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EAN : 9782080645456
794 pages
Flammarion (08/01/1992)
4.14/5   7 notes
Résumé :
Premier volume des oeuvres complètes de Stéphane Mallarmé, rassemblant ses poèmes et poésies.
Que lire après Oeuvres complètes 01 - PoésiesVoir plus
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Le Nénufar Blanc


J’avais beaucoup ramé, d’un grand geste net et assoupi, les yeux au dedans fixés sur l’entier oubli d’aller, comme le rire de l’heure coulait alentour. Tant d’immobilité paressait que frôlé d’un bruit inerte où fila jusqu’à moitié la yole, je ne vérifiai l’arrêt qu’à l’étincellement stable d’initiales sur les avirons mis à nu, ce qui me rappela à mon identité mondaine.


Qu’arrivait-il, où étais-je ?



Il fallut, pour voir clair en l’aventure, me remémorer mon départ tôt, ce Juillet de flamme, sur l’intervalle vif entre ses végétations dormantes d’un toujours étroit et distrait ruisseau, en quête des floraisons d’eau et avec un dessein de reconnaître l’emplacement occupé par la propriété de l’amie d’une amie, à qui je devais improviser un bonjour. Sans que le ruban d’aucune herbe me retînt devant un paysage plus que l’autre, chassé avec son reflet en l’onde par le même impartial coup de rame, je venais échouer dans quelque touffe de roseaux, terme mystérieux de ma course, au milieu de la rivière : où tout de suite élargie en fluvial bosquet, elle étale un nonchaloir d’étang plissé des hésitations à partir qu’a une source.



L’inspection détaillée m’apprit que cet obstacle de verdure en pointe sur le courant, masquait l’arche unique d’un pont prolongé, à terre, d’ici et de là, par une haie clôturant des pelouses. Je me rendis compte. Simplement le parc de Madame.., l’inconnue à saluer.



Un joli voisinage, pendant la saison, la nature d’une personne qui s’est choisi retraite aussi humidement impénétrable ne pouvant être que conforme à mon goût. Sûr, elle avait fait de ce cristal son miroir intérieur, à l’abri de l’indiscrétion éclatante des après-midis ; elle y venait et la buée d’argent glaçant des saules ne fut bientôt que la limpidité de son regard habitué à chaque feuille.


Toute je l’évoquais lustrale.



Courbé dans la sportive attitude où me maintenait de la curiosité, comme sous le silence spacieux de ce que s’annonçait l’étrangère, je souris au commencement d’esclavage dégagé par une possibilité féminine : que ne signifiaient pas mal les courroies attachant le soulier du rameur au bois de l’embarcation, comme on ne fait qu’un avec l’instrument de ses sortilèges.

— « Aussi bien une quelconque.. » allais-je terminer.


Quand un imperceptible bruit, me fit douter si l’habitante du bord hantait mon loisir, ou inespérément le bassin.

Le pas cessa, pourquoi ?



Subtil secret des pieds qui vont, viennent, conduisent l’esprit où le veut la chère ombre enfouie en de la batiste et les dentelles d’une jupe affluant sur le sol comme pour circonvenir du talon à l’orteil, dans une flottaison, cette initiative par quoi la marche s’ouvre, tout au bas et les plis rejetés en traîne, une échappée, de sa double flèche savante.


Connaît-elle un motif à sa station, elle-même la promeneuse : et n’est-ce, moi, tendre trop haut la tête, pour ces joncs à ne dépasser et toute la mentale somnolence où se voile ma lucidité, que d’interroger jusque-là le mystère !



— « À quel type s’ajustent vos traits, je sens leur précision, Madame, interrompre chose installée ici par le bruissement d’une venue, oui ! ce charme instinctif d’en dessous que ne défend pas contre l’explorateur la plus authentiquement nouée, avec une boucle en diamant, des ceintures. Si vague concept se suffit ; et ne transgresse point le délice empreint de généralité qui permet et ordonne d’exclure tous visages, au point que la révélation d’un (n’allez point le pencher, avéré, sur le furtif seuil où je règne) chasserait mon trouble, avec lequel il n’a que faire. »



Ma présentation, en cette tenue de maraudeur aquatique, je la peux tenter, avec l’excuse du hasard.


