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EAN : 9782823608670
381 pages
Editions de l'Olivier (04/06/2015)
3.74/5   19 notes
Résumé :
Marseille, 1929. Lincoln Agrippa Daily, alias Banjo (comme l'instrument dont il joue dans les bars), docker occasionnel, est un Noir américain en quête de plaisirs et d'aventures. Dans cette ville légendaire pour tous les marins du monde, il déambule, en compagnie d'amis et de connaissances de passage. C'est dans les bas-fonds, les lieux clandestins, les rades plus ou moins louches qu'ils rencontrent prostitué(e)s et maquereaux, voyous en tout genre, marins en bordé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Lincoln Agrippa Daily, le métonyme Banjo, est un afro-américain des états du Sud (Dixie) que la soif d'aventure sauce bougeotte a porté jusqu'à Marseille en pleine crise de 1929.

Vivant aux crochets de qui le suit mais sans malice, il va de groupe en groupe cultivant sa chance et le plaisir d'être là. Simplement, sentir le pouls d'un lieu et s'y glisser, pour vibrer à son unisson.
Rocher parmi les ballasts de la grande Digue du Large. Homme mijoté dans cette marmite folle pleine de grecs, italiens, arabes, sénégalais, antillais, américains, corses éparpillés là façon bouillabaisse.

Plus qu'un personnage c'est un organe, une fonction. Un coeur vif qui bat sans y penser et qui envoie le sang de sa vie le plus loin possible, à gros bouillons, dans un battement syncopé et musical.

Il fait tout pour garder intact son instinct primaire (et non pas primitif) et instantané face à l'environnement étourdissant du Vieux-Port et de ses habitants. "Quartier Réservé", "Fosse", "Booty Lane", "Place aux Tapeurs" soit les vieux quartiers interlopes du quai de la mairie détruits en 1943 par les allemands. Des lieux vibrants, braillards, violents et glauques où prostituées, marins, souteneurs et gérants de bar mènent un rythme endiablé et incessant.

Louis Gillet décrivait Marseille dans ces mots choisis et fielleux en 1942 : « Suburre obscène, un des cloaques les plus impurs, où s'amasse l'écume de la Méditerranée […] C'est l'empire du péché et de la mort. Ces quartiers patriciens abandonnés à la canaille, la misère et la honte, quel moyen de les vider de leur pus et les régénérer ? »

Si ce n'est pas ça "la mauvaise réputation" que Pigalle me mette une mandale !!!

Dans cette ronde infernale, qui éclabousse en de grandes gerbes d'alcool, Banjo est dans son élément. Il y respire mieux et trouve une motivation tous les jours renouvelée dans ce ballet haletant.

Au jour le jour. A la nuit la nuit. Sans aucun recul ni réflexion inutile. Seul dans son élan.

Le banjo dont il joue évidemment est son viatique pour se frayer un chemin dans ce bourbier. Trouvant ainsi à coup sûr un coin chaud où se lover et boire le jus frais des soirées enfiévrées. La musique qui met en branle, fait bouger les corps et nous remet au présent. Au ici et maintenant.

Ce roman s'intitule "Banjo : histoire sans intrigue". Effectivement, il n'y en a pas. C'est ce qui peut surprendre et déplaire.

On y trouve plutôt des tableaux se succédant au grès des bordées que Banjo et ses amis tirent au fil des mois d'un bordel à l'autre, d'un café à l'autre, de la Digue à la Fosse et retour. En cela, la structure est proche de la vie de ces jeunes hommes qui prennent les évènements comme ils viennent. Improviser. A l'improviste.

Ne cherchez donc pas de but, ni de projet. Tout bouge et remue dans une roue de la fortune qui ne s'arrête jamais de tourner.

Ce sont les personnages que nous rencontrons qui nous poussent à continuer la lecture. Pour voir, un peu comme au Poker. Quelle sera la prochaine donne ? La prochaine main ? Comment la joueront-ils ?

De beuveries en journées à flâner sur les docks à la recherche d'une "gonzesse à taper" (traduction : un bateau à quai dont les matelots seraient prêts à leur donner quelques pièces ou plus si affinités) ils cherchent le divers dans la monotonie de la bohème et de la dèche. Se divertir et s'en sortir.

