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sur 804 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Couronné du prix Goncourt du Premier roman 2021, ce court récit d'Emilienne Malfatto plonge le lecteur au coeur du crime d'honneur qui doit avoir lieu au sein d'une famille irakienne.

Ayant souvent séjourné en Irak en tant que photojournaliste indépendante, Emilienne Malfatto situe son récit dans un pays qu'elle connaît bien et propose un roman choral qui s'ouvre sur la voix d'une jeune femme enceinte de cinq mois, qui sait que son frère Amir va la tuer le soir même. Enceinte sans être mariée, d'un fiancé qui vient d'être tué à la guerre, elle se retrouve condamnée à mourir afin de préserver l'honneur de la famille.

__«L'honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère.»

L'autrice donne ensuite la parole à chacun des membres de la famille, du frère aîné à la mère, en passant par la belle-soeur et les autres membres de la fratrie. Malgré une sentence inéluctable et connue d'avance, tous viennent témoigner de leur impuissance face à un système dont ils sont prisonniers. Respect de la tradition, acceptation des règles, résignation, lâcheté, impuissance… tous ont en commun d'accepter le verdict comme une fatalité.

__« Je suis le lâche, celui qui désapprouve en silence. Je suis la majorité inerte, je suis l'homme banal et désolé de l'être. Je suis le frère de ma soeur qui aime et qui comprend. Je suis le frère de mon frère qui respecte l'autorité de l'aîné. Je suis celui qui condamne les règles mais ne les défie pas. Je suis le complice par faiblesse ».

Chaque portrait est entrecoupé de courts extraits de l'épopée de Gilgamesh et de textes poétiques narrées par le Tigre, fleuve traversant le pays du Nord au Sud et témoin de la folie des hommes depuis des millénaires.

__« On m'appelle Tigre mais chaque jour je nais du taureau et de l'orage, là-haut dans les montagnes du nord. Les hommes de cette région ont déchiré mon flanc, éraflé mon flot avec leur métal et leurs pioches. Ils ont élevé des parois de béton et d'acier pour contraindre mes eaux. Ils sont comme le vent dans les roseaux, ils passent mais ne dureront pas. Quand on compte comme moi en millénaires, plus rien n'a vraiment d'importance. »

Derrière cette couverture reproduisant une photographie de l'autrice, se dissimule un texte qui allie simplicité et authenticité. En seulement 80 pages, Emilienne Malfatto dresse quelques portraits qui parviennent à restituer toute la complexité d'un pays déchiré par les guerres et d'une culture qui justifie l'inacceptable…

Lisez également: « La laveuse de mort » de Sara Omar, « Les impatientes » de Djaïli Amadou Amal, « Les putes voilées n'iront jamais au Paradis ! » de Chahdortt Djavann, « Confidences à Allah » de Saphia Azzedine
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«Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang......La première fois que le monde est devenu rouge, j'avais neuf ans. »
Dans un pays de sable et de scorpions, où les femmes payent pour les hommes, Elle va payer son amour pour Mohammed.

Un court récit épique dans l'Irak rural d'aujourd'hui. Alternant la voix du Tigre, le fleuve argenté et des extraits de l'épopée de Gilgamesh avec les voix des protagonistes, qui à tour de rôle éclairent de leurs ressentis, leurs attitudes face à cette chronique d'une mort annoncée, un premier roman éprouvant. le sujet n'a rien de singulier, mais la belle prose et la structure simple et concise du livre de la jeune Émilienne Malfatto journaliste et photographe française primée, en vaut le détour.

“On m'appelle Tigre mais chaque jour je nais du taureau et de l'orage, là-haut dans les montagnes du nord. Les hommes de cette région ont déchiré mon flanc, éraflé mon flot avec leur métal et leurs pioches. Ils ont élevé des parois de béton et d'acier pour contraindre mes eaux. Ils sont comme le vent dans les roseaux,ils passent mais ne dureront pas. Quand on compte comme moi en millénaires , plus rien n'a vraiment d'importance.”
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Un joli livre, petit bijou d'édition, qui porte comme un choeur de tragédie à plusieurs voix, l'histoire d'un destin inéluctable.

La mort d'une jeune femme, enceinte d'un combattant du jihad qui n'a pu l'epouser. Elle doit mourir. Elle va mourir. Elle meurt.

La beauté vient de l'inévitable, du tout tracé, du c'était écrit. Et des stéréotypes :la mère soumise au fils aîné, la bru soumise à son époux et à la pesanteur du clan, le frère moderne trop lâche, le petit frère trop jeune, le frère aîné trop accablé par la tradition.

J'ai aimé ce poème tragique comme j' aime la tragédie grecque mais dans la tragédie grecque il y a des Oedipe, des Antigone, des Neoptolème, des Electre.

Des chemins de traverse, des révoltes, des "non".

Le poids des stéréotypes m'a paru parfois plus convenu que proprement tragique.
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Voici un texte court mais fort et sensible à la fois.

Une femme ne peut être mère si elle n'a pas de mari, elle porte la honte sur sa famille, et les hommes de cette famille ont le devoir de la supprimer.

