fille. Bouleversant de lire le petit frère dire «  je suis le garçon dont l'avenir n'est pas encore écrit. Je suis celui qui, peut-être, ne sera pas l'assassin », trop jeune pour s'opposer mais avec une lumière possible d'être celui qui brisera la fatalité. Dramatique d'être face au frère ainé, dépositaire de l'autorité depuis la mort du père, se sentir obligé de laver l'honneur de la famille par un crime qui le désole.

A ce choeur, s'ajoute un formidable choryphée, le Tigre lui-même, le fleuve qui traverse l'Irak et la mémoire du pays. Il offre des respirations poétiques, de superbes envolées lyriques évoquant aussi bien la réalité crue que faisant référence à l'épopée de Gilgamesh ( le magnifique titre est tiré de ses vers ). L'écriture d'Emilienne Malfatto, épurée, ciselée, à la fois simple et forte, y ets parfaitement mise en lumière.

Ce roman est d'une sobriété bouleversante, offrant au lecteur toute sa place pour ressentir, vibrer selon son propre rythme, sans se voir imposer des émotions. C'est très rare de trouver autant de matières dans un texte si court ( 79 pages ). Je salue le remarquable travail de la maison d'édition Elyzad qui propose régulièrement des textes contemporains vivants, ouverts sur l'Orient, dans un écrin visuellement toujours très beaux, comme en témoigne cette couverture juste à l'unisson de la puissance du roman : une photographie prise par l'auteure elle-même, qui marque avant même que le livre soit ouvert.
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Un texte court, 80 pages, pour un premier roman extraordinaire, digne d'une tragédie antique et pourtant tragédie contemporaine, tel se présente Que sur toi se lamente le Tigre de Émilienne Malfatto.
Dans l'Irak rural d'aujourd'hui, une jeune femme sait qu'elle va mourir quand elle comprend qu'elle va avoir un enfant. Elle est enceinte de Mohammed, son ami d'enfance devenu son amant un court instant, juste avant qu'il parte combattre avec la milice et qu'il meure sous les bombes.
L'honneur de la famille ne peut être sauvé qu'au prix du sang, la sentence est inéluctable : la mort.
Tous les membres de la famille vont tour à tour se déployer pour s'identifier et donner leur sentiment sur le drame attendu.
C'est Baneen, la femme d'Amir, qui se présente en premier, douce, soumise, respectable. Amir quant à lui est le frère aîné : « Je suis le frère, celui par qui la mort arrive. Je suis l'homme de la famille, l'aîné, le dépositaire de l'autorité masculine – la seule qui vaille, qui ait jamais valu. Je suis le frère qui a pris le rôle du père. Je règne sur les femmes. » C'est donc lui qui, pour sauver l'honneur de la famille, va la tuer. La présentation des membres de la famille se poursuit et aucun ne s'oppose à Amir, ni Ali, par lâcheté, qui pourtant voudrait tout arrêter, ni la mère, par soumission, qui dit avoir accepté les règles depuis trop longtemps. La succession des portraits est entrecoupée parfois par de courts extraits de l'épopée de Gilgamesh, ce héros mésopotamien porteur de la mémoire du pays et des hommes. le roman s'ouvre d'ailleurs sur quelques lignes de cette épopée : « Sidouri dit à Gilgamesh : Où vas-tu, Gilgamesh ? La vie que tu cherches, tu ne la trouveras pas. Lorsque les grands dieux créèrent les hommes, c'est la mort qu'ils leur destinèrent. »
Un autre personnage à part entière, intervient pour nous faire part de son humeur à propose des hommes. Il s'agit du Tigre, ce fleuve qui traverse le pays du Nord au Sud.
Émilienne Malfatto nous fait pénétrer dans une société patriarcale où l'honneur est plus important que la vie, où « Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère », une société fermée où règne l'autorité masculine et le code de l'honneur.
Ce roman a été pour moi un véritable coup de coeur !
Il est rare qu'un récit aussi court soit aussi dense, aussi précis, aussi pertinent et aussi intense, tout en étant aussi poignant, aussi bouleversant et autant perturbant.
Il est inconcevable que de nos jours, en cette époque éclairée, dite civilisée, de telles idées puissent encore être conçues et de tels faits encore possibles et autorisés.
L'auteure plonge au coeur de la tragédie d'un crime d'honneur dans une famille irakienne, avec en toile de fond, la guerre, et laisse son lecteur pantois devant une telle réalité.
Si, tout au long de cette journée pendant laquelle se scelle son destin, la jeune femme est résignée au sort qui l'attend elle et l'enfant qu'elle porte, « soudain une angoisse terrible lui vient, parce qu'elle n'est plus si sûre de ne pas avoir eu envie de vivre, et de connaître cet enfant... » On aimerait avoir lu cette sublime tragédie en tant que fiction, hélas, il faut se pincer et revenir à la terrible réalité.
L'écriture m'a émerveillée par sa simplicité, sa précision, les paragraphes sont courts et percutants. Ce bouquin a été une révélation dont je suis ressortie bouleversée et suffoquée par la bêtise humaine.
Même si votre PAL atteint des sommets, n'hésitez pas à réserver un peu de temps pour découvrir ce petit joyau Que sur toi se lamente le Tigre, vous ne le regretterez certainement pas.
Magistral et inoubliable