Malgré la bonne humeur, le drame est toujours là, tapi dans les recoins chassieux des bars à marins. Un coup de revolver, de surin ou du sort.

Ray, rencontré par hasard, est le plus posé du groupe même si il s'en défend, déclarant chercher désespéremment lui aussi la spontanéité. Écrivain, il est une incarnation à peine voilée de Claude McKay. Lui et Banjo aux antipodes, sont peut-être d'ailleurs les deux extrêmes de l'auteur : un Ray cérébral à l'oeil aiguisé et un Banjo plus viveur et nonchalant.

Si ce n'est la peinture très juste de Marseille la scandaleuse, des questions toujours actuelles se posent à ces hommes. On note que le colorisme est déjà présent. Ils sont noirs mais que dit cette couleur ? Est-ce qu'elle les définit tous pareillement africains, afro-américains, antillais ? Se vivent-ils comme un seul peuple face à l'injustice blanche ? La France est-elle vraiment cette terre promise où les noirs sont acceptés sans sourciller quand les Lois Jim Crow et les lynchages meurtrissent les afro-americains des États-Unis ? Pas de réponse. Des questions. Des opinions. Des points de vue. Des désaccords. C'est déjà bien. C'est déjà vivant.

Un livre intense. Ivre. Très moderne. Au rythme chaloupé.