Le récit se passe en Irak et l'autrice, Émilienne Malfatto réussit en moins de quatre-vingt pages, à donner à ce roman poignant une construction originale.
Elle donne successivement la parole à chaque intervenant : la jeune femme enceinte qui d'emblée sait ce qui l'attend, son fiancé tué a la guerre, sa belle-soeur, ses frères, sa soeur, sa maman. Entre ces prises de paroles, l'autrice insère parfois des textes donnant la parole au mythique Gilgamesh, textes très poétiques.

Roman sur les crimes d'honneur, sur la place de la femme soumise à l'homme, sur l'Irak avec ses guerres et ses attentats.
Le comportement de chacun des intervenants diffère, mais chacun sait que la fin est inéluctable…
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Irak profond.

La guerre m'a pris Mohammed, il m'avait promis le mariage dès son retour, l'annonce de ma grossesse a signé mon arrêt de mort.

La parole est donnée à l'aîné, Amir, aliéné à son éducation, qui se doit de laver l'honneur de la famille, au frère moderne, au jeune frère, à la belle soeur mais personne n'osera.

Un court roman que l'on vit comme un inéluctable cauchemar.

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Chronique d'une mort pas seulement annoncée, mais anticipée et acceptée avant que le futur assassin soit au courant du crime.
Le crime : s ‘être sans plaisir laissée prendre par un ami de la famille, et s'apercevoir qu'elle, la narratrice, pas nommée, est enceinte, alors que son ami est mort à Tikrit.
Dans cette famille exilée depuis la ville ronde de Bagdad, « la cité de la paix » Madinat-as-Saddam, appelée après la chute de Saddam, Madinat-as-Sadr, du nom d'un nationaliste irakien luttant contre les USA, exilée donc vers le Nord de l'Irak, le quand-dira-t-on des voisins, l'honneur avec un grand H , prime sur les horreurs de la guerre.
On va mourir, mais au moins on aura gardé la virginité.
Et l'honneur.
Même si , vu les carnages, personne ne sera vivant demain.
Alternant des considérations du fleuve Tigre sur son passé sumérien glorieux, le passage des statues de taureaux ailés ( actuellement au Louvre) dans les barques, les règnes des rois et de princesses, avec des citations de l'épopée de Gilgamesh, le héros qui défie la mort et n'accepte pas celle de son ami Enkidu, Emilienne Malfatto donne la parole aux différents protagonistes de cette tragédie à la grecque : les frères, l'un plus jeune, ou n'ayant pas droit à la parole, l'autre trop lâche pour s'opposer à l'ainé, enfin Amir, sorte de tout puissant Gilgamesh, le présumé futur assassin.
Les femmes ? la petite soeur, qui n'est même pas une femme, la femme d'Amir, empêtrée dans ses voiles noirs et son humilité de simple moitié, et la mère, ayant trop accepté toute sa vie pour prendre position, sauf qu'elle n'est pas non plus au courant du drame.
Percutant, dur, avec de petites phrases sonnantes et des réflexions sur la guerre ( Eh oui, l'Irak !!!) sur l'inéluctabilité de la mort omniprésente, ces quelques pages racontent surtout l'incapacité pour certaines femmes irakiennes de se rebeller contre leur sort. le sang coule et règne, celui des premières règles, celui de la défloration malheureuse, celui des combattants, celui charrié par le Tigre, le sang du sort, le sang du destin, et bien sûr, celui, entériné et validé par celle qui va mourir, et nous fait pleurer.
Je n'ai cependant pas compris la couverture, où trois femmes voilées de noir et se couvrant la bouche rient : la cruauté irait elle jusque là, se réjouir d'un assassinat ? Cigarette du frère ? Simple formalité pour rétablir l'honneur ?
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On ne peut qu'être qu'ému et révolté par ce récit âpre qui met en scène une jeune irakienne qui se découvre enceinte alors qu'elle n'est pas mariée et que celui qui devait devenir son fiancé a été tué au combat. le texte raconte aussi un pays déchiré par les guerres qui se crée encore plus de souffrances, et même de morts, à cause de l'honneur à préserver coûte que coûte.

Ce court roman est constitué de chapitres brefs où la jeune femme raconte comment elle en est arrivée là : l'enfance à Bagdad, le départ après la mort du père, la famille sous la férule du frère aînée, les hommes qui partent combattre et ne reviennent pas toujours, les femmes soumises à l'autorité masculine, le fiancé qui se montre de plus en plus entreprenant...
Son récit est entrecoupé de chapitres où le Tigre, le fleuve mésopotamien, raconte lui aussi : les hommes qui, à son échelle millénaire, ne font que passer, mais qui détruisent, tuent,...
Et puis, il y a d'autre chapitres où l'entourage de la jeune femme enceinte prend la parole, y compris l'amant mort, pour donner son avis et approuver la sentence. C'est glaçant, cette mort inéluctable que tout le monde accepte parce que "c'est comme ça". Certains regrettent peut-être, mais personne ne fera rien.