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Couronné du prix Goncourt du Premier roman 2021, ce court récit d'Emilienne Malfatto plonge le lecteur au coeur du crime d'honneur qui doit avoir lieu au sein d'une famille irakienne.

Ayant souvent séjourné en Irak en tant que photojournaliste indépendante, Emilienne Malfatto situe son récit dans un pays qu'elle connaît bien et propose un roman choral qui s'ouvre sur la voix d'une jeune femme enceinte de cinq mois, qui sait que son frère Amir va la tuer le soir même. Enceinte sans être mariée, d'un fiancé qui vient d'être tué à la guerre, elle se retrouve condamnée à mourir afin de préserver l'honneur de la famille.

__«L'honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère.»

L'autrice donne ensuite la parole à chacun des membres de la famille, du frère aîné à la mère, en passant par la belle-soeur et les autres membres de la fratrie. Malgré une sentence inéluctable et connue d'avance, tous viennent témoigner de leur impuissance face à un système dont ils sont prisonniers. Respect de la tradition, acceptation des règles, résignation, lâcheté, impuissance… tous ont en commun d'accepter le verdict comme une fatalité.

__« Je suis le lâche, celui qui désapprouve en silence. Je suis la majorité inerte, je suis l'homme banal et désolé de l'être. Je suis le frère de ma soeur qui aime et qui comprend. Je suis le frère de mon frère qui respecte l'autorité de l'aîné. Je suis celui qui condamne les règles mais ne les défie pas. Je suis le complice par faiblesse ».

Chaque portrait est entrecoupé de courts extraits de l'épopée de Gilgamesh et de textes poétiques narrées par le Tigre, fleuve traversant le pays du Nord au Sud et témoin de la folie des hommes depuis des millénaires.

__« On m'appelle Tigre mais chaque jour je nais du taureau et de l'orage, là-haut dans les montagnes du nord. Les hommes de cette région ont déchiré mon flanc, éraflé mon flot avec leur métal et leurs pioches. Ils ont élevé des parois de béton et d'acier pour contraindre mes eaux. Ils sont comme le vent dans les roseaux, ils passent mais ne dureront pas. Quand on compte comme moi en millénaires, plus rien n'a vraiment d'importance. »

Derrière cette couverture reproduisant une photographie de l'autrice, se dissimule un texte qui allie simplicité et authenticité. En seulement 80 pages, Emilienne Malfatto dresse quelques portraits qui parviennent à restituer toute la complexité d'un pays déchiré par les guerres et d'une culture qui justifie l'inacceptable…

Lisez également: « La laveuse de mort » de Sara Omar, « Les impatientes » de Djaïli Amadou Amal, « Les putes voilées n'iront jamais au Paradis ! » de Chahdortt Djavann, « Confidences à Allah » de Saphia Azzedine
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«Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang......La première fois que le monde est devenu rouge, j'avais neuf ans. »
Dans un pays de sable et de scorpions, où les femmes payent pour les hommes, Elle va payer son amour pour Mohammed.

Un court récit épique dans l'Irak rural d'aujourd'hui. Alternant la voix du Tigre, le fleuve argenté et des extraits de l'épopée de Gilgamesh avec les voix des protagonistes, qui à tour de rôle éclairent de leurs ressentis, leurs attitudes face à cette chronique d'une mort annoncée, un premier roman éprouvant. le sujet n'a rien de singulier, mais la belle prose et la structure simple et concise du livre de la jeune Émilienne Malfatto journaliste et photographe française primée, en vaut le détour.

