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Citations sur Leçons (43)

Or il y avait cette essence que chacun oublie quand un amour s'éloigne dans le passé - comment c'était, quel effet cela faisait et quel goût cela avait d'être ensemble seconde après seconde, heure après heure, jour après jour, avant que tout ce qui allait de soi n'ait été rejeté, puis recouvert par la réécriture du dénouement, et ensuite par les défaillances mortifiantes de la mémoire.
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Mais les yeux clos de son père évoquèrent pour Lawrence un univers qui se réduisait à des ténèbres glacées, faisant de lui le dernier être vivant, frigorifié et échoué sur un rivage désert. Il prit une profonde inspiration et hurla, un cri strident et pitoyable d'abandon et de désespoir. Pour les humains sans parole, sans autonomie, le pouvoir résidait surtout dans un violent déferlement d'émotions extrêmes. Un mode grossier de tyrannie. On comparait souvent les tyrans de ce monde à de jeunes enfants.

(p.45)
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Devant cette nouvelle confrontation aveuglante avec les façons de faire des adultes, il hésitait. Jamais ils ne vous disaient ce qu'ils savaient. Ils vous cachaient les limites de votre ignorance. Ce qui s'était passé, peu importait quoi, devait être sa faute et la désobéissance n'était pas dans sa nature.

(p.17)
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Les accords sinistres qui avaient clos la Seconde Guerre mondiale prenaient fin. Une Allemagne pacifiste serait réunifiée. L'empire russe se délitait sans qu'aucune goutte de sang ne soit versée. Une nouvelle Europe devait émerger. La Russie suivrait la Hongrie, la Pologne et les autres sur la voie de la démocratie. Elle prendrait peut-être même la tête du mouvement. Il n'était pas si surréaliste d'imaginer aller un jour en voiture de Calais au détroit de Béring sans jamais montrer son passeport. La menace nucléaire de la Guerre froide n'existait plus. Le désarmement à grande échelle pouvait commencer. Les livres d'histoire se refermeraient là-dessus : une masse de gens enthousiastes fêtant un tournant pour la civilisation européenne. Le nouveau siècle serait fondamentalement différent, fondamentalement meilleur et plus sage.

(p.308)
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Cela devint un handicap: quoiqu'il fasse, il était poursuivi par l'idée qu'il existait une plus grande liberté, une vie émancipée presqu'à sa portée, laquelle lui serait refusée s'il acceptait tout engagement définitif. Il rata ainsi beaucoup d'occasions et s'infligea des périodes d'ennui prolongé. Il attendait que l'existence s'ouvre comme un rideau, qu'une main se tende pour l'aider à franchir le seuil d'un paradis retrouvé. Alors son but, les plaisirs de l'amitié, de la convivialité, et le frisson de l'inattendu, serait atteint. Faute d'avoir compris ou défini ces attentes avant qu'elles ne se dissipent plus tard dans la vie, il resta sensible à leur attrait. Il ignorait ce que - dans le monde réel - il attendait.

(p.79)
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En marchant il songea que, l'éducation d'un enfant mis à part, le reste de son existence avait été et demeurait informe, et il ne voyait pas comment changer cela. L'argent ne pouvait le sauver. Il n'avait rien accompli. (...) Il se souvenait assez bien de ses parents à l'âge qu'il avait à présent. Ensuite plus rien n'avait changé pour eux, le déclin physique et la maladie exceptés.

(p.415)
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D'accord. Alors quoi? Alors...Dès qu'il atteignait ce stade, sur son avenir planait tel un brouillard le combat quotidien contre la fatique de la parentalité. Il ne pouvait y avoir aucun projet concevable, aucun élan, puisqu'il ne pouvait que rester les pieds sur terre, que continuer, aider Lawrence à continuer, continuer à s'occuper de lui, à jouer avec lui et à recevoir les allocations de l'Etat, sans oublier le ménage,la cuisine, les courses. Le lot commun étroitement contraint des mères célibataires était le sien.