A lire aussi avec les oreilles. Tapez " Banjo -
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Un groupe de vagabonds sans attache vit au jour le jour dans les rues autour du port de Marseille. Ville mythique pour les marins du monde entier, grouillante de vie, de vices, d'opportunités, de rencontres - et surtout de musique, de danse, de jazz et d'amour et d'amitiés.
Rien n'est embelli ici, la misère n'est pas jolie ni poétique. L'alcool, la drogue, la prostitution, le vol, la violence sont partout. Nos héros font la manche, jouent, dansent et chantent, volent, partagent leurs gains, se font nourrir par des cuistots de bateaux en escale. Toute une communauté vit et s'organise, et se défait tout aussi vite, au fil des évènements.
Il s'agit d'une chronique, donc on ne trouve pas de longue histoire suivie sur les 315 pages du roman, mais nous restons dans les pas du marin Banjo et de son groupe d'amis et compagnons, pendant les quelques mois où la vie a palpité fort pour eux. Les personnages passent et reviennent, comme dans la vie ...
Ce roman, écrit il y a à peine moins de 100 ans (en 1927), est extrêmement contemporain par les réflexions et analyses sur le racisme, les immigrations, les "tracasseries" (administratives et policières - ces dernières prenant la forme de passage à tabac arbitraire lorsque les protagonistes sont dans un "beau quartier" où on ne souhaite pas les voir). Il annonce aussi la Grande Dépression de 1929, que l'on sent venir de loin, à la fois économiquement et politiquement, par le choix de refouler les "étrangers" des emplois et des frontières.
Le livre a été remarqué à sa sortie pour sa "philosophie raciale" - on peut mesurer à ce jour ce qui a changé ou pas dans les regards croisés des uns et des autres - et également pour la peinture détaillée de ce Marseille populaire du port, des marins en escale, des dockers qui restent et de toute la vie autour.
L'auteur met en scène de grandes discussions entre différents groupes que l'on dirait "racisés" aujourd'hui : noirs américains des états du Nord ou du sud "Dixie", "tirailleurs sénégalais" français du Sénégal, de Guinée ou d'ailleurs, Indiens britanniques, Africains, Chinois, et autres extrême-orientaux, arabes et tous les métissages possibles ... la question est longuement traitée de façon passionnante, et sans "conclusion" proprement dite, puisque les idées ont été exposées au cours de discussions n'appelant pas de conclusion.
J'ai entendu parler de ce livre à l'occasion d'une émission de radio sur un spectacle musico-théâtral basé sur ce texte (voyez www.mckay100ans.com), et je suis ravie de cette découverte.
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Ce livre est une petite à decouvrir absolument.
On suit les tribulations de Banjo, vagabond joueur de jazz entre le vieux port, le panier et la joliette.
Le regard d'un ecrivain afro américain sur Marseille est très interessant, j'ai adoré lire la description de ces quartiers que je connais si bien.
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critiques presse (1)
Liberation
03 mai 2022
Leur monde est dans ces bas-fonds dont ils ont rebaptisé l’artère principale la Boodie Lane, où se sont échoués des marins et des dockers qui s’enivrent de souvenirs plus ou moins inventés et de récits d’aventures qui n’arrivent qu’aux autres.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le quartier du Vieux-Port exhalait une odeur écœurante de vie dense, mêlée, entassée, tournant dans un cercle de misère suffocante. Et pourtant, tout semblait s'y trouver bien à sa place et s'ajuster tout naturellement. Les bistrots et les boutiques d'amour, les filles et leurs macs, les clochards, les chiens et les chats, chaque élément contribuait d'une façon essentielle et colorée à créer cette chose indéfinissable qu'on appelle une ambiance. Aucun autre décor n'aurait pu mieux convenir aux gars du bord de mer. A croire que tous les laissés-pour-compte de toutes les mers du monde avaient dérivé jusqu'ici pour passer la journée étendus au soleil.
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Son être vibrait de toutes ses fibres au contact de la vie facile de la Fosse, cette vie de bistrots et d'amour.
Banjo était un grand vagabond des bas-fonds. Il était né dans le Sud des plantations de coton mais il avait bourlingué à travers toute l'Amérique. Sa vie était un rêve de vagabondage qu'il poursuivait sans cesse et qu'il réalisait de façon bizarre, jamais complètement, mais jamais sans en tirer quelque satisfaction.
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- J'aime pas le pain français, de toute façon, dit Bugsy. On dirait un de ces macs pourris de la Fosse - tout en croûte et rien dans le ventre.
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Le véritable attrait de la mer se trouvait au delà du voyage, dans le port d'escale. Et de tous les grands ports, aucun ne fascinait les marins autant que Marseille, avec sa beauté cruelle.
Le port était une cuvette magnifique, largement ouverte et les quais aussi étaient largement ouverts. Ray aimait la variété piquante des marchandises sur les quais tout autant qu'il s'intéressait à l'élément humain, plein de couleurs qui les peuplait. Et rien ne le passionnait autant que les Noirs du port. Dans aucun autre port, il n'avait rencontré, vivant ensemble, autant de Noirs d'une variété aussi pittoresque : Nègres parlant l'une des langues civilisées, Nègres parlant tous les dialectes africains, Nègres à la peau noire, brune ou jaune. A croire que chaque pays du monde où vivaient des Noirs avait laissé des représentants de cette race dériver jusqu'à Marseille.
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Le patriote aime, non sa nation, mais la mesquinerie spirituelle de sa vie dont il s'est fait une frontière qui lui cache la beauté d'autres horizons.
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Video de Claude McKay (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claude McKay
Avec Alfred, Mathilde Domecq, Richard Guérineau, Benoit Guillaume, Laureline Mattiussi, Rémi Foucard (claviers, chant), Jérôme Sedrati (batterie, chant) et Yan Wagner (chant, claviers). ? Friche la Belle de Mai (Marseille) le 23 mai 2018 ? L?an dernier, Alfred et ses complices de la BD, accompagnés par le saxophoniste Raphaël Imbert, avaient enflammé La Criée en revisitant le Banjo de Claude McKay. Cette année, c?est au tour d?un autre roman culte, 1984, de servir de trame à la création d?un nouveau « concert dessiné », cette performance collective qu?Alfred pratique en maître : sur scène, cinq dessinateurs mêlent leurs univers et leurs crayons pour faire vivre en images le roman de George Orwell. Afin d?en souligner la dramaturgie futuriste, le musicien-compositeur Yan Wagner ? connu pour ses albums d?électro-pop et son duo avec Étienne Daho ? déploie sa palette de sons hypnotiques et interprète en direct avec ses musiciens la bande son de la soirée. Une autre manière, inventive et décalée, de (re)découvrir le chef d??uvre d?Orwell !
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