Loin des clichés rapides assenés ces dernières années, une bien belle étude du "polar nordique".
Publiée en 2010 aux éditions Encrage, dont la solidité des propositions fait souvent merveille, cette étude en forme de dictionnaire devrait enchanter le lecteur curieux.
En effet, loin des innombrables articles sur le sujet ayant pullulé (tout particulièrement depuis le succès mondial du "Millenium" de
Stieg Larsson, mais déjà avant, autour d'
Henning Mankell, par exemple) dans les revues grand public - et même, hélas, littéraires - depuis quelques années, qui se distinguaient trop souvent par leur manque de recul, de culture et de connaissances du genre et des pays concernés,
Thierry Maricourt connaît très bien les littératures des cinq pays "nordiques", et beaucoup plus qu'honorablement le genre policier.
Cela lui permet, dans une superbe "introduction" de 40 pages, de remettre en perspective l'émergence qui se produit avec
Maj Sjöwall et
Per Wahlöö à la charnière des années 60 et 70, de leur rendre sans ambiguïté leur statut de précurseurs reconnus (et revendiqués par nombre de leurs successeurs), et à partir des figures majeures les plus connues internationalement (
Henning Mankell,
Jo Nesbo,
Ake Edwardson,
Arnaldur Indridason, et bien entendu
Stieg Larsson) de dégager des éléments bien convaincants sur ce qui peut "faire" (et ne pas faire) le polar nordique.
Le rejoignant totalement pour ma part à la fois sur l'émergence et sur la nature du tronc commun (y compris dans la relativisation de l'appeau à lecteur trop pressé que constitue la fausse trilogie froid / nature / dépression), je regretterai seulement (un peu) qu'il ne soit pas plus clair, ou plus affirmatif, sur la conjonction magique que créent
Sjöwall et
Wahlöö, de manière quasi-unique à l'époque, avant précisément qu'elle ne séduise leurs émules (dont Mankell au premier chef), à savoir l'assemblage du "procedural" à la
McBain et du noir à forte conscience socio-politique à la Manchette / Scerbanenco, mélange magique dans lequel on trouve la vraie racine de ce qui allait devenir le "polar nordique".
Dans le tour d'horizon détaillé qui suit, pays par pays, je constate donc que
Thierry Maricourt apprécie autant que moi, c'est-à-dire beaucoup,
Sjöwall et
Wahlöö, qu'il est plus indulgent que je ne le suis avec les défauts (mineurs tout de même) de Mankell et avec ceux (plus sérieux) de
Stieg Larsson, qu'il est plus sévère que moi avec le léger dandysme d'
Ake Edwardson, un peu plus généreux avec le cadre dépressif de
Gunnar Staalesen, et aussi appréciateur de
Jo Nesbo, tout en regrettant comme moi sa tendance manifeste à "gonfler" ses récits pour se conformer peu à peu au canon "pavé" du genre thriller moderne, et de l'inclassable
Björn Larsson, y compris et surtout lorsqu'il "sort" du genre policier proprement dit...
Enfin, et c'est bien entendu l'autre grand plaisir de ce livre érudit sans être (du tout) inaccessible, parmi les auteurs que je connais peu ou pas, il me donne clairement envie de me plonger dans
Arnaldur Indridason,
Matti Yrjänä Joensuu,
Knut Faldbakken,
Anne Holt et
Kjell Eriksson, d'essayer
Dan Turell et Åsa Larsson, de redonner une chance sérieuse à
Leif Davidsen et à
Karin Fossum, et de ne pas en redonner à
Camilla Läckberg et à
Stefan Mani. de nouvelles heures de lectures en perspective, donc.