Le style d'Emilienne Malfatto est concis et factuel, mais les faits sont tels que certains passages sont presque insoutenables.
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En moins de 100 pages, Emilienne Malfatto nous bouleverse.
Elle a cédé juste avant qu'il ne parte au combat, juste avant qu'il ne meurt ; elle est enceinte alors elle doit mourir.
Elle sait que son frère va la tuer, c'est écrit. Il n'y a aucun espoir dans ces pages.
C'est une Antigone qui ne peut se rebeller contre l'autorité, qui doit plier.
C'est un crime d'honneur disent- ils ; un crime de la honte oui.
Nous parcourons les pensées de la jeune fille, de la mère soumise, de la belle-soeur taiseuse, du petit frère aimant, du frère tyran, de la petite soeur encore trop jeune pour comprendre, du frère qui désapprouve mais qui ne dira rien.
C'est inéluctable et c'est poignant.
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Si vous n'avez rien lu sur l'Irak et l'interminable guerre qui le déchire depuis quarante ans, ce roman vous permettra de commencer votre initiation. Si, en revanche, vous avez déjà lu des ouvrages consacrés à son martyr, vous perdrez votre temps.
Je ne peux nier que cette jeune autrice manie la plume avec talent. Son économie de mots sert la force de son propos. Tant mieux, car l'intensité des horreurs décrites pourrait fourbir un voyeurisme des plus malsains.
Le sang. le sang des hommes qui partent à la guerre et n'en reviennent pas. le sang des vierges qui fait la fierté des époux. le sang recouvrant le nouveau-né à qui l'on promet un meilleur destin que son père. le sang de la femme infidèle qui doit mourir pour sauver l'honneur de sa famille. le sang est partout.
Le noir. le noir de l'abaya qu'il faut porter pour se protéger du regard des hommes. le noir des tuniques islamistes patrouillant le long du Tigre. le noir du khôl sur les yeux dans ces moments rares où les filles séduisent. le noir de la fumée qui s'échappe d'un nouvel attentat. le noir est omniprésent.
Que reste-t-il de cette terre dévastée ? Que devient la rage des hommes ? Où se déversent les larmes de femmes ? Émilienne Malfatto dresse un portrait du désastre.
Bilan : 🌹
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Non, la taille n'est pas importante ! Avec un court roman, on peut faire plus d'effet qu'avec un pavé (sauf si on se prend le pavé dans la gueule), la preuve avec ce roman de moins de 100 pages.

Irak… La guerre et les conditions des femmes, les non-droits des femmes, si ce n'est de respecter les règles, de ne pas trop parler, de ne pas rire, ou alors, doucement, de baisser les yeux, de porter l'abaya une fois les premières règles venues… Et j'en passe.

Tomber enceinte hors mariage, c'est l'affront ultime, le péché maximum, le déshonneur éternel, celui qu'on ne peut laver que dans le sang, celui de la femme, bien entendu !

Dans ce court roman choral, l'autrice donnera la parole à plusieurs protagonistes : la jeune fille enceinte de son amoureux, la belle-soeur, le frère ainé qui va devoir assassiner sa soeur pour sauver l'honneur de la famille, le petit frère, l'autre frère, le modéré, mais qui n'ose pas, qui est lâche. Même un mort aura droit à la parole, même le fleuve Tigre !

L'esquisse des personnages est rapide, cela étant, ils ne manquent pas de profondeur pour autant, ni de présence. Avec peu de mots et des belles phrases, l'autrice nous plonge dans ce pays en guerre, dans un pays où les hommes ont tous les droits et les femmes aucun. Où les mères dressent les mêmes prisons pour leurs filles qu'on leur a dressées pour elles.

On reproduit les mêmes comportements, parce que personne n'ose les changer, se dresser contre elle. Celui ou celle qui osera est morte d'avance, condamnée avant d'essayer, ou alors, il faudrait que la majorité se rebelle contre ces règles iniques.

Un court roman qui vous prend aux tripes, qui vous les tord violemment et qui vous fait remercier le Ciel (ou qui vous voulez, je ne suis pas sectaire) d'être née en Europe, dans un pays bien plus libre que l'Irak. Dans ma maison, j'ai le droit de parler fort, de rire aux éclats et de raconter des blagues cochonnes si je veux. C'est le pied !

Non, ce roman ne m'a rien appris que je ne savais déjà, il a même enfoncé les portes ouvertes, puisque nous avons connaissance des horreurs que font subir les sociétés ultra-patriarcales aux femmes…

Néanmoins, les émotions étaient au rendez-vous, mon coeur battait à la chamade (et pas d'amour pour la société irakienne), tant le texte était prenant et que j'avais peur de ce qui allait arriver, ce qui est annoncé dès les premières lignes.

Chronique d'une mort pour l'honneur annoncée…

Oui, on se doute de l'issue, on comprend bien que le serpent se mord la queue et que même si le frère ne tuait pas sa soeur, d'autres s'en chargeraient et que personne ne veut aller à l'encontre de ces règles épouvantables qui ne frappent que les femmes et où les hommes ne se sentent jamais coupables.

Un roman qui m'a touché en plein coeur… La preuve que même à la mi-décembre, j'ai encore des coups de coeur littéraire à prendre.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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