(p.145)

Roland essaya de se voir vivant dans le luxe. Dans une maison quatre fois grande comme celle-ci, avec une femme tendre qui ne vous quittait pas, la gloire littéraire, deux ou trois enfants souriants et une employée de maison comme celle de Peter et Daphné qui faisaient un saut deux fois par semaine.

(p.147)
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Mais quand il pensait à ses propres erreurs durant sa vie, rétrospectivement, il avait l'impression qu'il lui manquait cette faculté innée de prendre du recul et ce sens pragmatique de la marche à suivre.

(p.591)

La relecture de ses carnets depuis 1986 ne lui apporta pas une meilleure compréhension de sa vie. Il n'y avait aucun thème saillant, aucun courant souterrain qu'il n'avait pas remarqué à l'époque, rien qu'il n'ait appris. Il ne trouva qu'une imposante masse de détails et d'événements, de conversations, et même de gens qu'il avait oubliés. Il lui semblait découvrir le passé de quelqu'un d'autre. (...) Ennuyeux, aucune lucidité, et cette passivité. Il avait lu beaucoup de livres. Ses résumés, rédigés à la hâte, étaient sans intérêt.

(p.634)
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Il n'avait pas saisi qu'il s'apprêtait à quitter sa famille pour toujours, que durant les sept années suivantes les trois quarts de son existence se passeraient en pension, que chez lui il ne serait plus qu'un visiteur.Et qu'après les études viendrait l'âge adulte. Mais il pressentait qu'il était à l'aube d'une nouvelle vie et comprenait à présent que le monde était compatissant et loyal. Il serait acceuilli en son sein avec bienveillance, équité, et rien de mauvais, de vraiment mauvais, ne pourrait lui arriver à lui ni à quiconque, du moins pas pour longtemps.

(p.64)
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La tentation des vieillards, nés au beau milieu des événements, était de voir dans leur mort la fin de tout, la fin des temps. De cette façon leur mort aurait plus de sens. Il acceptait de voir le pessimisme comme un bon compagnon de la réflexion et de l’étude, et l’optimisme comme l’affaire des hommes politiques, que personne ne croyait. Il connaissait les raisons de se réjouir et avait parfois cité les indicateurs, les taux d’alphabétisation et ainsi de suite. Mais c’était par comparaison avec un passé épouvantable. Impossible de le nier, de nouvelles horreurs nous entouraient. Des nations gouvernées par des gangs criminels en cols blancs ne cherchant que leur enrichissement personnel, maintenus en place par des services de sécurité, par la réécriture de l’Histoire et un nationalisme passionné. La Russie n’était qu’un exemple parmi d’autres. Les États-Unis en proie à un délire colérique, conspirationniste et suprémaciste pouvaient en devenir un autre. La Chine faisait mentir l’affirmation selon laquelle le commerce avec le monde extérieur ouvrait les esprits et les sociétés. Avec les technologies à sa disposition, elle pouvait perfectionner l’État totalitaire et offrir un nouveau modèle d’organisation sociale pour concurrencer ou remplacer les démocraties libérales – une dictature reposant sur une circulation fiable des biens de consommation et un certain degré de génocides ciblés. Le cauchemar de Roland était que la liberté d’expression, un privilège en recul, ne disparaisse pendant mille ans. L’Europe chrétienne du Moyen Âge s’en était passée tout aussi longtemps. L’islam n’y avait jamais attaché beaucoup d’importance.
Mais chacun de ces problèmes était local, limité à la modeste échelle du temps humain. Ils se réduisaient à un noyau amer contenu dans la coque d’un problème plus vaste, le réchauffement de la planète, la disparition des animaux et des plantes, la perturbation des systèmes interdépendants que sont les océans, la terre, l’atmosphère et la vie, magnifiques équilibres nourriciers que nous forcions à changer sans bien les comprendre.
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