“On m'appelle Tigre mais chaque jour je nais du taureau et de l'orage, là-haut dans les montagnes du nord. Les hommes de cette région ont déchiré mon flanc, éraflé mon flot avec leur métal et leurs pioches. Ils ont élevé des parois de béton et d'acier pour contraindre mes eaux. Ils sont comme le vent dans les roseaux,ils passent mais ne dureront pas. Quand on compte comme moi en millénaires , plus rien n'a vraiment d'importance.”
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Une jeune Irakienne se découvre enceinte en même temps qu'elle apprend la mort de son fiancé, tué dans un bombardement à Bagdad. Pour cette grossesse hors mariage, elle sait qu'il n'y aura pas de pardon et que la sentence familiale sera impitoyable et capitale…


Mère, frères, soeur, belle-soeur : les personnages de cette tragédie contemporaine aussi vieille que le monde s'expriment tour à tour, comme autant de jurés d'un tribunal dont l'implacable sentence est connue d'avance. Au nom de l'honneur pour les uns, en acceptation des règles et de la tradition pour les autres, qu'il approuve ou réprouve secrètement la sanction, chacun exprime un point de vue résigné, où transparaît la pesanteur d'un drame vécu comme une fatalité, dans des existences de toute façon comme écrasées par leur histoire : les femmes par leur asservissement séculaire à l'autorité masculine, tous par le corset des convenances morales et religieuses qu'ils ont intégrées comme inéluctables, et, en plus, par l'horreur d'une guerre qui fauche aveuglément ses victimes au gré de ses attentats quotidiens dans une Bagdad en ruines, contraignant les familles à fuir dans les campagnes reculées.


Comme les répons d'un office lugubre, ou comme les lamentations des choeurs d'une tragédie grecque, au couplet de chaque personnage répliquent les voix du fleuve Tigre et du héros antique Gilgamesh, théâtralisant ce drame inventé et éternellement rejoué par les humains, aveuglés par leurs passions et leur folie, incapables de se libérer des liens qu'ils ont forgés et s'imposent les uns aux autres. Impuissant et horrifié, le lecteur ressent la désespérante inéluctabilité du sort qui attend cette jeune fille, un crime auquel elle n'a aucune chance d'échapper, puisque tous, femmes et hommes, modérés ou convaincus, acceptent le poids de règles auxquelles ils préfèrent ne plus réfléchir, persuadés de n'y pouvoir rien changer.


L'habileté de la construction narrative, la sidération ressentie face aux portraits psychologiques croqués en quelques phrases fulgurantes, la vividité des évocations, le tout dans un style simple, rythmé et concis qui fait tenir le récit en moins de cent pages, font de ce petit livre une lecture choc, qui révolte autant qu'elle fait prendre la mesure de l'effrayante chape de plomb de l'obscurantisme. Il n'est pas surprenant que cet ouvrage ait été couronné du Goncourt du Premier Roman. Coup de coeur.

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Mes mots restent bloqués dans mon ventre…cette phrase du roman pourraient être la mienne après la lecture de ce livre bouleversant « Que sur toi se lamente le Tigre ». Pas étonnant qu'il ait reçu le Prix Goncourt 2020 du premier roman. L'écriture est incroyablement poétique, fluide, pour raconter une tragédie : celle d'une très jeune femme irakienne, tombée enceinte hors mariage après un premier et rapide rapport avec Mohammed, son futur fiancé, rapport précipité dont elle ne garde que le souvenir de la peur et de la douleur. Une faute irrémédiable dans ce pays de sable et de scorpions, où l'honneur est plus important que la vie. « Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère. ». Son frère ainé, Amir, va donc la tuer. Son souvenir et son nom seront effacés. Elle n'aura jamais existé aux yeux des siens. D'ailleurs nous ne connaissons pas son nom à cette jeune fille, il n'est jamais mentionné, la mort imminente a déjà fait son travail de sape.

Comme je fus émue face à sa désespérance, totale et absolue ! Enceinte de mort, tout devient signe précurseur : « Un voile était tombé de la corde, grande tache noire sur le sol. J'ai pensé à une flaque de sang séché »

Les membres de la famille prennent tour à tour la parole pour parler de cette mort à venir, inéluctable. Même le fleuve, le Tigre, a droit à la parole. le Tigre, ce fleuve qui depuis des milliers de lunes, traverse le désert, long comme une veine sacrée. Il raconte avec solennité la splendeur passée de Bagdad. Il raconte le drame ancestral de ces femmes déshonorées. Il raconte le Bagdad d'aujourd'hui qui déverse en lui ses vomissures, ses biles et ses blessés. Nous aurons des larmes aussi, les seules, celle de la petite soeur...

