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Citations sur Leçons (51)

Deux siècles s’étaient écoulés avant que les sommités en place ne jugent utile d’examiner au microscope les micro-organismes décrits par Antonie Van Leeuwenhoek en 1673. Elles avaient pris position contre l’hygiène parce que c’était une insulte à la profession, contre l’anesthésie parce que la douleur était un élément de la maladie voulu par Dieu, contre la théorie des microbes parce qu’Aristote et Gallien pensaient différemment, contre la médecine basée sur les preuves parce qu’on ne procédait pas ainsi. Elles se cramponnèrent le plus longtemps possible à leurs sangsues et à leurs ventouses. Au milieu du vingtième siècle, elles défendirent l’ablation généralisée des amygdales chez les enfants, malgré les preuves de son inefficacité. Au bout du compte, la profession finissait toujours par s’incliner. Un jour ces sommités s’inclineraient, et reconnaîtraient le droit d’une personne sensée de choisir la mort plutôt que des souffrances insupportables et incurables.
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Le garde prit son passeport ouvert. Il avait à peu près l’âge de Roland, de Florian et de Ruth, une trentaine d’années. Son uniforme semblait trop petit et de piètre qualité, un faux-semblant, comme l’air sévère exigé par sa fonction. Un membre du chœur d’un opéra médiocre en costume moderne. Roland attendit et l’observa. Visage long et pâle, avec un grain de beauté sur une pommette, des lèvres minces et délicates. Il s’interrogea sur l’abîme, le mur entre lui et cet homme qui, sous un autre régime, aurait pu être un partenaire de tennis, un voisin, un lointain cousin. Ils étaient séparés par un immense réseau invisible – aux origines presque tombées dans l’oubli – fait d’inventions et de croyances, de défaites militaires, de périodes d’occupation et d’accidents de l’histoire. Son passeport lui fut restitué.
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Quelque part à l'insu de la plupart des gens, les fondations d'internet furent posées.
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Il apercevait parfois Miriam Cornell au loin et veillait à ce qu’il ne se croisent pas. Pendant ses longues promenades à vélo sur la péninsule, il prenait soin d’éviter son village. Il n’irait jamais la voir, même si elle tombait gravement malade et lui envoyait de son lit de mort un message implorant. Elle était trop dangereuse. Il n’irait jamais la voir même si la fin du monde approchait.
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Les liaisons et les mariages depuis longtemps terminés finissent par ressembler aux cartes postales du passé. Quelques mots sur la météo, une anecdote, drôle ou triste, une photo ensoleillée au recto. Premier à disparaître, le moi insaisissable, précisément ce que l'on avait été soi-même, comment on apparaissait aux yeux des autres.
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L'ennui d'un adolescent de quinze ans peut avoir le raffinement de la technique du filigrane d'or portugais, de la toile sphérique de l'araignée de Karijini
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Les traits dont il se souvenait étaient bien là, prisonniers de joues et de paupières bouffies. Il dut imaginer que la beauté de la femme qu’il avait aimée était peinte à la surface d’un ballon dégonflé. En soufflant aussi fort qu’il l’oserait, il les retrouverait, ces yeux, ce nez, cette bouche et ce menton familiers, s’éloignant les uns des autres, flottant telles des galaxies dans l’univers en expansion. Alissa était là quelque part, le fixant, essayant elle aussi de le retrouver, lui, parmi ses propres débris, ce non-être chauve et porcin à l’air déçu.
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Parlant sans notes, il rappela à l’assemblée l’année de naissance de Rosalind : 1915. Difficile, dit-il, de penser à une autre période de l’histoire où en quatre-vingt-dix ans d’existence on aurait pu vivre autant de changements que Rosalind. Elle était née deux ans avant la révolution russe, et les horribles massacres de la Première Guerre mondiale commençaient. Les inventions qui transformeraient le vingtième siècle – la radio, la voiture, le téléphone, l’avion – n’étaient pas encore entrées dans la vie des habitants d’Ash. L’avènement de la télévision, des ordinateurs, d’internet prendrait des années et était inimaginable. Comme la Seconde Guerre mondiale, avec ses massacres encore plus horribles. Elle transformerait l’existence de Rosalind et de ses proches. En 1915, Ash en était encore à la voiture à cheval, un monde hiérarchisé, agricole, replié sur lui-même. Une visite chez le médecin pouvait grever le budget d’une famille d’ouvriers. Rosalind portait des bottines orthopédiques à trois ans pour remédier aux effets de la malnutrition. À la fin de sa vie un vaisseau spatial était entré dans l’orbite de Mars, on redoutait les inconnues du réchauffement climatique et on se demandait si l’intelligence artificielle ne remplacerait pas un jour les humains.
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Une première intervenante se leva. Il y avait un sujet tabou, déclara-t-elle. À coup sûr, la discussion devait porter sur l’attitude des artistes hommes envers leurs épouses, leurs compagnes et les enfants qu’ils avaient contribué à mettre au monde. Ces hommes fuyaient leurs responsabilités, avaient des aventures, buvaient ou devenaient violents, et se retranchaient comme de bien entendu derrière les exigences de leur noble vocation, de leur art. Historiquement, on avait très peu d’exemples de femmes ayant sacrifié autrui à leur art et elles encouraient alors une réprobation sévère. Elles risquaient davantage de s’en prendre à elles-mêmes, de se refuser le droit d’être mères, pour devenir artistes. On jugeait les hommes avec plus d’indulgence. Dès qu’il était question d’art, de poésie, de peinture ou autre, on avait simplement affaire à un cas banal de domination masculine. Les hommes voulaient tout : enfants, réussite, femmes entièrement dévouées à leur créativité. Applaudissements nourris. Le professeur semblait perplexe. Il n’avait pas envisagé le problème en ces termes, ce qui était surprenant puisqu’une nouvelle vague de féminisme avait gagné les universités une génération plus tôt.
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Quelle logique, quelles motivations, quel renoncement désespéré pouvaient, d’heure en heure, tous nous transporter à l’intérieur d’une génération de l’optimisme enthousiaste lors de la chute du Mur de Berlin à l’assaut du Capitole américain ? Roland avait cru que 1989 serait un portail largement ouvert sur l’avenir, par lequel tout le monde s’engouffrerait. Ce n’avait été qu’un point culminant. À présent, de Jérusalem au Nouveau-Mexique, on construisait des murs. Tant de leçons non retenues. Cet assaut de janvier contre le Capitole pouvait n’être qu’une faille, un moment singulier de honte dont on discuterait avec étonnement pendant des années. Ou un portail ouvrant sur une nouvelle sorte d’Amérique, l’administration actuelle étant un simple interrègne, une variante de la république de Weimar. Rendez-vous sur l’avenue des Héros-du-6-Janvier. D’un point culminant à un tas de fumier en trente ans. Seuls un regard rétrospectif, des recherches historiques bien conduites pouvaient distinguer les points culminants et les failles des portails.
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