Séparés, on est ensemble : je m’immisce à de sa confuse intimité, dans ce suspens sur l’eau où mon songe attarde l’indécise, mieux que visite, suivie d’autres, ne l’autorisera. Que de discours oiseux en comparaison de celui que je tins pour n’être pas entendu, faudra-t-il, avant de retrouver aussi intuitif accord que maintenant, l’ouïe au ras de l’acajou vers le sable entier qui s’est tu !

La pause se mesure au temps de sa détermination.


Conseille, ô mon rêve, que faire.



Résumer d’un regard la vierge absence éparse en cette solitude et, comme on cueille, en mémoire d’un site, l’un de ces magiques nénufars clos qui y surgissent tout à coup, enveloppant de leur creuse blancheur un rien, fait de songes intacts, du bonheur qui n’aura pas lieu et de mon souffle ici retenu dans la peur d’une apparition, partir avec : tacitement, en déramant peu à peu, sans du heurt briser l’illusion ni que le clapotis de la bulle visible d’écume enroulée à ma fuite ne jette aux pieds survenus de personne la ressemblance transparente du rapt de mon idéale fleur.



Si, attirée par un sentiment d’insolite, elle a paru, la Méditative ou la Hautaine, la Farouche, la Gaie, tant pis pour cette indicible mine que j’ignore à jamais ! car j’accomplis selon les règles la manœuvre : me dégageai, virai et je contournais déjà une ondulation du ruisseau, emportant comme un noble œuf de cygne, tel que n’en jaillira le vol, mon imaginaire trophée, qui ne se gonfle d’autre chose sinon de la vacance exquise de soi qu’aime, l’été, à poursuivre, dans les allées de son parc, toute dame, arrêtée parfois et longtemps, comme au bord d’une source à franchir ou de quelque pièce d’eau.
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{N. B. : j'aime la subtile équivoque de ce poème…}

Tout à coup et comme par jeu
Mademoiselle qui voulûtes
Ouïr se révéler un peu
Le bois de mes diverses flûtes

Il me semble que cet essai
Tenté devant un paysage
A du bon quand je le cessai
Pour vous regarder au visage

Oui ce vain souffle que j'exclus
Jusqu'à la dernière limite
Selon mes quelques doigts perclus
Manque de moyens s'il imite

Votre très naturel et clair
Rire d'enfant qui charme l'air.

FEUILLET D'ALBUM.
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LA NOURRICE (INCANTATION)


Abolie, et son aile affreuse dans les larmes
Du bassin, aboli, qui mire les alarmes,
Des ors nus fustigeant l'espace cramoisi,
Une
Aurore a, plumage héraldique, choisi
Notre tour cinéraire et sacrificatrice,
Lourde tombe qu'a fuie un bel oiseau, caprice
Solitaire d'aurore au vain plumage noir...
Ah ! des pays déchus et tristes le manoir !
Pas de clapotement !
L'eau morne se résigne,
Que ne visite plus la plume ni le cygne
Inoubliable : l'eau reflète l'abandon
De l'automne éteignant en elle son brandon :
Du cygne quand parmi le pâle mausolée
Ou la plume plongea la tête, désolée
Par le diamant pur de quelque étoile, mais
Antérieure, qui ne scintilla jamais.
Crime ! bûcher ! aurore ancienne ! supplice !

Pourpre d'un ciel ! Étang de la pourpre complice !
Et sur les incarnats, grand ouvert, ce vitrail.

La chambre singulière en un cadre, attirail
De siècle belliqueux, orfèvrerie éteinte,
A le neigeux jadis pour ancienne teinte,
Et sa tapisserie, au lustre nacré, plis
Inutiles avec les yeux ensevelis
De sibylles offrant leur ongle vieil aux
Mages.
Une d'elles, avec un passé de ramages
Sur ma robe blanchie en l'ivoire fermé
Au ciel d'oiseaux parmi l'argent noir parsemé,
Semble, de vols partir costumée et fantôme,
Un arôme qui porte, ô roses ! un arôme,
Loin du
Ut vide qu'un cierge soufflé cachait,
Un arôme d'ors froids rôdant sur le sachet,
Une touffe de fleurs parjures à la lune (À la cire expirée encor s'effeuille l'une),
De qui le long regret et les tiges de qui
Trempent en un seul verre à l'éclat alangui.
Une
Aurore traînait ses ailes dans les larmes !

