Dans cette maison de vacances, les familles se succèdent sans se croiser, la femme de ménage est leur seul lien humain avec la maison. L'autrice nous détaille des tranches de vie, des pensées, certaines recueillies sur le Livre d'or, la difficulté des interprétations souvent erronées, même entre proches, et surtout sur un détail laissé par un autre vacancier, l'importance du hasard. Un livre introspectif, qui donne à réfléchir. J'ai été étonnée plusieurs fois par le choix de mots plus familiers qui détonnent avec le reste du phrasé plutôt travaillé, comme pour certains détails très concrets, qui finissent d'enlever toute tentation de chercher de la poésie dans le texte. Il manque une ou deux fois des déterminants, est-ce une expression idiomatique que je ne connais pas ou un problème de traduction, je ne chercherai pas. J'ai bien aimé le travail sur les mots pour l'histoire de Teun, autour du couteau et du parapluie qui reviennent à plusieurs reprises, comme pour rouvrir la plaie.
J'ai trouvé cette lecture introspective plutôt déroutante et triste, touchante et qui donne envie de poursuivre. La femme de ménage est attendrissante en fil conducteur. Il y a une arythmie dans les chapitres, on ne change pas de famille à chacun, c'est fonction de la longueur à raconter. Passer ses vacances dans cette maison, et y faire le ménage, n'est pas de tout repos.
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Je m’en suis sortie, une fois de plus. Tout est propre, tout marche. Tapis battus, rideaux repassés et accrochés ; ampoule neuve à la lampe au-dessus de la table ronde. La maison sent encore un peu l’alcool à brûler. Juste ce qu’il faut, non pas comme une dame qui se serait trop parfumée.
Reste mon petit tour d’inspection. Une dernière fois, je passe dans les pièces de Duinroos en regardant tout avec des yeux de vacancier. D’abord l’étage : la petite chambre bleue sous les toits. La chambre de Betty, c’est ainsi que je l’appelle. Betty et Herman Slaghek vont sans doute revenir cette année, trois semaines en mai, pour la cinquième fois. Puis je redescends l’escalier : mon voisin l’a repeint cet hiver. Je n’ai pas demandé l’autorisation à M. Duinroos ; de toute façon, il s’en remet à moi. Je lui ai envoyé la facture de la peinture ; quant à Bart, il n’a bien entendu pas demandé un centime pour la main-d'œuvre. Les marches avaient l’air moisies ; au fil des ans, la peinture blanche s’était écaillée, à croire que les gens n’ont rien de mieux à faire que passer leurs vacances à monter et descendre cet escalier.
Au rez-de-chaussée, depuis le temps que je viens ici, j’ai mon petit circuit. Pour commencer, la chambre d’enfant, près de la porte d’entrée, ensuite la cuisine, puis, en passant par le salon, la chambre des parents sur le côté de la maison. Je soulève de nouveau les rideaux pour voir s’il n’y a pas d’araignée morte par terre. Les W.-C., inutile de les inspecter une dernière fois car, nerveuse comme je suis, je les visite toutes les deux minutes comme si je m’apprêtais à partir en voyage.
Une fois que je suis passée partout, la partie d’échecs peut commencer. J’aurais pu être un Grand Maître. Où placer les fleurs ? Sur la table ronde ? Ou, malgré tout, sur la table basse, près des portes-fenêtres, afin qu’elles aient plus de lumière ? Les gaufres au miel que j’ai achetées pour les locataires, faut-il les mettre dans la boîte à gâteaux ou les laisser dans leur paquet sur le plan de travail ? Et le Livre d’or ? En guise de signet, je place à la page vierge qui marque le début de la nouvelle saison une feuille de hêtre plus que morte. Elle n’est plus que contours et nervures et, entre celles-ci, membrane transparente aussi résistante que du papier épais. Je l’ai repérée par hasard alors que je promenais le carlin de ma fille dans le bois, derrière le port. Un bois où pas un hêtre ne pousse. Pour que je la trouve là, il faut que le vent l’ait amenée de l’autre côté de l’île. Un dernier coup d'œil dans la cuisine en regardant par le passe-plat : allumettes à leur place près de la cuisinière, porte du frigo fermée, sucre, thé…
Autant de questions qui me hantent, mais j'ai beau ouvrir les fenêtres pour faire un courant d'air, elles ne s'en vont pas.
- Mais non, tu n'y es pas. Quand les enfants oublient leurs parents, ça veut dire qu'ils n'ont pas le cafard.
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