Cette histoire tragique personnelle nous dévoile aussi ce pays, l'Irak, marqué par la guerre, par les bâtiments en ruines, par les attentats, l'insécurité : « Enfants, dans la cour de la maison, mes frères attrapaient des lézards et nous leur coupions la queue dans l'espoir toujours déçu de la voir repousser. Aujourd'hui les enfants de mon pays demandent à leur mère si leur bras va repousser. Nous sommes un pays de mutilés, d'ensanglantés, un pays d'ombre et de fantômes. »

Un petit livre qui se termine tel un couperet. Net. Inéluctable. Court et intense. Même si je sais que c'est cette densité qui bouleverse, qui touche, qui percute, j'aurais aimé que ce livre soit plus épais. J'étais avec ces femmes, j'étais cette jeune fille, j'étais sous ce voile, je sentais et comprenais la condition de ces femmes, ces femmes si souvent vues de loin, voix au chapitre leur ai si rarement donné. le livre s'est fini trop vite. J'imagine le même livre, la même poésie, mais avec chaque vie plus détaillée, chaque voix plus étoffée, les sentiments plus explorés.

Oui, les conditions de vie de ces femmes sont terribles, et c'est peu de le dire. Avec ce beau roman d'Emilienne Malfatto, je finis KO, le coeur au bord des lèvres, emplie de pensées pour toutes celles qui souffrent et qui sont sous domination…« Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang. Et tout à l'heure, le sang aussi. Comme si la terre n'en avait pas assez de boire le sang des femmes. Comme si la terre d'Irak avait encore soif de mort, de sang, d'innocence. Babylone n'a-t-elle pas bu assez de sang. Longtemps, au bord du fleuve, j'ai attendu de voir l'eau devenir rouge. »

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Trois étoiles pour le triste hommage rendu aux femmes, victimes éternelles dans trop de pays où les pratiques criminelles des hommes, validées par la famille tout entière, malgré les réticences et les larmes de quelques-uns, leur promettent un avenir de malheur au moindre écart de lois vides de tout sens.

Pas de sens humain dans ces lois, pas de sens religieux surtout si l'on se réclame d'Allah ou Dieu, c'est le même, pas de sens du tout finalement quel que soit l'angle sous lequel on regarde ces martyres d'une civilisation sans amour et sans pitié.

Dans ce livre, c'est le fleuve Tigre qui regarde et se lamente, à travers quelques strophes poétiques qui apportent plus que le texte assez pauvrement rédigé par Emilienne Malfatto. Si la structure est cohérente en faisant parler et réagir tour à tour les membres de la famille et la victime elle-même jusqu'au dernier moment, c'est le côté littéraire auquel j'ai trouvé de nombreuses carences, des constructions grammaticales incorrectes, un manque d'énergie. Peut-être ce dernier était nécessaire pour traduire l'inaction de la famille, de la mère, du frère cadet, devant le drame qui va détruire la soeur qui n'a pourtant commis aucune faute divinement ou humainement répréhensible dans un acte d'amour consenti, encore une fois pour faire plaisir à l'homme malgré les risques découlant de cet acte puni par une loi inique lorsqu'il n'est pas accompli dans le respect de règles insensées.

Au final, hélas, rien de vraiment porteur dans ce texte hormis les lamentations du Tigre.
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Ce court roman est un véritable uppercut ! La narratrice, une jeune Iranienne, attend sa mort. Mais qu'a-t-elle fait de si répréhensible ? Elle porte en elle la vie, ou plutôt, paradoxalement, son arrêt de mort. Car la jeune fille n'est pas mariée. Mohamed l'a déflorée avant de partir au combat. Mais celui-ci ne reviendra pas, condamnant ainsi doublement sa promise. Pour aller plus loin dans l'horreur, c'est le frère aîné qui rétablira l'honneur de la famille, avec l'aval de la mère… Certaines règles/lois/coutumes peuvent être terribles !

Tout comme la vie de la narratrice, le rythme des phrases est court, vif, incisif. On alterne entre les voix, dont celle du Tigre, qui connait tout et voit tout. Quelques passages de Gilgamesh viennent ponctuer le récit, alliance entre l'antique et le moderne… Moderne… vraiment ?
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Un joli livre, petit bijou d'édition, qui porte comme un choeur de tragédie à plusieurs voix, l'histoire d'un destin inéluctable.

La mort d'une jeune femme, enceinte d'un combattant du jihad qui n'a pu l'epouser. Elle doit mourir. Elle va mourir. Elle meurt.

La beauté vient de l'inévitable, du tout tracé, du c'était écrit. Et des stéréotypes :la mère soumise au fils aîné, la bru soumise à son époux et à la pesanteur du clan, le frère moderne trop lâche, le petit frère trop jeune, le frère aîné trop accablé par la tradition.

J'ai aimé ce poème tragique comme j' aime la tragédie grecque mais dans la tragédie grecque il y a des Oedipe, des Antigone, des Neoptolème, des Electre.

Des chemins de traverse, des révoltes, des "non".

Le poids des stéréotypes m'a paru parfois plus convenu que proprement tragique.
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