Ombre magicienne aux symboliques charmes !
Une voix, du passé longue évocation,
Est-ce la mienne prête à l'incantation ?
Encore dans les plis jaunes de la pensée
Traînant, antique, ainsi qu'une étoile encensée
Sur un confus amas d'ostensoirs refroidis,
Par les trous anciens et par les plis roidis
Percés selon le rythme et les dentelles pures
Du suaire laissant par ses belles guipures
Désespéré monter le vieil éclat voilé

S'élève : (ô quel lointain en ces appels celé !)
Le vieil éclat voilé du vermeil insolite,
De la voix languissant, nulle, sans acolyte,
Jettera-t-il son or par dernières splendeurs,
Elle, encore, l'antienne aux versets demandeurs, À l'heure d'agonie et de luttes funèbres !
Et, force du silence et des noires ténèbres
Tout rentre également en l'ancien passé,
Fatidique, vaincu, monotone, lassé,
Comme l'eau des bassins anciens se résigne.

Elle a chanté, parfois incohérente, signe
Lamentable !

le
Ut aux pages de vélin,
Tel, inutile et si claustral, n'est pas le lin !
Qui des rêves par pas n'a plus le cher grimoire,
Ni le dais sépulcral à la déserte moire,
Le parfum des cheveux endormis.
L'avait-il ?
Froide enfant, de garder en son plaisir subtil
Au matin grelottant de fleurs, ses promenades,
Et quand le soir méchant a coupé les grenades !
Le croissant, oui le seul est au cadran de fer
De l'horloge, pour poids suspendant
Lucifer,
Toujours blesse, toujours une nouvelle heurée,
Par la clepsydre à la goutte obscure pleurée,
Que, délaissée, elle erre, et sur son ombre pas
Un ange accompagnant son indicible pas !
Il ne sait pas cela le roi qui salarie
Depuis longtemps la gorge ancienne est tarie.
Son père ne sait pas cela, ni le glacier
Farouche reflétant de ses armes l'acier,
Quand sur un tas gisant de cadavres sans coffre

Odorant de résine, énigmatique, il offre

Ses trompettes d'argent obscur aux vieux sapins !

Reviendra-t-il un jour des pays cisalpins !

Assez tôt ?
Car tout est présage et mauvais rêve !

À l'ongle qui parmi le vitrage s'élève

Selon le souvenir des trompettes, le vieux

Ciel brûle, et change un doigt en un cierge envieux.

Et bientôt sa rougeur de triste crépuscule

Pénétrera du corps la cire qui recule !

De crépuscule, non, mais de rouge lever,

Lever du jour dernier qui vient tout achever,

Si triste se débat, que l'on ne sait plus l'heure

La rougeur de ce temps prophétique qui pleure

Sur l'enfant, exilée en son cœur précieux

Comme un cygne cachant en sa plume ses yeux,

Comme les mit le vieux cygne en sa plume, allée

De la plume détresse, en l'éternelle allée

De ses espoirs, pour voir les diamants élus

D'une étoile mourante, et qui ne brille plus.
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DÉDICACES, AUTOGRAPHES, ENVOIS DIVERS

Muse, qui le distinguas,
Si tu savais calmer l'ire
De mon confrère
Degas,
Tends-lui ce discours à lire.

*

Louys, ta main frappe au
Sépulcre d'Edgar
Poe.

*

Attendu qu'elle y met du sien
Vous feuillets de papier frigide
Exaltez moi musicien
Pour l'âme attentive de
Gide.

*

Exultez le temps mes vers
Que vous accorde une œillade
Bénigne et pas de travers
Le princier
Laurent
Tailhade.

*

Envoi de «
Vaihek »

Amusez-vous du
Conte
Arabe
Moi, me voici devenu crabe.

*

O fin de siècle,
Hiver ! qui truques
Tout, excepté le sentiment,
J'aime quand tu mets gentiment
Aux camélias des perruques.

.

*

Vous n'avez pas su nos
Exclamations :
Qu'est-ce ?
Avant tant de pruneaux
Savourés dans leur caisse.

*

N'allez pas, je le dis en vers, Éva, rose qu'on ne cueille
Regarder la vie à travers
La fumée acre du
Bird's eye.

Contre de l'huile de marsouin
Ou même un peu de goudron, vais-je
Exporter par un touchant soin
Mes deux fillettes en
Norvège ?

Vous me prêtâtes une ouïe
Fameuse et le temple ; si du
Soir la pompe est évanouie
En voici l'humble résidu.

Tant que tarde la saison
De juger ce qu'on fait rance,
Je voudrais à sa maison
Rendre cette conférence.

*

Quatrain écrit pour un ami (Edouard
Manet) qui voulait meure deux ou quatre vers au-dessous d'un
Polichinelle peint par lui

Polichinelle danse avec deux bosses, mais
L'une touche le sol et l'autre l'Empyrée :
Par ce double désir âme juste inspirée,
Vois-le qui toujours tombe et surgit à jamais.

.

*

Improvisé en écoulant la musique de
Léopold
Dauphin

...Ainsi qu'une fontaine à la fois gaie et noire Étincelle de feux, se cache sous le pin
Coule et veut être celle où la brise ira boire,
Un sanglot noté par
Chopin.

En renvoyant un filet à poisson

Je vous rends,
Claire de
Paris
Le filet, mais j'y reste pris.

»

Je souhaite que ce buvard
Sous tes doigts devienne bavard.

*

Il ne faut pas serrer les nœuds de ton hymen
Avant d'avoir passé le sinistre examen.

*

J'ai mal à la dent
D'être décadent !

*
Sur un panneau communal désaffecté à la campagne

Salut ô passant qui te fiches
De lire en été les affiches !

*

A une petite chienne.

Quand je passe qui rit à
Mes caresses, toi,
Rita.
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GALANTERIE MACABRE



Dans un de ces faubourgs où vont des caravanes
De chiffonniers se battre et baiser galamment
Un vieux linge sentant la peau des courtisanes
Et lapider les chats dans l'amour s'abîmant,

J'allais comme eux : mon âme errait en un ciel terne
Pareil à la lueur pleine de vague effroi
Que sur les murs blêmis ébauche leur lanterne
Dont le matin rougit la flamme, un jour de froid.

Et je vis un tableau funèbrement grotesque
Dont le rêve me hante encore, et que voici :
Une femme, très jeune, une pauvresse, presque
En gésine, était morte en un bouge noirci.

— Sans sacrements et comme un chien, — dit sa voisine.
Un haillon noir y pend et pour larmes d'argent
Montre le mur blafard par ses trous: la lésine
Et l'encens rance vont dans ses plis voltigeant.

Trois chaises attendant la bière : un cierge, à terre,
Dont la cire a déjà pleuré plus d'un mort, puis
Un chandelier, laissant sous son argent austère
Rire le cuivre, et, sous la pluie, un brin de buis...

Voilà. — Jusqu'ici rien : il est permis qu'on meure
Pauvre, un jour qu'il fait sale, et qu'un enfant de chœur
Ouvre son parapluie, et, sans qu'un chien vous pleure,
Expédie au galop votre convoi moqueur.

Mais ce qui me fit mal à voir, ce fut, la porte
Lui semblant trop étroite ou l'escalier trop bas
Un croque-mort grimpant au logis de la morte
Par la lucarne, avec une échelle, à grands pas.

La mort a des égards envers ceux qu'elle traque :
Elle enivre d'azur nos yeux, en les fermant,
Puis passe un vieux frac noir et se coiffe d'un claque
Et vient nous escroquer nos sous, courtoisement.

Du premier échelon jusqu'au dernier, cet être
Ainsi que Roméo fantasquement volait,
Quand, par galanterie, au bord de la fenêtre,
Il déposa sa pipe en tirant le volet.

Je détournai les yeux et m'en allai : la teinte
Où le ciel gris noyait mes songes, s'assombrit,
Et voici que la voix de ma pensée éteinte
Se réveilla, parlant comme le Démon rit.

Dans mon cœur où l'ennui pend ses drapeaux funèbres
Il est un sarcophage aussi, le souvenir.
Là, parmi ses onguents pénétrant les ténèbres,
Dort Celle à qui Satan lira mon avenir.

Et le Vice, jaloux d'y fixer sa géhenne,
Veut la porter en terre et frappe aux carreaux; mais
Tu peux attendre encor, cher croque-mort : — ma haine
Est là dont l'œil vengeur l'emprisonne à jamais.
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Vidéo de Stéphane Mallarmé
Stéphane MALLARMÉ – Le Poète et la Chine (CREOPS, 2014) Une conférence de Laurent Matuissi donnée le 6 juin 2014 au Centre de Recherches sur l’Extrême Orient de Paris-Sorbonne à l'occasion de la publication de son essai 'Mallarmé et la Chine'.
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